Agression du RER D: Marie L. a avoué avoir tout inventé
Marie L. avait été convoquée mardi par la PJ • Après la vague d'indignation provoquée par l'annonce de cette agression, supposée antisémite, policiers et magistrats avaient appelé à la prudence sur le scénario et les mobiles de l'affaire.
Par Libération.fr
mardi 13 juillet 2004 (Liberation.fr - 19:19)
elle a craqué. Marie L., 23 ans, qui affirmait avoir été la victime d'une agression antisémite vendredi dernier dans le RER D, a avoué mardi en fin de journée aux enquêteurs qu'elle avait menti. Entendue une première fois samedi au lendemain de son dépôt de plainte, la jeune femme avait été à nouveau convoquée mardi en début d'après-midi par les enquêteurs dans les locaux du SRPJ de Versailles, à Cergy, pour tenter de lever ou de confirmer les doutes et les contradictions qui ont émaillé ses déclarations.
Placée en garde à vue pour «dénonciation de délit imaginaire» vers 16h30, à l'issue de son audition, elle a finalement reconnu avoir inventé tout le scénario d'une agression antisémite. Selon une source policière citée par l'AFP, elle aurait notamment admis avoir dessiné les croix gammées sur son ventre avec l'aide de son concubin, également placé mardi en garde à vue.
Depuis lundi, des doutes de plus en plus pesants étaient apparus au fil de l'enquête. «Il y a des éléments - d'ailleurs certains ont été indiqués dans la presse - qui laissent des zones d'ombre fortes sur ses déclarations», a déclaré mardi en milieu de journée le préfet de police de Paris, Jean-Paul Proust, sur la chaîne Public Sénat. Peu avant, le ministre de la Justice Dominique Perben avait laissé entendre que la la journée de mardi serait décisive pour comprendre l'enchaînement des faits qui ont provoqué un emballement politico-médiatique autour de cette affaire. «Tous les éléments vont être passés au crible et vérifiés de mani[/QUOTE]ère systématique tout au long de cette journée», avait-il indiqué. Ces vérifications ont abouti aux aveux de la jeune femme.
«Santé mentale»
Lundi, les enquêteurs avaient déjà révélé plusieurs éléments qui suscitent l'interrogation: l'analyse des vidéos de la gare de Sarcelles n'a rien donné, pas plus que l'audition des personnels de guichets de la SNCF à qui la victime affirme avoir dénoncé l'agression, aucun témoin ne s'est manifesté malgré les appels répétés lancés par les responsables politiques et plusieurs témoignages ont semé le doute dont celui de la mère de la jeune fille qui, d'après LCI, aurait «mis en cause la santé mentale de sa fille» (Lire l'article. Mardi, une source policière citée par l'AFP a précisé que la jeune femme avait déjà porté plainte à six reprises ces dernières années, notamment pour un vol à Paris et une agression sexuelle dans le Val-de-Marne. Les enquêtes ouvertes à la suite de ces plaintes n'ont jusqu'à présent abouti à aucune arrestation.
Condamnation de Chirac et Villepin
La jeune femme avait affirmé être montée vendredi vers 9h30 dans le RER D en gare de Louvres avec sa petite fille de treize mois. Selon ses déclarations réitérées lundi lors d'un entretien d'une heure avec Nicole Guedj, la secrétaire d'Etat aux droits des victimes, six jeunes, dont quatre d'origine maghrébine, se sont emparés de son sac. En voyant sur sa pièce d'identité une adresse dans le 16e arrondissement, l'un d'eux lui aurait lancé: «Dans le 16e, il y a que des feujs (juifs, NDLR)». Ils lui auraient alors coupé des mèches de cheveux, lacéré ses vêtements, et dessiné au marqueur des croix gammées sur le ventre devant des témoins qui n'auraient pas réagi.
Samedi soir, dès cette version connue, le ministre de l'Intérieur puis le chef de l'Etat ont fait part de leur indignation. Une réaction qui avait entraîné dès dimanche les condamnations unanimes de la classe politique.
«Instrumentalisation» et «stigmatisation»
Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), qui s'était associé à la vague de réactions en dénonçant dimanche en début d'après-midi une «insoutenable et lâche agression antisémite publique» a déploré mardi dans un communiqué que l'affaire du RER D «ait jeté en pâture les populations des banlieues déjà stigmatisées». Il a aussi dénoncé «avec force les propos irresponsables tenus par des personnes qui ont profité de cette affabulation pour, une fois de plus, instrumentaliser l'antisémitisme contre une population déterminée, alimentant des tensions intercommunautaires».
Selon Kamel Kabtane, président du Conseil régional du culte musulman de Rhône-Alpes «tout le monde, la presse comme les autorités, s'est ridiculisé en criant tout de suite à l'acte antisémite au lieu d'attendre d'avoir plus d'informations». Et de crier à la stigmatisation: «L'antisémitisme est quelque chose de très grave, mais aujourd'hui, quand on aborde ce sujet, ce sont les Musulmans qui sont visés».