CHRONIQUE D'EVARISTE
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Lionel Jospin, l'éternel homme du « oui » à la mondialisation néo-
libérale
Faut-il que la panique règne à bord pour que, depuis le timide «non»
de Laurent Fabius, toute la direction du PS, ainsi que l'ensemble des
médias, tire à boulets rouges sur le «traître»?! La pensée unique ne
peut admettre qu'un présidentiable dise des gros mots, et le pourtant
modéré et tout lisse Laurent Fabius a mordu le trait! On fait donc
intervenir l'artillerie lourde, et Lionel Jospin vient en renfort. Le
retraité descend dans l'arène, ce qui est d'ailleurs tout à fait son
droit de militant et de citoyen.
Et il est vrai qu'en terme de «oui», il a un beau palmarès, notre
Lionel.
C'est lui qui, en 1983, alors dirigeant du Parti socialiste, avait
fait avaler le «oui à la rigueur» de Jacques Delors, en nous
expliquant alors que «ce ne serait qu'une parenthèse». Une parenthèse
qui n'est toujours pas refermée, qui a bloqué nos salaires, et permis
au capital de capter l'essentiel de la valeur ajoutée. C'est encore
lui qui, en 1989, confronté à l'affaire de Creil, dira «oui aux
signes religieux à l'école publique», dans l'article 10 de sa loi
d'orientation scolaire de juillet.
Il faudra le jugement du conseil d'Etat pour limiter les dégâts d'un
tel texte en parlant de signe ostentatoire. Il aura fallu un
gouvernement de gauche, avec Lionel Jospin à la tête de l'Education
nationale, pour abroger la circulaire Jean Zay de 1937 élaborée par
le Front populaire, qui interdisait tout signe religieux à l'école.
C'est, en 1997, toujours lui qui dit oui au Pacte d'Amsterdam, en le
signant. Il n'est pas inutile de revenir sur cet épisode.
Miraculé de la politique (il avait, à l'issue du désastre de 1993,
pris du recul), il apparaissait comme l'homme capable de redonner des
perspectives à la gauche, en tenant un discours moins résigné que ses
prédécesseurs.
Après une bonne campagne présidentielle en 1995, il se retrouvait
donc, suite à la dissolution ratée de Chirac, à la tête de tous les
espoirs de la gauche, avec ses partenaires Verts, du PCF et du MDC.
Il avait notamment, outre la promesse d'une loi sur les 35 heures,
eut ces paroles fortes: «Si l'Europe doit se faire contre les
intérêts et contre l'Histoire de la France, il faut savoir dire non.»
Le PS avait même posé quatre conditions à la signature du Pacte
d'Amsterdam. On allait à la crise, et tout le monde attendait cela.
Lionel Jospin avait une opportunité historique, la légitimité des
urnes,et la parole de la France était alors incontournable dans les
règles de l'époque. Eh bien, il finit par dire «oui», et par
accepter, sans contrepartie significative, le Pacte d'Amsterdam. Le
message était terrible, et la fermeture de l'usine de Vilvoorde
compléta le désastre. Julien Dray, lucide à l'époque, écrivit une
tribune vengeuse : « La première reculade».
Cela lui valut, ainsi qu'à ses camarades de la gauche socialiste, un
blâme.
Au PS, on ne blâme pas ceux qui soutiennent la guerre de Bush, qui
parlent comme le Medef pour poignarder les grévistes qui défendent
leur retraite, on blâme l'aile gauche. C'est Lionel Jospin qui sera,
en 2000, l'homme du «oui» aux accords honteux de Matignon, sur la
Corse. Les assassins poseurs de bombes et racistes se voyaient
reconnus comme interlocuteurs officiels sans renoncer à l'utilisation
de la violence. On leur accordera des concessions qui portaient le
germe de l'éclatement de la République et de l'égalité des droits
entre citoyens. A une époque où le conflit de la SNCM laisse
apparaître à la lumière du jour les conséquences de la logique de
ces fascistes, la responsabilité écrasante de Lionel Jospin dans
l'acceptation de ces dérives, est écrasante. Il y eut, dans la
logique du Pacte d'Amsterdam, le «oui» au traité de Nice, qui fut
présenté partout comme une grande victoire qui préservait
l'essentiel. Il est curieux de constater que les mêmes qui nous ont
dit cela (dont Lionel Jospin) nous disent aujourd'hui que si on vote
non, on revient au catastrophique traité de Nice dont Lionel Jospin
est cosignataire! Naturellement, Barcelone sera le dernier «oui»
historique de l'ancien Premier ministre. Avec Chirac, de concert, il
lâchera sur toute la logique libérale de la construction européenne,
de l'allongement de l'âge des retraites et de la privatisation de
l'assurance-maladie en passant par les services publics livrés à la
concurrence du privé. Cette catastrophe sera peu commentée, à gauche,
chacun craignant de handicaper le candidat face à la droite et à
l'extrême droite.
Ce sont pourtant ces différents reculs qui encourageront nombre
d'électeurs socialistes traditionnels, y compris des militants PS, à
voter Besancenot ou Arlette Laguiller. Et on aura le 21 avril. Lionel
Jospin, et le PS, auraient-ils dit «non» à Bush sur la guerre d'Irak?
On préfère ne pas y penser, et se dire que ceux qui ont dit «oui» à
Bush père en 1991,auraient peut-être dit «non» douze ans plus tard...
En tout cas, que Lionel Jospin, poursuivant son oeuvre, monte
aujourd'hui au créneau pour défendre le «oui» ne peut étonner
personne. Il n'est pas certain que cela soit une mauvaise nouvelle
pour les défenseurs du «non».
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