Incroyable réintégration dans une usine fantôme

Message par Barikad » 06 Nov 2004, 12:12

("Liberation" a écrit :Victoire juridique pour les salariés de Wolber: leur licenciement de 1999 est annulé, mais leur usine à Soissons a été fermée et délocalisée en Inde.
Incroyable réintégration dans une usine fantôme de Michelin

Par Muriel GREMILLET
samedi 06 novembre 2004 (Liberation - 06:00)
Soissons envoyée spéciale.



c'était comme un signe. Alors que les ouvriers de Wolber sortaient de la salle des prud'hommes de Soissons (Aisne), les cloches de la cathédrale Saint-Gervais-Saint-Protais toute proche se sont mises à sonner à pleine volée. Comme pour saluer une victoire juridique de grande importance. Les juges du code du travail ont prononcé, vendredi, la réintégration des salariés du fabriquant de pneus de vélo, filiale de Michelin. Un fait exceptionnel dans l'histoire du droit du travail. En juillet 1999, le géant du pneu avait décidé de fermer sans discussion cette usine qui employait 451 salariés, en délocalisant la production en Inde. A l'époque, le groupe avait annoncé la suppression de 10 % de ses effectifs en Europe, soit 7 500 suppressions de poste, en même temps que des résultats financiers exceptionnellement bons.

Nullité. Les salariés ne s'en sont toujours pas remis : selon la CGT majoritaire et qui continue à tenir un compte précis de la situation de chacun, seuls un tiers d'entre eux ­ surtout les hommes jeunes ­ a retrouvé des emplois. Près de la moitié des ouvriers de Wolber poursuivent Michelin en justice depuis 1999 pour faire annuler les licenciements. Cinq ans après, peu y croyaient encore. D'autant qu'un premier groupe de 147 plaignants avait obtenu de la cour d'appel d'Amiens, en octobre 2003, la reconnaissance de la nullité des licenciements, mais pas la réintégration. Le juge avait réglé l'affaire à coups de dommages et intérêts. Les 115 personnes du second groupe de plaignants ont eu plus de chance, sans pour autant la mesurer immédiatement. Quand le président des prud'hommes lit la décision qui les réintègre de plein droit dans leur entreprise, personne ne bronche dans la salle. Il faut les explications de Me Brun, leur avocat, pour que les visages se détendent un peu. Une ancienne ouvrière, venue avec sa petite fille, est à deux doigts de pleurer. Elle n'a pas retrouvé de travail à ce jour.

En dix minutes, les juges effacent cinq ans de bagarres et donnent raison à l'avocat qui a toujours réclamé cette solution. «La procédure collective [de licenciement] est nulle», affirme le conseil des prud'hommes. Les licenciements sont nuls ; les contrats de travail des salariés n'ont donc pas été rompus pour le conseil. Dans un premier temps, Michelin doit payer à ses anciens salariés cinq ans d'arriérés de salaire, de 40 000 à 60 000 euros par personne.

Dans un deuxième temps, il s'agit de réintégrer «matériellement les salariés» à leur poste ou, détaille le jugement, «au sein d'une entreprise appartenant au groupe Michelin, dans une usine française de ce denier». Car, voilà, l'usine Wolber de Soissons n'existe plus. «Je suis prête à retourner bosser à mon poste demain matin, dit amèrement Nicole. Seulement il ne reste plus rien.» Les ateliers de la manufacture, ainsi que sa cheminée d'usine qui dominait le paysage, ont été dynamités pour faire de la place et essayer d'attirer d'autres entreprises. Sans grand résultat d'ailleurs. Une fabrique de meubles, qui devait à terme embaucher 100 personnes, a fait faillite en 2003. L'atelier protégé qui devait ouvrir juste à côté est toujours en construction. Et les anciens salariés de Wolber qui ont retrouvé un travail sont souvent partis loin de Soissons. Les femmes n'ont souvent eu d'autre choix qu'entre la récolte des champignons dans les caves de la région et le ménage chez des personnes âgées dépendantes. Huit salariés sur 451 sont morts depuis 1999. Comment alors réintégrer les ouvriers ? Philippe Brun, l'avocat, en appelle purement et simplement à la réouverture du site. «Si le juge, si les pouvoirs publics n'avaient pas laissé faire à l'époque en déclarant que l'Etat ne pouvait rien, nous n'en serions pas là», peste-il. «Les bonnes machines sont parties en Inde, explique Corinne Cloatre, élue CGT. Il y a eu une vente aux enchères, et ce qui n'est pas parti a été enseveli quand ils ont cassé les murs.»

Appel. Le tribunal des prud'hommes, à défaut de désigner les postes, a fait preuve d'initiative en imposant aux parties une méthode inédite : il demande aux élus CGT et au représentant légal de la SA Wolber d'ouvrir des négociations en vue d'aboutir «impérativement» à un «accord d'entreprise» d'ici à la fin de l'année pour organiser les réintégrations dans le groupe. Si le 2 janvier 2005 aucune solution n'est trouvée, il condamne en plus Michelin à une astreinte de 100 euros par jour et par salarié qui n'aurait pas retrouvé son travail. Vraisemblablement, le groupe ne devrait pas avoir à traiter 451 dossiers. Ceux qui ont retrouvé un emploi ne souhaitent pas repartir en arrière. «Je suis éboueur, explique un ancien ouvrier. Chez Wolber, je préparais les mélanges de caoutchouc pour les pneus. Mon travail d'aujourd'hui n'est pas facile, mais je ne veux pas prendre le risque de revenir dans une usine qui n'existe plus.» «Wolber fera vraisemblablement appel», a commenté sobrement vendredi la communication de Michelin. Un nouvel épisode judiciaire pourrait s'ouvrir. Mais sur des bases bien plus solides pour les salariés ex-licenciés. Qui savent, aujourd'hui, que rien ne justifiait qu'on détruise leur usine.
Barikad
 
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Message par Barikad » 06 Nov 2004, 12:13

("Liberation" a écrit :Retour au travail: des cas rares

Par Muriel GREMILLET
samedi 06 novembre 2004 (Liberation - 06:00)

les réintégrations sont très rares. En février 2002, deux salariés licenciés d'une filiale du groupe Total avaient retrouvé leur travail après six années de bataille (Libération du 7 février 2002). Beaucoup cependant préfèrent empocher des indemnités de licenciement, plutôt que de batailler pour revenir à leur poste des années après. La réintégration repose sur l'arrêt Samaritaine de la Cour de cassation de 1997, imposant le retour au travail des salariés en cas d'absence de plan social. La disposition avait été reprise par la loi de modernisation sociale de la gauche plurielle. La droite a supprimé cet article en décembre 2002.
Barikad
 
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