LE MONDE | 10.02.03 | 13h50
par Dominique Dhombres
Télévision : Le mystère Barcia
La bande-son est immuable : "Travailleuses, travailleurs !"Ces deux mots sonnent comme un jingle, et celle qui les prononce est perçue comme une star. On la désigne d'ailleurs par son prénom, ce qui est une singularité dans le paysage politique français. Arlette Laguiller, on le sait, on l'a dit, et elle en abuse, est un phénomène. Pendant très longtemps, on en est resté là. Arlette et son deux-pièces près de la porte des Lilas, Arlette le poing levé, Arlette salariée au Crédit lyonnais, Arlette chantée par Souchon, Arlette qu'on ressort de sa boîte tous les sept ans, comme la Belle au bois dormant.
Et puis, cela s'est gâté.
On a commencé à lui poser des questions gênantes sur son étrange organisation. Elle a pleuré en public. Les questions n'ont pas cessé pour autant. Qu'est-ce que c'est que ce parti politique qui n'a ni adresse ni siège officiel, dont les dirigeants se cachent dans l'ombre, dont les militants n'ont pas le droit de se marier ni d'avoir des enfants, et se désignent entre eux par des pseudonymes ? Derrière la vitrine Arlette, on soupçonnait désormais l'existence d'une secte. Voilà quelques mois déjà que Lutte ouvrière tente une opération de relations publiques sur le thème "Nous n'avons rien à cacher". Son chef, Robert Barcia, alias Hardy, publie chez Denoël La Véritable Histoire de Lutte ouvrière. Les tracts de l'organisation portent dorénavant une adresse. En bon petit soldat, Arlette monte à son tour au créneau de la transparence.
Elle était donc dimanche soir, sur M 6, dans "Secrets d'actualité". Elle répondait aux questions, désagréables en effet, de Laurent Delahousse. Les pseudos ? C'est une habitude prise pour se protéger et conservée machinalement par les militants. Le mariage, les enfants ? Chacun fait ce qu'il veut. On ne fait pas ce reproche aux curés ! Et ainsi de suite. " C'est confondant de bêtise", disait-elle du reportage, accablant, sur les pratiques de son organisation.
Il manquait à l'appel, une fois de plus, Robert Barcia, qui se cache autant qu'il se montre, dans son livre. Il a longtemps été le patron d'une entreprise liée à l'industrie pharmaceutique. Comment ce personnage, aujourd'hui âgé de 74 ans, qui dirige Lutte ouvrière depuis 1956, exerce-t-il une telle emprise ? L'émission s'intitulait "Le mystère Arlette". Le vrai mystère, c'est Barcia.
dominique dhombres