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Message Publié : 25 Oct 2004, 17:20
par pelon
a écrit :
Ces entreprises qui veulent recruter en 2005

LE MONDE | 25.10.04 | 13h30

Sur 110 sociétés interrogées par "Le Monde", 76 ont accepté de dévoiler leurs projets. Après deux années sombres pour l'emploi, des signes de reprise apparaissent, principalement dans les services. Le départ en retraite des baby-boomers va stimuler l'embauche de jeunes.

35 heures, droit du licenciement, délocalisations... Depuis septembre, la compétitivité économique de la France et sa capacité à générer des emplois sont au cœur du débat politique. Quelle est la réalité sur le terrain ? Selon le baromètre trimestriel Fiducial/Ifop, publié dimanche 24 octobre, les 2,3 millions de très petites entreprises (TPE, moins de 20 salariés), qui emploient 4 millions de personnes, ont recommencé à créer de l'emploi au troisième trimestre : 60 000 créations nettes en France.

Qu'en est-il des autres entreprises ? Le Monde a interrogé, entre le 10 et le 22 octobre, près de 110 sociétés sur leurs objectifs d'embauches ; 76 d'entre elles (qui emploient actuellement 2,1 millions de personnes) ont accepté de dévoiler leurs projets. Après deux années sombres, pendant lesquelles nombre d'entreprises, petites ou grandes, ont gelé leurs dépenses, mais aussi leur masse salariale, des signes de reprise apparaissent dans certains secteurs.

Une quarantaine d'entreprises envisagent d'embaucher chacune plus de 1 000 personnes en 2005, notamment pour remplacer des départs naturels (retraites...). Une trentaine annoncent même, chiffres à l'appui, des créations nettes d'emplois, parfois conséquentes : 2 000 pour Vinci (BTP), 1 500 pour Veolia Environnement (métiers de l'eau, gestion des déchets...).

Pas d'emballement pour autant. Alors qu'aux Etats-Unis l'élection présidentielle est un facteur d'attentisme chez les agents économiques, les 60 directeurs de ressources humaines (DRH) et responsables de recrutement interrogés en France optent pour la prudence. Ils évoquent un frémissement mais se gardent bien de retomber dans l'effervescence des années 2000 et 2001, juste avant l'éclatement de la bulle Internet.

Logiquement, le secteur des services (informatique, conseil, distribution...), qui représente 75 % des emplois salariés en France, va dynamiser le marché du recrutement. L'organisation professionnelle Syntec prévoit une croissance du secteur des services informatiques de 4 % à 6 % pour 2005. Autre locomotive annoncée, la distribution : bricolage, sport et surtout, dans un contexte de consommation morose, les enseignes alimentaires à bas prix (Lidl, Aldi, Ed...).

Le paysage de l'industrie - qui ne pèse plus que 20 % de l'emploi salarié - est plus contrasté. Des carnets de commandes bien remplis poussent le bâtiment à annoncer, pour 2005, d'importants plans d'embauche. Mais, dans les autres secteurs (aéronautique, télécommunications...), les créations nettes d'emplois sont maigres, et certaines entreprises se refusent même à dévoiler leurs pronostics de recrutement. En 2004, selon une enquête du Credoc, les projets d'embauches dans l'industrie ont reculé de 9 % par rapport à 2003. Pour 2005, les entreprises interrogées parlent avant tout d'une nécessaire amélioration des performances de leurs sites français. "Si nous voulons rester compétitifs et continuer à produire en France, il faut augmenter notre productivité, indique Christian Delhaye, directeur du personnel de Michelin France. Nous remplaçons environ une personne pour trois départs à la retraite." De grandes entreprises, comme L'Oréal ou Danone, recrutent également à l'étranger pour nourrir leur croissance internationale.

Que l'horizon soit éclairci ou non, les entreprises industrielles et de services se retrouvent au moins sur une problématique : la gestion de leur pyramide des âges. Face au départ massif et programmé des baby-boomers à la retraite, nombre de sociétés anticipent le phénomène. "Nous avons maintenu un recrutement élevé ces dernières années, même si nos besoins étaient plus faibles", explique Odile de Damas-Nottin, directrice du recrutement chez Total. " Chez nous, entre 2006 et 2010, le nombre de sexagénaires va quintupler", note François Jacquel, directeur central des ressources humaines chez Bouygues Construction. Chez Colas, les départs à la retraite des cadres vont tripler d'ici 2010. Le groupe public DCN (ex-Direction des constructions navales) vient de réaliser un inventaire pour identifier quelle déperdition d'expérience l'entreprise allait subir. "Nous recrutons des jeunes pour remplacer ces postes-clés : il faut dix ans pour former un architecte naval", explique Sophie Normand, responsable du recrutement du groupe.

Les banques de réseau sont également largement touchées. "L'effet papy-boom va démarrer en 2006 jusqu'en 2010 avec un gros pic en 2008. Nous nous préparons en recrutant", explique-t-on à la Société générale. Chez BNP Paribas, 1 000 personnes auront 60 ans en 2007 et 1 200 en 2008. L'assureur Axa France, chez qui les quinquagénaires représentent un tiers des effectifs, a mis en place un programme de mobilité pour recruter plus facilement en interne. Ce programme concernera 700 personnes en 2005.

Ces départ massifs sont d'autant plus préoccupants que les jeunes recrues vont se faire rares, conséquence directe de la baisse de la natalité. Une question centrale taraude désormais les DRH : comment faire, dans les prochaines années, pour attirer et surtout garder les salariés ? "Les candidats posent de plus en plus de questions sur notre capacité à les faire travailler sur des projets qui compteront dans leur CV, pour pouvoir se vendre ailleurs", affirme Laurent Schwarz, directeur général adjoint de la société de conseil Alten.

Pour se rendre plus attractives, les entreprises créent des "marques employeur" (comme You & Unilever pour le groupe de grande consommation), un concept censé véhiculer les valeurs du groupe aux futures recrues. Cet habillage sera-t-il suffisant ? "Nous rentrons dans une période, inédite, où il va être de plus en plus difficile de recruter et de fidéliser. Il est nécessaire de resserrer le lien qui s'est distendu entre entreprises et salariés", explique Eric de Ficquelmont, directeur général adjoint de Veolia Environnement.

"Dans les années 1980, les entreprises ont joué avec le feu avec de grands discours langue de bois. Maintenant, les jeunes veulent de l'authentique", explique François Potier, DRH de Pinault Printemps Redoute. "La jeune génération ne veut être ni manipulée, ni maltraitée, comme cela a pu être le sentiment des générations précédentes, affirme Brigitte Lemercier, directrice générale du cabinet de recrutement Russel Reynolds Associates. Les DRH et les dirigeants vont devoir apprendre à gérer autrement."

Laure Belot et Nathalie Brafman
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 26.10.04