Morte brûlée vive

Message par Valiere » 01 Oct 2004, 11:23

a écrit :CHRONIQUE D'EVARISTE
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Morte brûlée vive
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Par Annie Sugier, Présidente de la Ligue Internationale du droit des
femmes et  Alice Coffin, membre de la Coordination Féministe et
Laïque

Un électrochoc, une prise de conscience, un symbole. Lorsque Sohane
Benziane, est morte brûlée vive, il y a deux ans, les mots n'ont pas
manqué pour dire que cet acte barbare avait, par son atrocité, 
révélé le sort réservé aux filles dans certaines cités. Il avait donc
fallu qu'une jeune fille de 17 ans soit aspergée d'essence dans un
local à poubelles par un petit caïd de banlieue pour que la loi du
silence soit rompue.
Pourtant, au moment du drame lui-même, aucune personnalité politique,
intellectuelle, ou de la société civile n'a marqué explicitement sa
solidarité avec Sohane et sa famille. N'est-ce pas toujours le même
doute qui s'introduit lorsqu'une femme est assassinée : est-ce qu'il
ne s'agirait pas d'une affaire privée ? N'est-ce pas une relation
amoureuse qui a mal tourné ? Cette version était sûrement plus
confortable, mais elle était fausse. Il a fallu que les faits parlent
d'eux-mêmes, il a fallu attendre que la dénonciation des violences
machistes au quotidien donne enfin une dimension politique à cet
assassinat.
Car, il est vrai que, depuis ce 4 octobre 2002, les langues se sont
déliées, les actions se sont multipliées et les médias se sont
préoccupés de cette tragique situation.
Pourtant, rien n'a changé. Rien n'a changé parce que ce même silence
coupable des autorités municipales, et nationales, continue.
L'histoire de la plaque dédiée à la mémoire de Sohane en est le
triste exemple.
Une première plaque commémorative avait été déposée à la cité Balzac,
à Vitry-sur-Seine, où habitait Sohane. Elle a été souillée et
fracassée à plusieurs reprises, et régulièrement remplacée. Jamais
cette plaque n'a porté la mention « morte brûlée vive ». Jamais la
municipalité de Vitry-sur-Seine, ville où Sohane a grandi et a été
assassinée, n'a accepté que ces trois mots-là y figurent. Motif ? Ne
pas stigmatiser une population déjà suffisamment choquée par le
drame ! Décidément, rien ne change. Pendant des années on a voulu
taire ce qui se passait dans certaines cités, pour, disait-on, «
préserver la paix sociale ». Les conséquences tragiques de cette
attitude ont été illustrées de la plus horrible des manières. Et,
pourtant, cela continue. On persiste à ne pas vouloir dire, nommer,
la réalité. Oui, Sohane, est morte brûlée vive. Non, Sohane n'est pas
la victime d'un accident, d'un crime passionnel comme cela a souvent
été dit à tort. Sohane est morte en martyre. Et ce n'est pas en
gommant cette réalité que les choses changeront.
Pourquoi précise-t-on sur les plaques dédiées aux Résistants qu'ils
sont « morts fusillés », sur les plaques dédiées aux  enfants juifs
qu'il s sont « morts en déportation », sur celles dédiées aux soldats
qu'ils sont « morts au champ d'honneur ». Parce que c'est seulement à
travers la reconnaissance des crimes qu'une  mémoire collective peut
se construire et éviter que de tels actes se reproduisent. Est-ce
qu'encore une fois, les violences extrêmes subies par les femmes
doivent, elles, demeurées cachées, tues, confinées à la sphère
privée ?
A l'initiative de la sœur aînée de Sohane, Kahina Benziane, la Ligue
du droit des Femmes a fait faire une nouvelle plaque, où figure ces
mots visiblement inacceptables pour les autorités politiques de ce
pays. Provisoirement déposée sur la tombe de Simone de Beauvoir au
cimetière Montparnasse, elle est depuis quelque temps entreposée dans
un coffre de voiture, car personne n'en veut. Ce lundi 4 octobre
2004, un rassemblement est prévu autour de cette plaque, place Sartre
et Beauvoir à Saint-Germain des Près, à Paris. Après, elle repartira,
en voiture. En attendant que les pouvoirs publics veuillent bien lui
trouver un lieu. Ce mépris pour la mémoire de Sohane, qui est
pourtant devenue le symbole de la résistance spontanée des jeunes
filles de banlieue, est une honte. Cette indifférence ne peut
qu'engendrer la crainte que d'autres jeunes filles connaissent le
même sort que Sohane, morte brûlée vive.

Réagissez sur [url=mailto:evariste@gaucherepublicaine.org]evariste@gaucherepublicaine.org[/url]
Valiere
 
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