a écrit :Emplois à domicile, ISF, successions : la fiscalité selon RaffarinLE MONDE | 17.09.04 | 14h16
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Le premier ministre a annoncé, vendredi 17 septembre, l'augmentation de 50 % du plafond de dépenses ouvrant droit à une réduction d'impôt pour le recrutement d'un salarié à domicile. Il confirme la réduction des droits de succession. M. Sarkozy est prêt à laisser les députés réformer l'ISF.
Mesures fiscales en faveur des emplois à domicile, réforme des droits de succession, remplacement du prêt à taux zéro par un crédit d'impôt pour l'accession à la propriété... Dans un entretien au Figaro, vendredi 17 septembre, Jean-Pierre Raffarin détaille le volet fiscal du projet de loi de finances pour 2005, sur lequel il devrait revenir, dimanche 20 septembre, dans le journal de 20 heures de TF1. Il a même créé la surprise en annonçant un nouveau coup de pouce fiscal pour les emplois familiaux.
Emplois familiaux. Le chef du gouvernement a décidé de porter de 10 000 à 15 000 euros (+ 50 %) le plafond des dépenses ouvrant droit à une réduction d'impôt. Cette mesure ne portera toutefois que sur les revenus de 2005 payés en 2006. Les foyers employant une femme de ménage ou une "nounou" pourront donc voir leur impôt réduit jusqu'à 7 500 euros, contre 5 000 euros actuellement. M. Raffarin fait ainsi clairement le choix de favoriser les gardes individuelles plutôt que les modes de garde collectif (crèches, haltes-garderies, etc.).
C'est Martine Aubry qui, en 1992, avait créé ce dispositif (3 800 euros de plafond pour une réduction de 1 900 euros), notamment pour limiter le travail au noir. Dès 1993, Edouard Balladur et Nicolas Sarkozy, alors ministre du budget, avaient porté le plafond à 13 800 euros, avant que Lionel Jospin, en 1997, ne le divise par deux (6 900 euros), jugeant que la droite avait pris une mesure socialement inéquitable. M. Raffarin avait déjà relevé le plafond en 2003 (10 000 euros) pour le porter au-dessus du niveau de 1994. "La mesure permettra aussi de réduire le travail clandestin pour cette catégorie de salariés", plaide M. Raffarin. "C'est une mesure de classe, un nouveau cadeau pour les ménages favorisés", déclare au Monde François Hollande.
Prêt à taux zéro. Après quelques semaines de flottement, le gouvernement a finalement décidé de remplacer le prêt à taux zéro par un crédit d'impôt : le dispositif technique n'est pas bouclé, mais l'Etat prendrait à sa charge une partie des intérêts de l'emprunt des ménages modestes accédant à la propriété.
Droits de succession. M. Raffarin confirme que "le gouvernement ne veut pas qu'il y ait des droits à payer pour une succession en ligne directe jusqu'à un montant de 100 000 euros", le patrimoine moyen des Français (alors que le patrimoine médian n'est que de 55 000 euros lors des successions). Il s'"engage" aussi à ce que la réforme ne pénalise pas les familles avec enfants qui sont gagnantes dans le système actuel.
Impôt de solidarité sur la fortune. Alors que M. Sarkozy excluait jusqu'à présent de modifier l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), il se dit désormais prêt à laisser une marge de manœuvre au Parlement dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances. "Je ne ferai pas de proposition dans le cadre du budget et j'attendrai le débat parlementaire pour voir ce que nous ferons", a-t-il prévenu, jeudi, sur Europe 1. Dans son entretien au Figaro, M. Raffarin indique, de son côté : "Cela ne fait pas partie des priorités du gouvernement dans le projet de loi de finances".
Son avenir à Matignon. Après avoir justifié ses choix fiscaux, M. Raffarin affirme que la reprise de la croissance économique - 2,5 % en 2005 lui semble une hypothèse "sérieuse, sincère, raisonnable, donc prudente" - est "le fruit des réformes de fond que le gouvernement a menées depuis ans et demi". Il affirme qu'il est"maintenant engagé dans une nouvelle phase de -sa- mission", mais il se garde bien d'évoquer un calendrier précis et des mesures de long terme. "Je laisse parler les pronostiqueurs", lance-t-il à ceux qui, jusqu'au sein de son propre gouvernement, affirment qu'il ne dispose désormais que d'un sursis de courte durée.
Le chef du gouvernement ajoute que "l'exécutif n'a que deux têtes" et qu'"il n'y a aucun intermédiaire entre le président de la République et le premier ministre". "C'est lors des tête-à-tête que j'ai avec le chef de l'Etat qu'est fixée la ligne du gouvernement", affirme-t-il. Il insiste en répétant "sans intermédiaire", reprenant mot pour mot l'expression que M. Sarkozy avait utilisée fin août, à Avoriaz, à l'université d'été des jeunes de l'UMP, pour qualifier ses propres relations avec M. Chirac.
M. Raffarin prévient M. Sarkozy, qui sera élu président de l'UMP fin novembre, que "parmi les devoirs de l'UMP, il y a celui du soutien et de la loyauté envers le président de la République et le gouvernement". Par ailleurs, il désavoue son ministre de l'éducation nationale : François Fillon avait assuré que le lundi de Pentecôte serait férié dans toutes les écoles, alors que les députés de l'UMP y étaient hostiles. "Si une académie préfère un autre jour (...), elle en aura la liberté", indique-t-il. Une tentative pour affirmer son autorité sur son gouvernement et démontrer sa volonté de travailler en bonne intelligence avec le groupe UMP de l'Assemblée nationale.
Jean-Michel Bezat et Philippe Le Cœur
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 18.09.04