Les saisonniers n'hésitent plus à se défendre

[faupatronim]

Les ouvriers saisonniers de Provence n'hésitent plus à aller en justice pour défendre leurs droits




La justice commence à s'intéresser aux conditions de travail des ouvriers étrangers de l'agriculture, qui produisent une part importante de l'agriculture provençale.

Aix-en-Provence de notre correspondant régional

La justice commence à s'intéresser aux conditions de travail des ouvriers étrangers de l'agriculture, qui produisent une part importante de l'agriculture provençale. Début juillet, trois employeurs de la zone de Berre étaient convoqués devant le tribunal de grande instance d'Aix pour "travail dissimulé et emploi d'étrangers non munis d'autorisation de travail" à la suite d'une descente de la police aux frontières (PAF) dans leurs exploitations à l'hiver et au printemps derniers. A leur demande, leurs procès ont été renvoyés au mois de février prochain où ils doivent être abordés simultanément.

Au même moment s'était tenu à la section agricole des prud'hommes d'Aix un procès qui oppose une travailleuse marocaine, Naïma Elfalah, bénéficiaire d'un contrat délivré par l'Office des migrations internationales (OMI) et renouvelé chaque année depuis avril 1990, à son employeur à Grans. La rupture est intervenue à la suite d'un accident du travail arrivé en août 2000 au domicile de l'employeur où Naïma travaillait comme employée de maison alors qu'elle était censée, selon le contrat OMI, travailler sur l'exploitation agricole. Mme Elfalah demande alors que son contrat soit requalifié en droit commun, puisqu'elle n'a jamais cessé de travailler comme employée de maison durant onze ans. Ce que refuse l'employeur qui, après une tentative de transaction où il reconnaissait qu'elle travaillait à son domicile, affirme désormais qu'elle était aux champs. La salariée, pendant des années, n'a pas osé porter plainte car une partie de sa famille travaillait chez le même patron en contrat précaire. Elle demande désormais devant le tribunal arbitral la requalification de son contrat, le paiement des heures supplémentaires et des indemnités pour les périodes de quatre mois qui séparent légalement chaque contrat OMI puisqu'elle travaillait continûment durant ces périodes sans être payée.

LES TÉMOINS DISPARAISSENT

Lors du procès, l'employeur a soutenu, avec des témoignages de salariés, que Naïma travaillait aux champs, celle-ci produisant des témoignages du garde champêtre, d'un médecin, d'un employé de mairie et d'un beau-frère de l'employeur attestant qu'elle était en permanence dans la maison familiale. Le jugement a été mis en délibéré. Une difficulté courante de ces procès est que les témoins disparaissent la plupart du temps avant la fin de l'instruction : les employeurs refusent en effet souvent de réembaucher des salariés qui portent plainte ainsi que leurs familles ou leurs proches. Ils restent alors au pays et disparaissent donc aux yeux de la justice.

Le tribunal des prud'hommes a également renvoyé le procès intenté par un Marocain travaillant comme saisonnier chez le même employeur depuis 1974 et dont les papiers avaient été régularisés en 1981. Au moment du départ à la retraite du patron en 1999, son fils lui succède et propose un contrat à durée déterminée : l'ouvrier refuse, la situation s'envenime gravement, des procédures pénales s'ensuivent qui suspendent l'action prud'homale lancée par le salarié réclamant des arriérés de ses salaires et des indemnités de licenciement.

Selon le Comité de défense des travailleurs étrangers dans l'agriculture, qui regroupe associations et syndicats et centralise ces procédures, les procès concernant ces contrats OMI, 4 000 pour les seules Bouches-du-Rhônes, se multiplient. Mais ses porte-parole estiment que les situations de non-droit sont généralisées dans l'agriculture provençale. Ils demandent que tout emploi salarié de plus de trois mois fasse l'objet d'un contrat de travail à durée indéterminée, quitte à ce qu'il soit modulable sur l'année.

Michel Samson