Au conseil régional Rhône-Alpes, une élue FN en chute libre
Le président PS va porter plainte après les propos racistes de Germaine Burgaz, tenus lors d'une commission.
Par Alice GERAUD
germaine Burgaz, 72 ans, a commencé par déraper. Puis elle s'est étalée de tout son verbe. Devant une assemblée consternée, elle s'est mise à parler de «races [...] arabe et juive» et de «négro-maghrébin». La scène s'est déroulée jeudi lors d'une commission permanente du conseil régional Rhône-Alpes consacrée à un débat sur la politique de la ville. Germaine Burgaz est élue Front national de l'Isère. «Nous avons l'habitude qu'elle tienne des propos limites, surtout dès qu'elle s'embarque sur les banlieues, l'insécurité ou la famille. Mais là, elle a très largement dépassé les bornes», estime Bernard Soulage, premier vice-président socialiste. Emmanuel Hamelin, conseiller UMP, se dit, lui, «outré». Et Jean-Jack Queyranne, le président PS de la région, a décidé de porter l'affaire devant la justice. Il va donc remettre la retranscription de l'enregistrement des minutes de la commission au parquet de Lyon.
Sur cette retranscription, apparaît d'abord une épaisse et confuse logorrhée de Germaine Burgaz sur le caractère «criminel» de la politique de la ville menée par la région. Elle y fustige pêle-mêle la mixité sociale, les «petites crapules» et la «pègre». Puis elle en vient au vote d'une subvention de 51 350 euros pour favoriser la cohabitation sociale. «Quelle cohabitation ? Quand certaines villes comptent déjà plus de 62 nationalités ou races différentes ? D'ailleurs, n'y en aurait-il que deux, l'arabe et la juive, que nos rues seraient déjà à feu et à sang !» Le président lui coupe alors la parole et l'avertit : «Je vous signale qu'il y a des lois qui répriment les propos racistes. Je vous demande de modérer vos propos sinon je serai contraint de saisir la justice.»
L'élue d'extrême droite feint de ne pas comprendre et poursuit : «Qu'est-ce que j'ai dit ? [...] Je suis désolée, j'ai droit à la parole comme les autres. 91 500 euros pour l'insertion des jeunes. Quelle insertion ? Sûrement pas celle du groupe négro-maghrébin Ministère amer, qui chante sur les radios libres.» Bronca dans tous les rangs, à l'exception du Front national. Le président lui retire la parole et fait couper son micro. Lors de la suspension, Germaine Burgaz continue à parader, laissant entendre qu'elle ne pourrait être poursuivie pour des propos tenus à huis clos (les commissions permanentes, contrairement aux assemblées plénières, ne sont pas publiques). Depuis, elle n'a pas souhaité répondre à Libération mais a publié un communiqué de presse intitulé «Où est le racisme ?», dans lequel elle ne fait aucune allusion aux propos qu'elle a tenus sur les «races arabe et juive».
La vieille dame n'en est pas à son coup d'essai. En 1992, Germaine Burgaz s'était déjà illustrée dans cette même assemblée en intervenant sur la politique d'aide à l'éducation, avec ces mots : «Il s'agit d'engouffrer des dizaines de millions à des soutiens [scolaires] personnalisés aux Mohammed et aux Saïd qu'on retrouve généralement cinq ou six ans plus tard toujours aussi illettrés, mais très bien entraînés pour la guérilla de banlieue.» Jeudi, lors de son dernier dérapage incontrôlé, personne n'a songé à venir rattraper l'élue dans sa chute, pas même ses camarades lepénistes. Il faut dire que, selon un conseiller régional, «même les autres élus FN semblaient gênés»...