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Message Publié : 12 Oct 2004, 09:22
par faupatronim
(Libération @ mardi 12 octobre 2004 a écrit :Aux plans sociaux coûteux, les patrons préfèrent les renvois pour motif personnel.

Le boom des licenciements économiques masqués

Par Sonya FAURE





«On a eu le choix pour notre motif de licenciement. Moi, on m'a proposé "insuffisance de résultat" ou "mésentente".» Cet ex-salarié l'affirme : 15 des 17 consultants bordelais du groupe de conseil et d'audit KPMG auraient été licenciés pour faute ou insuffisance professionnelle. L'entreprise, elle, ne reconnaît que neuf licenciements pour motif personnel et quatre économiques. Deux autres ont démissionné. En moins de deux ans, l'antenne bordelaise de KPMG Entreprises­Stratégies Management a disparu.

«Pourquoi organiser un licenciement économique, qui fait désordre, quand on peut licencier à dose homéopathique ?» ironise le salarié congédié. Il est le seul à ne pas avoir accepté la transaction. Hier, il contestait son licenciement aux prud'hommes. «Le groupe tente de masquer des problèmes internes de stratégie, analyse Edwige Hardouin, son avocate. On a reproché aux consultants de ne pas atteindre leurs objectifs. Mais il n'y avait plus de clients ! KPMG avait transité tous les dossiers sur d'autres sites.» Eviter le licenciement économique collectif, c'est éviter de passer par les représentants du personnel et par une procédure encadrée. «L'entreprise n'a eu à faire que quelques propositions de chèques, au petit bonheur la chance», poursuit l'avocate. KPMG rejette ces accusations : «Notre seule faute, c'est d'avoir recruté des gens qui n'étaient pas bons. Il a fallu s'en séparer.»

Cadres ciblés. La méthode a fait ses preuves : on licencie discrètement, salarié après salarié, pour éviter d'avoir à monter des licenciements collectifs ou des plans sociaux (un cinquième des licenciements en France), plus coûteux pour le budget comme pour l'image de marque. Les licenciements pour motif personnel ­ pour cause réelle et sérieuse comme pour faute ­ ont explosé. Selon une étude de la Dares (juillet 2003), depuis cinq ans, ils sont devenus deux fois plus nombreux que les licenciements économiques. Soumis à la vogue du management par objectifs et aux obligations de résultat,les cadres sont les plus touchés. «Chez KPMG, beaucoup de consultants avaient une tren- taine d'années, témoigne l'ex-salarié. C'était leur première expérience professionnelle. Ils ont signé tout ce que voulait la direction.»

Lui a 51 ans. «Et beaucoup moins de chance de [se] recaser.» Les seniors sont justement les plus visés par le licenciement pour motif personnel, devenu un «outil de gestion de la main-d'oeuvre vieillissante», selon la Dares. Dans les bureaux de la CGT d'Epinal (Vosges), «c'est un vrai défilé : on voit chaque jour deux ou trois salariés qui se sont fait virer pour faute lourde, rapporte Gilbert Heyer, de l'organisation syndicale. C'est une stratégie d'isolement». La «faute» dispense l'employeur de payer les indemnités de licenciement. Elle lui permet aussi de couper à la «contribution Delalandes», indemnité supplémentaire à verser quand il licencie un salarié de 50 ans ou plus. «Les employeurs leur font miroiter une sorte de retraite anticipée, en expliquant que les indemnités chômage les conduiront tranquillement jusqu'à la retraite, rapporte Nathalie Marion, de la CFDT des Vosges. Mais parfois, certains se retrouvent à court d'allocations avant leur retraite.

«Perversion». Dans tous les cas, le motif personnel permet des licenciements ciblés. Au Havre, des salariés accusent l'armateur Delmas (groupe Bolloré) d'avoir eu recours à cette méthode pour une vingtaine de salariés en moins de deux ans. L'un d'eux témoigne : «ça fait partie d'une stratégie. C'est une forme de perversion du management.» Selon lui, beaucoup de départs se seraient faits avec l'aval des salariés: on s'accorde sur les indemnités et on maquille le tout d'un motif bidon. Le salarié évite de démissionner et de perdre ses indemnités chômage, l'employeur allège à moindre frais ses effectifs. Mais dans ce tête-à-tête avec la direction, le «chèque valise» dépend d'un rapport de force parfois inégal. «J'ai demandé un départ à la retraite anticipé, explique une ex-delmassienne de plus de 55 ans. Impossible m'a-t-on dit : je devais accepter un licenciement pour faute. Je me suis effondrée : ce terme de faute après tant d'années passées à travailler sans compter... Ils m'ont donné un mois pour réfléchir. Pressée, je n'ai pas contacté les syndicats. Je suis partie avec le minimum prévu par la convention collective et trois mois de salaires en "cadeau".»

Delmas au contraire ne s'estime «pas du tout représentatif de ce genre de méthodes». Et préfère vanter son climat social, «loin d'être rebutant» : «Le turn-over est proche de zéro, nous recevons plus d'un millier de candidatures spontanées par an...» L'entreprise s'appuie sur une récente décision prud'homale : il y a une semaine, une ex-salariée, qui avait refusé les quatorze mois d'indemnités proposés par la direction contre son licenciement pour cause réelle et sérieuse, a perdu le procès qu'elle intentait pour licenciement abusif et harcèlement. Elle va faire appel. D'ici à décembre, deux autres cadres poursuivront Delmas devant les prud'hommes.






Message Publié : 12 Oct 2004, 09:46
par emman
Dans ma boite c'est pareil, lentement mais surement. Une des stratégies consiste à dire qu'une activité ne fait pas partie du coeur de métier et que l'entreprise va s'en séparer en l'externalisant. La DRH consulte les délégués syndicaux qui se retrouvent immédiatement pieds et mains liés dans la combine, et comme ils sont un peu démoralisés, préfèrent négocier le montant du chèque et l'accompagnement que de mobiliser les salariés même quand cela serait possible.

Tout se passe en catimini, sous couvert de confidencialité, et quand tout se sait il est trop tard, les futurs licenciés sont informés au dernier moment et tellement dégoutés qu'ils ne pensent plus qu'à une chose, quitter la boite. Il s'installe une ambiance bizarre dans la boite, ou nombreux sont ceux qui attendent leur tour, certains révants du chèque (souvent conséquent) d'autres redoutants ce jour.

Le dernier en date concerne une employée qui avait plus d'une quinzaine d'année d'ancienneté, licenciée pour incompétence ! Toutes les connections au réseau informatique lui ont été coupées sans la prévenir pour éviter qu'elle puisse récupérer certains documents. Un matin elle est arrivée à son boulot, à allumer son ordinateur et plus rien, elle a été prévenue ensuite qu'elle allait être licenciée.

Message Publié : 12 Oct 2004, 20:04
par zejarda
C'est exactement le climat de ma boite.
La direction essaye d'écoeurer les collègues avec des augmentations à la gueule trés cynique, un discourt agressif du genre, si vous voulez partir, la porte se trouve par là etc..
Résultat, 10% de baisse par an des effectifs, et cela à base de licenciement pour fautes (accepté ou pas), et de démission.
Le coup des augmentations fait un peu réagir, on attend nos lettres pour savoir qui est éligible :smile: (1.9% de la masse salariale pour les augmentations, y'en aura pas pour tous le monde)
Pitoyable. J'espère qu'il y aura un sursaut apres.