a écrit :La droite et les colons mobilisent contre le "dictateur" Sharon
LE MONDE | 13.09.04 | 14h20
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50 000 personnes ont manifesté, dimanche, à Jérusalem, contre l'évacuation des colonies de Gaza.
Jérusalem de notre correspondant
La droite nationaliste israélienne et le mouvement de la colonisation se sont une nouvelle fois retrouvés, cette fois-ci au cœur de Jérusalem, dimanche 12 septembre, pour dénoncer le projet d'évacuation de la bande de Gaza défendu par le premier ministre, Ariel Sharon.
Un peu plus d'un mois après avoir relié symboliquement, par une chaîne humaine, les colonies du Goush Katif, à Gaza, au mur des Lamentations, à Jérusalem, les opposants au plan de désengagement ont fait à nouveau la preuve de leur capacité de mobilisation en remplissant les rues du centre de la partie occidentale de la ville d'une foule d'environ 50 000 manifestants, parfois très jeunes, dans une ambiance festive.
Encadrée par des forces de police présentes jusque sur les toits des immeubles, la manifestation a eu lieu dans le calme, en dépit de la virulence des attaques lancées contre M. Sharon. Car ce que les participants à ce rassemblement considèrent comme une "trahison" de la part du père de la colonisation des territoires palestiniens, qualifié de "dictateur", ne "passe" décidément pas.
Les orateurs qui se sont exprimés à la tribune ont concentré leurs attaques sur "l'illégitimité" du projet et de son promoteur. Mais ils ont également pris pour cible le Parti national religieux (PNR), un mouvement de droite qui a fait de la colonisation le cœur de sa doctrine, et qui reste pour l'instant divisé face au projet de M. Sharon, puisque certains de ses membres siègent toujours au gouvernement. A la veille de la réunion, lundi 13 septembre, de son comité central, qui pourrait trancher une fois pour toutes cette question, les manifestants ont réclamé du PNR son départ de la coalition gouvernementale, dans l'espoir de la voir chuter.
La détermination des colons et de l'aile droite du Likoud ne se dément donc pas, en dépit de la volonté du premier ministre d'aller de l'avant, avec la publication d'un échéancier du retrait israélien de Gaza (et de quatre colonies isolées de Cisjordanie) et notamment l'adoption, d'ici la fin de la semaine, d'un projet de loi consacré à l'indemnisation des colons. M. Sharon paie déjà au prix fort cette mobilisation.
Depuis le départ de l'extrême droite, elle aussi hostile au projet de retrait, le premier ministre ne dispose plus de la majorité absolue à la Knesset. A la mi-août, le Likoud, qui avait déjà voté, en mai, par référendum, contre ce plan, a infligé une nouvelle humiliation à M. Sharon en s'opposant au projet d'une coalition avec le Parti travailliste ; le 9 septembre, le premier ministre a été hué par une partie de la convention des jeunes de son parti, réunie à Tel-Aviv, qui a demandé sa démission.
Sur le même registre, trois organes de presse radicaux ont publié, vendredi 10 septembre, une pétition qualifiant de "nettoyage ethnique" le projet d'évacuation de Gaza.
Les signataires du texte ont invité les soldats et les policiers à ne pas appliquer les ordres qui pourraient leur être donnés pour évacuer manu militari les colons. Parmi les noms qui figurent au bas de la pétition, la presse israélienne a relevé ceux du père et du frère de l'actuel ministre des finances, Benyamin Nétanyahou.
Un ancien directeur de cabinet de M. Nétanyahou, rédacteur en chef de la revue des colons, Nekouda, a lui aussi relayé ces appels à la désobéissance. Au cours d'une réunion de responsables de la colonisation avec le ministre de la défense, Shaul Mofaz, l'un d'eux, dont un enfant a été tué au cours de l'actuelle Intifada, a même menacé de tirer sur des soldats si ces derniers étaient mobilisés pour démanteler sa colonie.
Quelques heures avant la manifestation de Jérusalem, M. Sharon avait tonné, au cours de la réunion hebdomadaire de son cabinet, contre ce qu'il a qualifié d'"incitations à la guerre civile" et invité les responsables de la sécurité à prendre leurs précautions.
Le ministre de la justice, Tommy Lapid, a indiqué dimanche, au cours d'une rencontre avec la presse étrangère, que le régime de la "détention administrative", une pratique exorbitante du droit hérité du mandat britannique et appliqué massivement contre les Palestiniens, pourrait être étendu à des colons ou à des responsables religieux radicaux.
Manifestement soucieux de rectifier l'image jusqu'au-boutiste donnée ces derniers jours, les orateurs qui se sont exprimés dimanche ont pris soin de bannir fermement l'usage de la violence de leur combat contre le plan d'évacuation de Gaza.
Gilles Paris