La Corse est secouée par une vague de violences ra

Message par pelon » 20 Sep 2004, 11:46

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La Corse est secouée par une vague de violences racistes
LE MONDE | 18.09.04 | 16h20
La série d'attentats, d'agressions et d'intimidations contre des personnes issues de l'immigration maghrébine va en s'aggravant dans l'île depuis plus de deux ans. Les associations antiracistes, elles-mêmes menacées, appelaient samedi à une manifestation de protestation à Corte.

Ajaccio et Bastia de notre envoyée spéciale

Pour la troisième fois dans son histoire récente, la Corse est secouée par une vague d'attentats, de tentatives d'intimidations et de menaces racistes. Après l'assassinat de deux Tunisiens, en 1986, revendiqué par le FLNC au nom de la lutte contre le trafic de drogue, puis une vague de départs de l'île, après la guerre du Golfe, au début des années 1990, la population immigrée de Corse - un habitant sur dix, pour la moitié d'origine maghrébine - vit à nouveau dans l'inquiétude. 56 actions violentes contre des personnes issues de la communauté maghrébine ont été recensées depuis le 1er septembre 2003, contre 21 en 1994 ou 14 en 2000.

La vague de violences récentes a pris de telles proportions que, lorsque, vendredi 17 septembre, sur le cours Napoléon, artère principale d'Ajaccio, le pompiste-gérant de la station Esso, d'origine marocaine, a été exécuté en plein jour de quatre balles de 11-43 dans le corps et d'une autre sous le menton par deux hommes à moto et casqués, les organisations antiracistes ont tout de suite craint la provocation, à la veille du rassemblement organisé, samedi 18 septembre, à l'université de Corte, après les menaces proférées à leur encontre par un petit groupe clandestin, Clandestini corsi (Le Monde du 10 septembre). Samedi matin, la police ne privilégiait pas cette hypothèse, bien que la victime n'ait jamais fait l'objet de condamnations judiciaires. Le climat était encore alourdi, samedi, par la découverte d'une tentative d'attentat contre une voiture du consulat du Maroc, à Bastia.

Les premiers incidents de cette nouvelle vague datent de décembre 2002. Après l'agression de deux jeunes insulaires à Bastia, où la population immigrée s'est historiquement installée autour de la rue Droite, au cœur de la ville - tandis qu'à Ajaccio elle se retrouve dans les quartiers populaires de la périphérie -, l'atmosphère devient délétère. Un communiqué de Corsica nazione - le groupe des élus nationalistes de l'Assemblée de Corse, autour de Jean-Guy Talamoni - estime que "des lieux historiques de vie et d'échanges sont livrés à des bandes organisées". Le spectre des bagarres des grandes banlieues de l'Hexagone est agité.

Dans une société méditerranéenne marquée par la violence, les incidents prennent en réalité un tour bien plus particulier. Un premier groupe clandestin, A Ghjuventu corsa (Jeunesse corse), fait circuler une liste nominative de supposés "délinquants" - tous d'origine maghrébine. Un autre groupuscule clandestin, Resistenza corsa, revendique un attentat commis quatre jours après Noël dans la rue Droite, en raison de "la forte présence étrangère". Ces dissidents rejoignent l'été suivant le FLNC-Union des Combattants sans qu'aucun responsable de sa vitrine légale, Indipendenza, ne trouve à redire.

Il y a quelques jours, Clandestini corsi - quatre ou cinq personnes originaires de Biguglia et de Bastia, selon la police - s'est félicité de l'attentat perpétré contre la villa d'un entrepreneur algérien, le 3 septembre. Ce sont toutefois les menaces proférées contre l'association antiraciste Ava Basta et, pour la première fois, la Ligue des droits de l'homme, qui justifient le rassemblement organisé samedi à Corte - et auquel toutes les formations politiques ont décidé de participer ou d'apporter leur soutien, à l'exception de la CGT, qui ne souhaite pas cohabiter avec les nationalistes. Mais, en réalité, c'est tous les jours que la communauté essentiellement marocaine qui vit en Corse se heurte à des vexations, et, pour certains, vit dans la peur, tandis que l'ignorance alimente les fantasmes. "Tous les chiffres sont bons à prendre", se désole l'une des bénévoles ajacciennes d'Ava Basta, citant le tag "80 000 immigrés" qui orne la route de l'entrée d'Ajaccio.

"CORSISATION DES EMPLOIS"

La situation devient dangereuse. "Les départs s'accélèrent", confirme Michèle Bellone, directrice de l'association Leia, à Bastia. Les adolescents, nés sur l'île, commencent à répondre aux vexations, et leurs parents prennent peur. "Avant, les parents rasaient les murs, et on disait qu'il n'y avait pas de problème d'intégration", résume Jean-Claude Morison, éducateur de rue de l'association. "Aujourd'hui, les jeunes issus de l'immigration ne sont pas très différents des jeunes Corses, et c'est ça précisément qui pose problème." Les attentats visent les Maghrébins qui ont réussi, notent tous les observateurs.

Au premier chef des responsabilités, les ambiguïtés des nationalistes. La caution "intellectuelle" apportée par ces derniers, dont les concepts et les slogans - le fameux "nous sommes minoritaires chez nous" ou la "corsisation des emplois" - servent d'ultimes repères à un mouvement en perte de vitesse est la première montrée du doigt. "Les politiques ne partent pas en guerre, ajoute Noëlle Vincensini, la responsable d'Ava basta. Après des actes aussi inqualifiables, l'Assemblée de Corse devrait exiger des motions. Ce n'est pas leur préoccupation. Ils sont formatés par le clanisme", ajoute cette ancienne résistante communiste.

D'autres spécificités culturelles ajoutent à cette situation. "Les Corses ont joué des rôles de dominants en occupant des fonctions dans l'empire colonial français. A la fin de celui-ci, les ex-colons de retour sont face à des ex-colonisés et ont alors sans doute des réflexes "petits blancs"", écrivait en 2003 la sociologue Marie-Pierre Luciani dans sa contribution au catalogue d'une exposition très remarquée, "Corse colonies". "On assiste alors à la perpétuation d'un système colonial dans un système d'émigration. De plus, la société corse connaît l'angoisse de sa disparition, qui alimente le rejet de tout ce qui est étranger au territoire ethnique", ajoute Mme Luciani.

Dans une île qui vieillit et se dépeuple, l'immigré marocain a pris ce visage. Ici, le Maghrébin d'origine se fait le moins visible possible, et les parents apprennent à "marcher droit". En témoignent les travailleurs des exploitations agricoles de la plaine orientale, sur la route de Bastia et Bonifacio, qui ont souvent perdu la force de faire de l'autostop, et avalent, le soir vers cinq heures, leurs longs kilomètres à pied pour rentrer chez eux. Le consul du Maroc reste d'une discrétion étonnante, alors même lors que le drapeau de son consulat a été brûlé, avant l'été. Mouloud Mesghati, membre du Conseil français du culte musulman (CFCM), et dont le lieu de culte de Baleone, à la sortie d'Ajaccio, a été plastiqué à plusieurs reprises, n'était pas, lui, favorable au rassemblement organisé samedi.

Ariane Chemin
pelon
 
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