
Les associations tentent d'organiser une manifestation unitaire contre tous les racismes le 7 novembre
LE MONDE | 08.10.04 | 14h4565
65 organisations appellent à une marche unitaire contre le racisme et l'antisémitisme. Mais après le semi-échec de leur défilé du 16 mai, SOS-Racisme et les associations juives hésitent.L'union est un long combat. Depuis quatre mois, les associations antiracistes tentent de lancer une initiative commune contre l'antisémitisme et le racisme. Un appel, lancé par l'ensemble des organisations syndicales, la Ligue des droits de l'homme (LDH) et le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), à une manifestation, dimanche 7 novembre, "contre tous les racismes", devait être rendu publique, vendredi 8 octobre. SOS-Racisme et les principales associations de la communauté juive ont réservé leur réponse.Les grandes confédérations - CFDT, CFTC, CGT, FSU, le Groupe des Dix Solidaires, UNSA - se sont engagées communément à prendre la tête d'un appel intitulé "Vivre ensemble libres, égaux et solidaires". Le but affiché est de tenter de créer un sursaut dans la société française et de dépasser les divisions qui minent les organisations antiracistes depuis trois ans.Le texte, largement initié par la LDH, le MRAP et la Ligue de l'enseignement, souligne que "la haine de l'autre envahit la vie de notre pays". Rappelant la "recrudescence alarmante" des actes antisémites et la "multiplication" des autres actes racistes, qui "partagent les mêmes ressorts et provoquent les mêmes drames", les signataires soulignent qu'il ne faut pas les laisser se banaliser.Il y a donc "urgence" à "dire le rejet absolu de cette haine de l'autre" en refusant les "enfermements communautaires" et en rappelant les valeurs de la République "qui accueille dans l'égalité des droits et de respect de la règle commune, la diversité de ceux et celles qui y vivent".Sur cette base, très universelle, les initiateurs appellent à l'organisation de manifestations à Paris mais aussi à Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg, Ajaccio, et Toulouse. Cet appel est soutenu par 65 associations couvrant des champs aussi divers que le féminisme, la vie familiale, le caritatif, les communautés religieuses (protestante, catholique et musulmane), les parents d'élèves, les francs-maçons, la défense des paysans, les syndicats d'avocats ou de magistrats, ou les radios libres. Toute la gauche sera représentée : le PS, le PCF, les Verts, le Mouvement républicain et citoyen, la Ligue communiste révolutionnaire et Lutte ouvrière. Les partis de droite n'ont pas répondu.Manquent cependant à l'appel SOS-Racisme, et les grandes associations de la communauté juive. Les divisions étalées lors de la manifestation du 16 mai contre l'antisémitisme, organisée par SOS-Racisme et l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), ne se sont en effet pas aplanies. Alors que le MRAP avait lancé début mai un appel à toutes les associations, syndicats et organisations politiques pour organiser une riposte commune à la multiplication des actes antisémites mais aussi contre les lieux musulmans, les "potes" avaient décidé d'organiser leur propre initiative sur le seul terrain de l'antisémitisme. A leurs yeux, la priorité était alors uniquement celle-là. Le défilé République-Bastille avait connu un succès mitigé.Voilà pourtant des mois que des émissaires de la Ligue de l'enseignement, ou des personnalités comme l'historienne Esther Benbassa, ont tenté de faire le pont entre les deux pôles antiracistes. Mme Benbassa a plusieurs fois contacté des responsables du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) pour les convaincre de participer à la manifestation."Cela aurait été un exemple fort de solidarité. Mais les oppositions internes sont trop importantes", constate-t-elle. Le CRIF ne s'est pas encore officiellement prononcé : "Cela dépend des organisations affichées comme organisatrices", réplique Roger Cukierman, son président. Même attentisme du côté de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) : "Nous avons des réticences par rapport à la présence de certaines organisations", lâche son secrétaire général, Richard Serero. L'UEJF n'a pas non plus pris de décision : "La communauté juive ressent de la lassitude à manifester", assure son président Yonathan Arfi qui s'empresse cependant de préciser que "si l'appel prend de l'ampleur, nous irons".SOS-Racisme "n'est pas convaincus de l'opportunité d'une manifestation de rue après le semi-échec du 16 mai", explique son porte-parole, Patrick Klugman. Il ne cache pas ses réticences devant la présence de l'UOIF ou du Collectif des musulmans de France, proche de l'intellectuel suisse Tariq Ramadan.Une énième réunion de discussion doit avoir lieu ce week-end entre la Licra et SOS. "J'espère que la peur de l'isolement va jouer", commente Ezio Monsellato, secrétaire national de la Ligue de l'enseignement. Les initiateurs de la manifestation ont laissé la porte ouverte jusqu'à la veille du 7 novembre avec une phrase en tête de leur appel : "à l'initiative, à ce jour, des organisations suivantes..."
Sylvia Zappi•
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 09.10.04
LE MONDE | 08.10.04 | 14h4565
65 organisations appellent à une marche unitaire contre le racisme et l'antisémitisme. Mais après le semi-échec de leur défilé du 16 mai, SOS-Racisme et les associations juives hésitent.L'union est un long combat. Depuis quatre mois, les associations antiracistes tentent de lancer une initiative commune contre l'antisémitisme et le racisme. Un appel, lancé par l'ensemble des organisations syndicales, la Ligue des droits de l'homme (LDH) et le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), à une manifestation, dimanche 7 novembre, "contre tous les racismes", devait être rendu publique, vendredi 8 octobre. SOS-Racisme et les principales associations de la communauté juive ont réservé leur réponse.Les grandes confédérations - CFDT, CFTC, CGT, FSU, le Groupe des Dix Solidaires, UNSA - se sont engagées communément à prendre la tête d'un appel intitulé "Vivre ensemble libres, égaux et solidaires". Le but affiché est de tenter de créer un sursaut dans la société française et de dépasser les divisions qui minent les organisations antiracistes depuis trois ans.Le texte, largement initié par la LDH, le MRAP et la Ligue de l'enseignement, souligne que "la haine de l'autre envahit la vie de notre pays". Rappelant la "recrudescence alarmante" des actes antisémites et la "multiplication" des autres actes racistes, qui "partagent les mêmes ressorts et provoquent les mêmes drames", les signataires soulignent qu'il ne faut pas les laisser se banaliser.Il y a donc "urgence" à "dire le rejet absolu de cette haine de l'autre" en refusant les "enfermements communautaires" et en rappelant les valeurs de la République "qui accueille dans l'égalité des droits et de respect de la règle commune, la diversité de ceux et celles qui y vivent".Sur cette base, très universelle, les initiateurs appellent à l'organisation de manifestations à Paris mais aussi à Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg, Ajaccio, et Toulouse. Cet appel est soutenu par 65 associations couvrant des champs aussi divers que le féminisme, la vie familiale, le caritatif, les communautés religieuses (protestante, catholique et musulmane), les parents d'élèves, les francs-maçons, la défense des paysans, les syndicats d'avocats ou de magistrats, ou les radios libres. Toute la gauche sera représentée : le PS, le PCF, les Verts, le Mouvement républicain et citoyen, la Ligue communiste révolutionnaire et Lutte ouvrière. Les partis de droite n'ont pas répondu.Manquent cependant à l'appel SOS-Racisme, et les grandes associations de la communauté juive. Les divisions étalées lors de la manifestation du 16 mai contre l'antisémitisme, organisée par SOS-Racisme et l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), ne se sont en effet pas aplanies. Alors que le MRAP avait lancé début mai un appel à toutes les associations, syndicats et organisations politiques pour organiser une riposte commune à la multiplication des actes antisémites mais aussi contre les lieux musulmans, les "potes" avaient décidé d'organiser leur propre initiative sur le seul terrain de l'antisémitisme. A leurs yeux, la priorité était alors uniquement celle-là. Le défilé République-Bastille avait connu un succès mitigé.Voilà pourtant des mois que des émissaires de la Ligue de l'enseignement, ou des personnalités comme l'historienne Esther Benbassa, ont tenté de faire le pont entre les deux pôles antiracistes. Mme Benbassa a plusieurs fois contacté des responsables du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) pour les convaincre de participer à la manifestation."Cela aurait été un exemple fort de solidarité. Mais les oppositions internes sont trop importantes", constate-t-elle. Le CRIF ne s'est pas encore officiellement prononcé : "Cela dépend des organisations affichées comme organisatrices", réplique Roger Cukierman, son président. Même attentisme du côté de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) : "Nous avons des réticences par rapport à la présence de certaines organisations", lâche son secrétaire général, Richard Serero. L'UEJF n'a pas non plus pris de décision : "La communauté juive ressent de la lassitude à manifester", assure son président Yonathan Arfi qui s'empresse cependant de préciser que "si l'appel prend de l'ampleur, nous irons".SOS-Racisme "n'est pas convaincus de l'opportunité d'une manifestation de rue après le semi-échec du 16 mai", explique son porte-parole, Patrick Klugman. Il ne cache pas ses réticences devant la présence de l'UOIF ou du Collectif des musulmans de France, proche de l'intellectuel suisse Tariq Ramadan.Une énième réunion de discussion doit avoir lieu ce week-end entre la Licra et SOS. "J'espère que la peur de l'isolement va jouer", commente Ezio Monsellato, secrétaire national de la Ligue de l'enseignement. Les initiateurs de la manifestation ont laissé la porte ouverte jusqu'à la veille du 7 novembre avec une phrase en tête de leur appel : "à l'initiative, à ce jour, des organisations suivantes..."
Sylvia Zappi•
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 09.10.04