(Le Monde @ 9 septembre 2004 a écrit :
Des clandestins menacent pour la première fois les associations antiracistes corses
Sous la pression du FLNC, Clandestini Corsi a annoncé une trêve mais s'est félicité de l'attentat contre la maison d'un entrepreneur marocain.
Le groupe indépendantiste Clandestini Corsi, qui avait revendiqué sept attentats anti-maghrébins en Corse, a annoncé, mercredi 8 septembre, une trêve, tout en félicitant un autre groupe pour un récent attentat contre un Marocain, dans un communiqué adressé à France 3-Corse. Mais surtout - et c'est une première -, il a mis en garde l'association antiraciste Ava Basta et la Ligue des droits de l'homme (LDH) "pour leurs propos tenus" dans divers médias de l'île.
"Nous lançons une trêve sans conditions de temps ni de lieux, pour faciliter le rapprochement de nos frères de lutte emprisonnés", écrit Clandestini Corsi. Une revendication récurrente, qui donne surtout l'impression que le FLNC-Union des combattants a sommé ce petit groupe de dissidents, apparu le 22 mars, de rentrer dans le rang.
"Nous félicitons le mouvement clandestin anonyme pour leur opération contre le domicile d'un Maghrébin à Biguglia", poursuit en revanche le groupe, évoquant la maison en construction d'un entrepreneur marocain dans la banlieue de Bastia, en Haute-Corse, victime d'une première tentative d'attentat le 19 juillet avant d'être presque entièrement détruite le 3 septembre. Clandestini Corsi, qui explique que son combat "n'est pas à but raciste" mais "pour la survie du peuple corse", avait, lui, revendiqué le 7 juillet trois attentats. "Il est inadmissible que cette racaille s'enrichisse sur notre terre", écrivait le groupe clandestin, menaçant la communauté maghrébine en Corse : "Ils seront touchés à leur domicile privé et des éliminations physiques seront perpétrées contre les plus réticents."
"IDÉOLOGIE D'EXTRÊME DROITE"
Les responsables d'Indipendenza, principale organisation nationaliste de l'île, favorable à l'indépendance et à la clandestinité, n'avaient pas réagi, jeudi 9 septembre, à ce communiqué. A l'été 2003, son bras armé, le FLNC-Union des combattants, avait accueilli sans commentaires dans ses rangs un de ses faux nez, Resistenza Corsa, petite organisation responsable d'attentats racistes rue Droite, à Bastia, à l'été 2003.
Le communiqué a en revanche provoqué la colère des deux organisations antiracistes. "Nous n'allons évidemment pas nous laisser intimider, explique Noëlle Vincensini, responsable d'Ava Basta. Ces gens disent qu'ils ne sont pas racistes, mais ils baignent de toute évidence dans une idéologie d'extrême droite." Pour André Paccou, délégué de la LDH en Corse, "ce texte est celui d'un groupe fascisant. Le mouvement nationaliste doit dénoncer ces violences croissantes, tout comme le Comité anti-répression (CAR), puisque Clandestini Corsi revendique le rapprochement des prisonniers". Membre de la LDH, l'écrivain Gabriel-Xavier Culioli estime que "foulant aux pieds le si beau concept de communauté de destin, ces individus pervertissent l'idée de peuple corse telle que nous l'avons défendu dans les années 1980".
Les deux organisations ont prévu un "rassemblement contre le racisme", à l'université de Corte, le 18 septembre, avec Amnesty international. Le préfet de Corse, Pierre-René Lemas, avait pour sa part annoncé cet été, après la multiplication des attentats racistes, l'organisation d'une "semaine de la fraternité" en décembre.
Ariane Chemin