BAGDAD (Reuters) - L'Irak a mis en doute mercredi l'authenticité des documents à charge contre Bagdad présentés par Colin Powell à l'Onu, estimant qu'ils constituaient une tentative délibérée de fragiliser la mission des inspecteurs en armement et qu'ils visaient à fournir un prétexte à une intervention militaire.
Le ministre de l'Information, plus haut responsable irakien à avoir réagi jusqu'ici à l'exposé de Powell, a qualifié de "dessins animés" les photos satellite que ce dernier a exhibées mercredi devant le Conseil de sécurité en les présentant comme des preuves que l'Irak détient des armes de destruction massive.
"Nous pouvons confirmer que ces allégations sont sans fondement et qu'elles n'apportent rien de neuf par rapport aux précédents rapports de la CIA", a déclaré Mohammed Saïd al Sahaf à l'agence de presse officielle INA.
Il a estimé notamment que les photos satellites d'entrepôts de munitions irakiens présentées par Powell à l'appui de ses accusations n'étaient "rien d'autre que des dessins animés".
De son côté, le principal conseiller scientifique du président irakien Saddam Hussein a qualifié les documents à charge présentés par Powell de "tentative délibérée" de saboter les inspections et de justifier une intervention militaire.
"C'était un spectacle typiquement américain, avec cascades et autres effets spéciaux", a déclaré le général Amir al Saadi lors d'une conférence de presse.
"Ce que nous avons entendu aujourd'hui était destiné principalement à l'opinion publique et aux gens mal informés, afin de les influencer et de les convaincre de commettre une agression contre l'Irak.
"Concernant les allégations de M. Powell selon lesquelles l'Irak se livrerait à des activités prohibées, ce sont des tentatives délibérées de saboter le travail des inspecteurs", a-t-il poursuivi.
"M. Powell a également longuement parlé de problèmes soi-disant persistants, exagérant leur valeur et leur portée à un point tel qu'on dirait que l'Irak menace la paix et la sécurité du monde entier."
"ON NE CACHE PAS DE TELS SITES COMME DES CACHETS D'ASPIRINE"
Saadi a démenti l'accusation de Powell selon laquelle il serait membre d'une commission irakienne de haut niveau chargée d'induire en erreur les inspecteurs en armement de l'Onu. "Depuis le début, on m'a ordonné de tout dire", a-t-il assuré.
A New York, l'ambassadeur de l'Irak à l'Onu a accusé pour sa part les Etats-Unis d'avoir fabriqué les preuves présentées par Powell aux 15 membres du Conseil de sécurité.
Mohammed Aldouri a estimé que l'exposé du chef de la diplomatie américaine visait à fournir à Washington un prétexte pour faire la guerre à l'Irak. Powell aurait pu éviter au Conseil de "perdre son temps" et laisser les inspecteurs de l'Onu "faire leur travail dans la paix et la tranquillité sans la pression des médias", a-t-il dit.
Au cours d'un exposé d'un peu moins d'une heure et demie devant les membres du Conseil de sécurité, Powell a présenté des photos satellites et des enregistrements de conversations téléphoniques entre responsables irakiens prouvant selon lui que l'armée irakienne avait dissimulé des armes de destruction massive en prévision de la venue des inspecteurs de l'Onu.
Aldouri a souligné qu'après des rapports similaires présentés par le passé par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, "les inspecteurs ont établi que toutes les allégations faites dans ces rapports n'étaient pas vraies".
"Les programmes de fabrication d'armes de destruction massive ne sont pas, contrairement à des cachets d'aspirine, faciles à dissimuler. Ils exigent de vastes sites de production, et pour commencer d'importants sites de recherche et développement et des usines, ainsi que des sites de chargement et de déploiement des armes", a-t-il précisé.
"De telles choses ne peuvent être dissimulées. Les inspecteurs ont parcouru l'Irak en tous sens et n'ont rien trouvé de tout cela", a-t-il ajouté.
Sahaf a fait savoir que le ministre irakien des Affaires étrangères Nadji Sabri répondrait jeudi, dans un courrier au secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, aux "mensonges et allégations" contenus dans l'exposé de Powell.
La résolution 1441 du Conseil de sécurité exige le désarmement de l'Irak sous peine de "graves conséquences", et les Etats-Unis ont fait savoir à plusieurs reprises qu'ils seraient prêts à recourir à la force pour en faire respecter les dispositions