
Festival d’Avignon
Avignon a sauvé les meubles
La 58ème édition s’est achevée hier avec un méga-concert de Rodolphe Burger, sur des textes d’Olivier Cadiot.
A lire également :
Le off, entre implosion et explosion
Le tango pour exutoire
Le cinquante-huitième Festival d’Avignon a eu lieu. Cela n’a l’air de rien mais au vu de la situation chaotique - pour ne pas dire catastrophique - que connaît la profession depuis l’entrée en vigueur du protocole d’accord de l’assurance chômage des artistes et techniciens, c’est un soulagement. Tout d’abord pour les professionnels eux-mêmes qui, après l’annulation du Festival l’an dernier, ont tenu à jouer et à marquer, par des gestes hautement symboliques, leur désapprobation de ce protocole. C’est ainsi qu’on a pu voir, à chaque début de représentation de Peer Gynt dans la cour d’Honneur, l’ensemble des comédiens et des techniciens faire une minute de silence. Même geste du côté de la Chartreuse où Laurent Poitreneau, extraordinaire acteur dont on a pu mesurer l’étendue du talent, a mis en espace un texte de protestation de la coordination après chacune des représentations de la trilogie signée Cadiot-Lagarde.
Le Festival d’Avignon a bien eu lieu. Les deux nouveaux codirecteurs, Vincent Baudrillet et Hortense Archambault, peuvent souffler. Ils ont mené à bien la mission qui leur était impartie : faire que l’un des plus grands festivals de théâtre du monde se déroule, malgré une situation inédite, tant du point de vue politique qu’esthétique. La toute nouvelle direction - nous ne nous appesantirons guère sur leur jeune âge - a mis les petits plats dans les grands. Un artiste associé, Thomas Ostermeïer, directeur de la Shaubhüne à Berlin, qui a présenté quatre spectacles, certes d’inégale qualité, mais il n’en demeure pas moins un des artistes contemporains les plus créatifs de sa génération et chacun se souvient de l’éblouissement ressenti, en 1999, lors de sa première venue au Festival. d’Avignon. Dans la foulée, citons le parti pris cette année de mettre le théâtre de langue allemande à l’honneur avec la présence remarquable et remarquée de Frank Castorf (son Cocaïna n’aura été donné que trois soirs, hélas !), celle - décevante - de René Pollesch, ou encore celle - appréciée - du Suisse Christoph Marthaler. Rodrigo Garcia et Pippo Delbono, le premier au cloître des Célestins, le second à la carrière Boulbon, sont venus, presque en habitués, du moins en terre conquise tant leurs spectacles respectifs en 2002 avaient suscité l’enthousiasme des festivaliers. Si l’univers poétique de Delbono continu d’enchanter, le théâtre trash et excessivement moralisateur de Garcia s’essouffle sérieusement. Quant à la compagnie ZT Hollandia, son savoir-faire indéniable en fait une des rares révélations de cette édition.
On ne s’appesantira pas sur un calendrier des représentations aléatoire - personne n’était fichu de préciser la date d’ouverture du Festival, le 3 juillet ? Le 7 ou le 8 dans la cour d’Honneur ? On ne reviendra pas sur le défilé pathétique du spectacle d’ouverture, joué hors les murs, " la banlieue ", selon les deux codirecteurs, pour que " les gens d’Avignon se réapproprient leur festival " (dans Libération du 26 juillet). C’est le genre de discours qui nous échappe quelque peu. Mais passons (lire la chronique de J.-P. Léonardini le 5 juillet dans nos colonnes). Et que dire de certains lieux de représentations, lointains, inintéressants comme s’il n’en existait pas suffisamment intra-muros ? Cela augurerait-il d’une espèce de mini décentralisation avec appuis financiers d’autres partenaires institutionnels qui, en échange, pourraient exiger d’étendre la surface géographique du Festival ?
Nous n’entrerons pas dans les détails de toute la programmation même si deux coups de chapeau s’imposent : à l’équipe de Patrick Pineau dont il émanait du Peer Gynt une rare fraîcheur ; ainsi qu’à l’équipe Cadiot-Lagarde dont le triptyque (Oui dit le très jeune homme, Fairy Queen et le Colonel des zouaves) a révélé au grand public un acteur étonnant, Laurent Poitreneau.
Le Festival d’Avignon a eu lieu, et nous nous en félicitons. On peut saluer le retour des débats tous azimuts, inscrits au programme, organisés tant par des syndicats, des organisations professionnelles et autres, tous en un même et seul lieu, le cloître Saint-Louis. La nouvelle direction, contrairement à ses prédécesseurs, a ainsi renoué avec une tradition où la parole se répercutait hors les seuls plateaux de théâtre. Sans compter l’abondance de lectures, mais qui s’en plaindrait ? Si les premiers jours, le Festival a hésité, les rues étaient vides, il a trouvé sa vitesse de croisière à l’amorce du 10 juillet. On imagine aisément que nombre de festivaliers ont attendu avant de venir à Avignon. L’annulation de la précédente édition a tout de même marqué les esprits et ce n’est pas la visite du nouveau ministre de la Culture qui aura apaisé l’inquiétude des professionnels à défaut des esprits. La plaie demeure ouverte des intermittents et l’abrogation revendiquée du protocole reste en suspens. Vive le cinquante-neuvième Festival d’Avignon !
Jean-Pierre Léonardini et Zoé Lin
Avignon a sauvé les meubles
La 58ème édition s’est achevée hier avec un méga-concert de Rodolphe Burger, sur des textes d’Olivier Cadiot.
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Le cinquante-huitième Festival d’Avignon a eu lieu. Cela n’a l’air de rien mais au vu de la situation chaotique - pour ne pas dire catastrophique - que connaît la profession depuis l’entrée en vigueur du protocole d’accord de l’assurance chômage des artistes et techniciens, c’est un soulagement. Tout d’abord pour les professionnels eux-mêmes qui, après l’annulation du Festival l’an dernier, ont tenu à jouer et à marquer, par des gestes hautement symboliques, leur désapprobation de ce protocole. C’est ainsi qu’on a pu voir, à chaque début de représentation de Peer Gynt dans la cour d’Honneur, l’ensemble des comédiens et des techniciens faire une minute de silence. Même geste du côté de la Chartreuse où Laurent Poitreneau, extraordinaire acteur dont on a pu mesurer l’étendue du talent, a mis en espace un texte de protestation de la coordination après chacune des représentations de la trilogie signée Cadiot-Lagarde.
Le Festival d’Avignon a bien eu lieu. Les deux nouveaux codirecteurs, Vincent Baudrillet et Hortense Archambault, peuvent souffler. Ils ont mené à bien la mission qui leur était impartie : faire que l’un des plus grands festivals de théâtre du monde se déroule, malgré une situation inédite, tant du point de vue politique qu’esthétique. La toute nouvelle direction - nous ne nous appesantirons guère sur leur jeune âge - a mis les petits plats dans les grands. Un artiste associé, Thomas Ostermeïer, directeur de la Shaubhüne à Berlin, qui a présenté quatre spectacles, certes d’inégale qualité, mais il n’en demeure pas moins un des artistes contemporains les plus créatifs de sa génération et chacun se souvient de l’éblouissement ressenti, en 1999, lors de sa première venue au Festival. d’Avignon. Dans la foulée, citons le parti pris cette année de mettre le théâtre de langue allemande à l’honneur avec la présence remarquable et remarquée de Frank Castorf (son Cocaïna n’aura été donné que trois soirs, hélas !), celle - décevante - de René Pollesch, ou encore celle - appréciée - du Suisse Christoph Marthaler. Rodrigo Garcia et Pippo Delbono, le premier au cloître des Célestins, le second à la carrière Boulbon, sont venus, presque en habitués, du moins en terre conquise tant leurs spectacles respectifs en 2002 avaient suscité l’enthousiasme des festivaliers. Si l’univers poétique de Delbono continu d’enchanter, le théâtre trash et excessivement moralisateur de Garcia s’essouffle sérieusement. Quant à la compagnie ZT Hollandia, son savoir-faire indéniable en fait une des rares révélations de cette édition.
On ne s’appesantira pas sur un calendrier des représentations aléatoire - personne n’était fichu de préciser la date d’ouverture du Festival, le 3 juillet ? Le 7 ou le 8 dans la cour d’Honneur ? On ne reviendra pas sur le défilé pathétique du spectacle d’ouverture, joué hors les murs, " la banlieue ", selon les deux codirecteurs, pour que " les gens d’Avignon se réapproprient leur festival " (dans Libération du 26 juillet). C’est le genre de discours qui nous échappe quelque peu. Mais passons (lire la chronique de J.-P. Léonardini le 5 juillet dans nos colonnes). Et que dire de certains lieux de représentations, lointains, inintéressants comme s’il n’en existait pas suffisamment intra-muros ? Cela augurerait-il d’une espèce de mini décentralisation avec appuis financiers d’autres partenaires institutionnels qui, en échange, pourraient exiger d’étendre la surface géographique du Festival ?
Nous n’entrerons pas dans les détails de toute la programmation même si deux coups de chapeau s’imposent : à l’équipe de Patrick Pineau dont il émanait du Peer Gynt une rare fraîcheur ; ainsi qu’à l’équipe Cadiot-Lagarde dont le triptyque (Oui dit le très jeune homme, Fairy Queen et le Colonel des zouaves) a révélé au grand public un acteur étonnant, Laurent Poitreneau.
Le Festival d’Avignon a eu lieu, et nous nous en félicitons. On peut saluer le retour des débats tous azimuts, inscrits au programme, organisés tant par des syndicats, des organisations professionnelles et autres, tous en un même et seul lieu, le cloître Saint-Louis. La nouvelle direction, contrairement à ses prédécesseurs, a ainsi renoué avec une tradition où la parole se répercutait hors les seuls plateaux de théâtre. Sans compter l’abondance de lectures, mais qui s’en plaindrait ? Si les premiers jours, le Festival a hésité, les rues étaient vides, il a trouvé sa vitesse de croisière à l’amorce du 10 juillet. On imagine aisément que nombre de festivaliers ont attendu avant de venir à Avignon. L’annulation de la précédente édition a tout de même marqué les esprits et ce n’est pas la visite du nouveau ministre de la Culture qui aura apaisé l’inquiétude des professionnels à défaut des esprits. La plaie demeure ouverte des intermittents et l’abrogation revendiquée du protocole reste en suspens. Vive le cinquante-neuvième Festival d’Avignon !
Jean-Pierre Léonardini et Zoé Lin