ATTAC ET LE PS

Message par Valiere » 07 Juil 2004, 17:11

ATTAC et le Parti Socialiste : la guerre serait-elle finie ?

Attac et le parti socialiste.

Par Jacques Nikonoff
Président d'Attac-France
2 juillet 2004.

Le Nouvel Observateur, daté du 24 au 30 juin 2004, vient de lancer une nouvelle thèse dans le débat public. Elle est résumée dans le titre d'un article de cet hebdomadaire : " Attac-PS : la guerre est finie ". Selon ce journal, des composantes, parmi les plus importantes de la mouvance altermondialiste, auraient effacé une bonne partie de leurs désaccords avec le Parti socialiste.
Attac n'ayant pas déclenché une guerre contre le PS à laquelle l'association renoncerait aujourd'hui - nous n'utilisons pas ce vocabulaire - il n'en demeure pas moins que notre contentieux avec les partis de gouvernement reste intact.
Pour justifier et authentifier sa thèse, l'article du Nouvel Observateur contient de nombreuses " citations " attribuées au président d'Attac et à l' ancien porte parole de la Confédération paysanne. " Enfin seuls ", aurait ainsi lancé Attac aux socialistes après la défaite électorale de l'extrême gauche, justifiant cette remarque attribuée à un dirigeant de l'association : "Qu'est-ce qu'il est devenu vieux d'un coup, le jeune Besancenot". L'ancien porte parole de la Confédération paysanne
ne serait pas en reste, car il aurait affirmé "Pour moi, le succès du Larzac, l'été dernier, c'était le réveil de la société contre le libéralisme de Raffarin. Mais ce n'était certainement pas la matrice d'une nouvelle force politique, ou un meeting d'extrême gauche". Un autre signe de rapprochement d'Attac avec le PS porterait sur la question des retraites : "Les gauchistes croient que le mouvement sur les retraites a été un échec parce qu'ils n'ont pas réussi à imposer leur grève générale. Au contraire, je pense que nous marquons des points dans l'opinion, dans les esprits. Le refus du libéralisme s'accentue. La défaire de la droite le prouve".
A propos des privatisations du gouvernement Jospin, qui étaient dénoncées par Attac dans le discours de clôture de son Assemblée générale de La Rochelle, le journaliste fait dire à son président : "C'était vrai. Mais je ne pourrais plus tenir ce discours aujourd'hui". De plus, nous apprenons que les adhérents d'Attac "sont souvent socialistes ou socialisants". On
fait dire par ailleurs à l'ancien porte-parole de la Confédération paysanne : "Aujourd'hui, mieux vaut aller à l'université d'été du PS pour parler, se mettre d'accord sur des projets concrets".
Ces "preuves" irréfutables confirmeraient donc un changement de la stratégie d'Attac, de son président, et de l'ancien porte-parole de la Confédération paysanne. Comme chacun peut le constater, en ce qui concerne Attac, aucune de ces "citations" ne correspond à la position de l' association. Quant aux commentaires faits dans l'article, ils servent à renforcer la thèse du journal comme le résume bien le sous-titre : "La rencontre [du PS avec Attac] est inévitable. mais ne sera pas facile". Il y aurait même eu une "offre de partenariat [d'Attac au PS] ". Dès lors "un couple peut se former", car "Attac a bougé [vis-à-vis du PS]". Et même "le rusé José est devenu le plus fidèle allié des partis de gauche. Aux régionales il a soutenu le socialiste Georges Frêche en Languedoc-Roussillon", car "Bové, pour le moment, pense plus à travailler avec les socialistes qu'à les affronter au nom du reste de la gauche".
Au total, "l'entrée en résonance d'Attac et du PS s'affiche aujourd'hui". Quant à José Bové, il considérerait que "maintenant, il faut travailler avec les politiques. Imaginer des contrats passés entre le mouvement social et les partis, sur tel ou tel objectif".

Quelles sont les relations d'Attac avec les partis et mouvements politiques ?
Sur un plan général, nous respectons les partis politiques car nous considérons, comme la Constitution, qu'ils "concourent à l'expression du suffrage" des citoyens et contribuent ainsi au débat et à la démocratie.
Nous ne portons donc jamais de jugements personnels sur leurs dirigeants, quels qu'ils soient. La position de l'association a été définie dans un texte intitulé "Attac et le politique" publié dans l'ouvrage Tout sur Attac (2002).
La première chose que nous y observions était que les rapports aux partis politiques, élus et collectivités locales étaient une "question récurrente depuis la naissance de l'association". Il fallait "éviter une illusion : celle de croire que nous pourrons, comme par miracle, résoudre tous les problèmes et éviter d'être pris dans un certain nombre de contradictions". Nous ajoutions qu'Attac était un "acteur politique", au sens premier et le plus noble du terme : "nous nous occupons des affaires de la Cité".
Lutter contre la marchandisation du monde et la domination de la finance, c'est en effet remettre en cause l'ensemble des rapports économiques et sociaux aujourd'hui dominants, c'est aussi remettre en cause l'ordre politique qui les porte. Notre objectif est bien de redonner aux peuples, aux citoyens, les moyens de redevenir maîtres de leur destin. Il s'agit donc d'un
objectif hautement politique qui vise à conquérir des espaces démocratiques, à permettre le développement de processus démocratiques.
Portant des objectifs politiques, Attac se situe donc dans le champ politique. Il est donc assez naturel que nous nous trouvions confrontés à d' autres acteurs se situant dans le même champ, notamment les partis politiques. Nous sommes donc amenés à débattre avec eux, à agir avec eux ou contre eux. Mais une différence apparaît immédiatement entre Attac et les partis politiques : ces derniers se présentent aux élections, ce qui n'est pas notre cas.
Il faut le rappeler nettement : la direction d'Attac ou une partie d'entre elle n'a absolument pas l'intention de faire entrer l'association sur le terrain électoral ni de la transformer en parti politique. Les adhérents qui recherchent un débouché politique altermondialiste en ont parfaitement le droit, mais ils doivent le faire en dehors d'Attac. Pour que cette question soit définitivement réglée, on pourrait suggérer qu'une résolution soit soumise par le conseil d'administration au vote des adhérents, lors de la prochaine Assemblée générale, indiquant clairement qu'Attac n'a pas vocation à susciter ou présenter des listes ou des candidats à des élections, ni à se transformer en parti politique.
Reste la question qui a provoqué quelques turbulences récentes en notre sein, dite des "débouchés politiques". Cette expression n'est peut-être pas la plus heureuse, car elle donne l'impression qu'il y aurait une division du travail : au "mouvement social", le contre-pouvoir ; aux partis politiques, le pouvoir. A priori, ça ne paraît pas illogique. Ceci dit, on peut tout à fait remettre en cause cette façon de découper les rôles entre les uns et les autres. Et plutôt que de parler de "débouché politique" - parce qu'évidemment chaque force politique rêve de constituer "le" débouché politique -, nous pourrions plutôt considérer que "faire de la politique autrement", ce serait aussi construire de nouveaux lieux de pouvoir (pas simplement des contre-pouvoirs), de nouvelles formes, de nouvelles logiques démocratiques. Parce que si nous estimons que les citoyens sont capables de " reprendre leur avenir en main ", ils sont donc capables d'assumer du pouvoir. À cet égard, on doit penser l'articulation entre la démocratie participative et la démocratie délégataire. Car, là aussi, on fait souvent des raccourcis : aucune société ne peut vivre uniquement de la démocratie participative.
Faire de la politique autrement se pose, pour nous, à tous les échelons : dans les communes et les autres collectivités locales, dans les entreprises, dans les services publics, dans l'État... C'est à une reconstruction d'ensemble de la démocratie et de la souveraineté populaire qu'il nous faut travailler. La notion de "débouché" est absolument réductrice et fige la politique de manière stérile.
Cette différence entre les partis et Attac relève d'une différence de fonction. Les partis se situent du côté du pouvoir : soit ils l'occupent, soit ils visent à l'occuper, y compris pour les plus radicaux d'entre eux.
Attac, en revanche, se situe du côté du contre-pouvoir : nous voulons construire des contre-pouvoirs dans la société pour que les citoyens puissent conquérir des espaces de liberté - et de pouvoir - qui leur permettent d'influencer le cours des choses. C'est dans cette dialectique compliquée entre pouvoir et contre-pouvoir qu'il faut situer les rapports entre Attac et les partis politiques.
Deux bornes délimitent nos rapports avec les partis : ni diabolisation, ni marchepied. Nous refusons toute diabolisation, car nous savons que les partis sont nécessaires à l'exercice de la démocratie. Tout discours anti-parti est porteur de dérives populistes et autoritaires dangereuses pour l'exercice de la démocratie. Cette reconnaissance du rôle des partis doit avoir pour corollaire le refus de toute instrumentalisation de leur part : Attac ne sert de marchepied à personne.
Cette indépendance est vérifiée au jour le jour par ce que nous faisons.
Ce sont nos actions, visant à transformer le monde, qui permettent à tous de voir comment nos discours se transforment en actes. Ils sont la pierre de touche de notre indépendance. D'où l'importance des discussions que nous devons avoir collectivement sur les questions de stratégie d'action. Cette indépendance se vérifie aussi dans notre pluralisme, dans l'origine diversifiée de nos adhérents. Les adhérents des partis sont les bienvenus à Attac. Mais cela suppose de leur part, comme de tout adhérent d'Attac, de respecter les règles de fonctionnement de l'association ainsi que ses valeurs fondatrices. Nous refusons donc conjointement toute instrumentalisation d'Attac par telle ou telle organisation politique, et toute chasse aux sorcières contre des adhérents de partis membres d'Attac. Les problèmes qui peuvent se poser doivent être traités politiquement par le débat, la conviction, même si cela n'est pas toujours facile.
Nous nous sommes fixés pour règle de refuser l'adhésion à Attac de structures politiques locales, et a fortiori nationales. Attac discute avec tous les partis politiques se situant dans " l'arc démocratique ", ce qui exclut l'extrême droite.

Tous les problèmes ne sont pas pour autant réglés. Trois d'entre eux sont une source de tensions régulières dans l'association :
- le rapport aux élus, en particulier les parlementaires ;
- le rapport aux collectivités locales, en particulier les municipalités ;
- l'exercice de responsabilités au sein des comités locaux d'Attac par des militants de partis exerçant également des responsabilités dans leur propre parti.
Un principe nous guide cependant : ni les élus, ni les collectivités locales, ni les partis n'interviennent en tant que tels dans l'élaboration des objectifs et de la stratégie de l'association.
Les regroupements d'élus ne forment pas un comité Attac, cette dénomination étant réservée aux comités locaux qui sont la structure de base de l'association. Ils constituent une "coordination des élus membres d'Attac", et c'est le cas aujourd'hui à l'Assemblée nationale et au Sénat, nous allons prendre des dispositions pour le Parlement européen à la rentrée. Cette appellation de "coordination", si elle a le mérite de clarifier le vocabulaire employé, ne résout cependant pas toutes les contradictions dans lesquelles nous nous trouvons. Les élus sont membres de ces coordinations, sans pour autant être nécessairement membres d'Attac (c'est d'ailleurs le cas pour l'immense majorité d'entre eux). Ils ne sont pas des élus d'Attac et n'ont de comptes à rendre qu'à leurs électeurs et au parti sous l'étiquette duquel ils se sont fait élire. Disons-le nettement, nous ne trouverons pas de solution miracle aux problèmes qui peuvent apparaître dans nos rapports avec les élus. Nous devons mieux travailler avec eux, mieux débattre et discuter pour mieux convaincre. Il faut intervenir plus en amont pour identifier les points de désaccords et voir comment les traiter. Être capable d'analyser et d'agir sur l'impact local de la mondialisation néolibérale est d'une importance majeure pour l'enracinement d'Attac au plus près des préoccupations de nos concitoyens. Dans ce cadre, les rapports avec les municipalités sont un enjeu important pour Attac et les comités
locaux. C'est ce qui nous a amené en janvier 2000 à organiser un premier colloque à Morsang-sur-Orge - d'où est sorti un appel d'une grande portée - et puis un deuxième, dans cette même ville, les 7 et 8 décembre 2001. C'est aussi ce
qui nous a amené à accepter l'adhésion des collectivités locales à Attac, à mettre en place un " réseau des collectivités membres d'Attac ", qui est aujourd'hui malheureusement en sommeil, et à publier le journal Villes d' Attac qui doit faire l'objet d'une rénovation dont la Conférence nationale des comités locaux (CNCL) sera saisie.
L'adhésion à Attac des collectivités locales, en particulier les municipalités, n'est cependant pas sans poser problème :
- tentation de certaines municipalités adhérentes d'instrumentaliser l'association à leur profit ;
- mesures prises pouvant être contradictoires avec nos orientations, y compris par celles qui se déclarent "zone hors AGCS". Ces problèmes renvoient aux fonctions différentes d'Attac et des municipalités. Ces dernières sont un lieu de pouvoir, un organe de gestion avec tout ce que cela signifie d'impératifs. Attac vise à construire des contre-pouvoirs et à impulser des mobilisations citoyennes.
Quelles que soient les difficultés, les rapports avec les municipalités constituent un enjeu majeur. Ils doivent se faire dans la clarté. Les orientations d'Attac au niveau local relèvent du comité local et de ses adhérents. Elles sont déterminées de façon totalement indépendante de la municipalité, que celle-ci soit ou non adhérente d'Attac. Des conflits peuvent exister, mais l'essentiel est qu'ils soient gérés de telle façon que les enjeux en soient clairs pour la population et qu'ils donnent lieu à de réels débats. Il faut éviter toute attitude qui pourrait être assimilée à une démarche politicienne.

Enfin, l'exercice de responsabilités au sein des comités locaux d'Attac par des militants exerçant parallèlement des responsabilités dans leur parti politique ou connus en tant que tels par la population peut poser des problèmes. Si nous n'avons pas encore établi de règles en la matière, quelques cas montrent qu'une confusion peut s'instaurer pour l'image et l'indépendance d'Attac, associée à tel ou tel parti dans la mesure où des responsables locaux des comités sont aussi connus comme responsables ou militants actifs de partis. Il revient aux comités locaux concernés de gérer au mieux ces situations.
Nous pouvons résumer nos relations avec les partis et mouvements politiques par la phrase célèbre de Raymond Aron : "guerre improbable ; paix impossible". Guerre improbable, car nous n'avons pas à lancer de croisade contre tel ou tel parti, malgré la somme des désaccords qui peut nous opposer. Les positions des partis sont toujours le reflet, d'une certaine manière, de l'état de l'opinion d'une fraction des citoyens. C'est donc principalement auprès des citoyens qu'il faut intervenir, afin de faire évoluer leurs croyances et représentations, ce qui ne manquera pas d'avoir des répercussions sur les partis. Dans le même temps, la paix est impossible avec les partis, quels qu'ils soient. Même si nous pouvons apprécier la "reprise" de telle ou telle de nos propositions par tel ou tel parti, il restera toujours des propositions qui ne seront pas prises en compte. D'autant que l'attitude des partis n'est pas toujours identique dans l'opposition ou dans l'exercice du pouvoir, à quelque niveau que ce soit (gouvernement, conseil régional, général, municipal). Plus attentifs à ce que nous disons - ou feignant de l'être -dans le premier cas, ils sont souvent autistes dans le second.
C'est dans cet esprit qu'il faut réagir à la thèse du Nouvel Observateur.


Que faut-il penser de l'article du Nouvel Observateur ?

Selon le Nouvel Observateurs, la "guerre" entre Attac et le PS serait "finie". Si nous n'avons déclenché aucune guerre contre le PS, nous constatons néanmoins que ce parti, comme d'autres, n'a tiré aucune leçon des politiques d'inspiration néolibérale qu'il a conduit depuis le "tournant de la rigueur" de 1982-1983. Dès lors, sa victoire éventuelle aux différentes élections de 2007 ne pourrait aboutir qu'à la répétition de ce que nous avons connu depuis vingt ans. Une nouvelle fois, en 2008, 2009 ou 2010, la déception sera au rendez-vous. Tout cela est écrit d'avance. Non seulement le PS n'a pas analysé le passé et ne veut pas le faire, mais il est muet sur les mesures qu'il prendrait pour reconstruire demain ce que détruit aujourd'hui le gouvernement Raffarin. Prenons quelques exemples.
En matière de privatisations, le PS ne dit pas qu'il renationalisera les entreprises privatisées par le gouvernement Raffarin, d'EDF-GDF à la SNECMA, en passant par France Télécom ou Air France. Adopter cette position nécessiterait aussi de renationaliser ce que le gouvernement Jospin a lui-même privatisé. Le PS y est-il prêt ? Au nom de quoi faudrait-il qu'Attac cesse son combat contre les privatisations au moment où nous sommes engagés dans la lutte contre celle d'EDF-GDF ?
En matière de retraites, le PS est-il prêt à abroger les décrets Balladur, annuler les dispositifs de capitalisation et renforcer le système par répartition ? Même chose pour l'assurance-maladie et bien d'autres domaines.
A propos de retraites, Attac n'a pas de position " officielle " donnant son analyse du mouvement du printemps dernier. Dans le conseil d'administration, des positions divergentes se sont exprimées, notamment chez les organisations syndicales membres fondateurs d'Attac. Le G-10 considère plutôt que la responsabilité de l'échec incombe principalement aux grandes centrales syndicales, particulièrement à la CGT, qui n'ont pas appelé à la grève générale. D'un autre côté, la FSU et les deux fédérations de la CGT membres du CA considèrent plutôt que l'échec a été provoqué par l'insuffisante mobilisation du secteur privé. C'est dans ces circonstances que l'on peut constater les limites de notre fonctionnement par consensus, car il se traduit par le silence d'Attac sur une question importante. Sur celle-ci comme sur d'autres, il aurait certainement fallu tenter de recueillir un accord le plus large possible sur un texte, puis le soumettre au vote du CA pour dégager une majorité qui aurait permis à Attac de s'exprimer au lieu de rester muette.

Avec 20 présidents de régions métropolitaines sur 22 qui sont membres du PS, ce parti dispose d'importants moyens pour améliorer la situation et pour contribuer à mobiliser la population contre les politiques néolibérales.
Attac a demandé à les rencontrer sur la base d'un document contenant une série de propositions. La balle est désormais dans le camp du PS et de ses alliés.
Nous n'avons pas été entendus par le gouvernement Raffarin. Nous ne pouvons pas ignorer qu'une nouvelle majorité verra peut-être le jour en 2007. En l'état actuel des choses, quelle qu'elle soit, elle reproduira ce qui a été fait ces vingt dernières années. Dans ces circonstances, Attac a une responsabilité particulière et même, pourrait-on dire, historique :
- faire grandir, parmi les citoyens, la compréhension des mécanismes et des causes de la mondialisation néolibérale ;
- faire monter les exigences d'alternatives.
Personne d'autre ne pourra faire ce travail à notre place.
Cela signifie, pour nous, de nous concentrer sur l'essentiel et d'éviter la dispersion, c'est-à-dire de viser le cour des politiques néolibérales et de leur logique. Et de nous adresser à tout le peuple, alors qu'aujourd'hui la mouvance altermondialiste et Attac en particulier ne touche pas sa fraction la plus exploitée et la plus humiliée que sont les classes populaires.
Nous nous berçons parfois d'illusions sur notre influence. J'ai été sidéré, discutant avec des grévistes du centre EDF de Saint-Ouen (93), de constater que les trois-quarts n'avaient jamais entendu parler d'Attac. Ce sont pourtant des ouvriers qualifiés et des techniciens, syndiqués pour la plupart, grévistes menant un combat difficile contre le néolibéralisme.
Celui ou celle qui ne lit pas Le Monde, Libération, le Nouvel Observateur ou L'Humanité, et qui habite dans un secteur où les militants d'Attac ne sont pas ou peu présents sur les marchés, dans les gares, les grandes surfaces, n 'a en effet aucune chance de savoir qu nous sommes et ce que nous voulons. Lors de la CNCL extraordinaire du mois de juin, consacrée à
l'élargissement de l'influence du mouvement altermondialiste et d'Attac aux classes populaires, plusieurs représentants de comités locaux ont insisté sur le besoin, pour Attac, d'avoir un "projet". En effet, si nous disposons "d'alternatives", nous ne disposons pas encore d'un "projet", c'est-à-dire la mise en cohérence de toutes nos alternatives. N'est-ce pas un débouché nécessaire du processus de "nouvelle dynamique pour Attac" que nous avons engagé ?

Une sous-estimation, au sein d'Attac, du rôle idéologique d'une certaine presse

Une chose frappe à la lecture de quelques réactions de militants d'Attac qui ont lu l'article du Nouvel Observateur. Dans leur raisonnement, le journaliste serait, en quelque sorte, quelqu'un de neutre, et il se serait borné à rendre compte mécaniquement, sans aucune interprétation personnelle, de ce que lui auraient dit ses interlocuteurs. Cet article serait donc une traduction objective de l'état de la réflexion et de la stratégie d'Attac, de son président et de José Bové.
Ce n'est évidemment pas le cas. Toute traduction contient forcément une dose de subjectivité, a fortiori quand elle émane d'un grand média d'opinion.
En réalité, dans cet article du Nouvel Obs, le journaliste développe une thèse qu'il appuie sur des "citations". La thèse (Attac et le PS : la guerre est finie), que le journaliste a le droit de défendre, n'est pas celle d'Attac. Chacun peut le constater aisément en lisant les prises de position d'Attac. En revanche, tous les organes de presse ont une "ligne éditoriale" et les journalistes des opinions, ce que certains oublient trop facilement. C'est pour cela qu'il est nécessaire d'avoir un présupposé de méfiance face aux médias dont certains sont des vecteurs de l'idéologie néolibérale.
Nous avons besoin de nous armer face à cette presse pour ne pas nous laisser impressionner par les articles du Nouvel Obs, de Libération ou du Monde pour ne prendre que ces exemples. Cette presse n'est pas "neutre" et elle joue un rôle idéologique décisif dans le combat au service de l'idéologie néolibérale ou de ses différentes variantes comme le social-libéralisme.
Un petit travail de décryptage de l'article du Nouvel Obs n'est peut-être pas inutile.

Comment se prépare un tel article ?

Le journaliste choisit des interlocuteurs et les rencontre pour leur poser des questions. Certains utilisent un magnétophone, d'autres non qui se contentent de prendre des notes. Le journaliste rédige ensuite son article et le transmet à son rédacteur en chef pour publication. A aucun moment les personnes interrogées ne sont invitées à relire le projet d'article. C'est toute la différence avec une interview où, parfois, les journalistes acceptent que l'interviewé relise le papier. En ce qui me concerne, j'ai
passé 2 heures, un dimanche après-midi, avec le journaliste, comme José à une autre date.

Sur le titre de l'article

Il faut savoir que, d'une manière générale, ce ne sont pas les journalistes qui rédigent les titres de leurs articles, mais un responsable de la rédaction en chef. Quand le Nouvel Obs titre "Attac-PS : la guerre est finie ", c'est l'expression de la ligne éditoriale du journal et la thèse du journaliste qui apparaît. Ce n'est pas celle d'Attac.

Sur l'usage des citations

Dans ce genre d'articles, les guillemets sont censées rapporter les propos tenus par les interviewés, sans aucune altération, voulant ainsi donner la garantie de leur exactitude. Beaucoup de gens se laissent prendre à cette grosse ficelle, car rien, justement, ne permet cette garantie. Les citations, qui ne sont jamais soumises pour approbation préalable aux interviewés, servent en réalité à légitimer et à authentifier la thèse du journaliste ou de la ligne éditoriale du média.

Fallait-il ou non accepter cette rencontre ?

Depuis plusieurs années, certains médias ont adopté une attitude de black-out ou de franche hostilité envers Attac (souvent alimentée par des "confessions" plus ou moins véridiques de membres d'Attac souhaitant faire connaître par ce moyen leur position personnelle), comme c'est le cas pour le Nouvel Obs, Le Monde ou Libération. Les "accrochages" ont été
nombreux avec ces journaux, nous conduisant même à demander des droits de réponse.
Cette situation a amené le Bureau d'Attac à proposer à chacun de ces trois journaux un déjeuner pour mettre les choses à plat. Seul le Nouvel Obs a accepté l'invitation, et un déjeuner s'est donc tenu entre une douzaine de membres du Bureau d'Attac d'un côté ; Claude Askolovitch et Laurent Joffrin de l'autre. Nous nous sommes expliqués et avons convenu d'un entretien entre Claude Askolovitch et moi. Cependant, au niveau de la direction d'Attac, nous n'avons pas vraiment de position générale sur les rapports à entretenir avec la presse, qui donnerait une ligne de conduite claire à chacun de nous. Nous avons dit plusieurs fois qu'il faudrait le faire, mais nous n'avons pas avancé car c'est très compliqué. En effet, un équilibre doit être tenu entre deux attitudes radicalement opposées : nous engager dans une codification peu évidente de nos rapports avec la presse qui risquerait d'aboutir à la production d'une usine à gaz pouvant même remettre en cause la liberté d'expression de chacun d'entre nous ; ou à l'inverse refuser tout contact avec la presse ou une partie de celle-ci. Dans les deux cas, aucune solution évidente ne se dégage, et il existe toujours une marge de risque. Ce débat n 'est pas clos, mais il faut bien dire que peu de monde se lance pour avancer des propositions concrètes qui nous feraient progresser.
Tout cela n'est pas très encourageant, et on pourrait en conclure que, décidément, nous n'avons pas à nous prêter à ce petit jeu des questions-réponses avec les journalistes. Le même problème se pose pour les comités locaux dont la situation est très proche de celle d'Attac national vis-à-vis de la presse. On ne connaît aucun comité local qui refuse, par principe, tout contact avec la presse écrite ou audiovisuelle régionale.
Au contraire même, puisque les comités locaux, par exemple lorsqu'ils organisent une initiative, font quasi-systématiquement des communiqués de presse et apprécient quand la presse quotidienne régionale couvre l'événement. D'une région à l'autre, la situation est très contrastée. Dans certains cas, les relations sont très bonnes entre le comité local et le correspondant local du journal. Des interviews de responsables locaux d'Attac sont souvent faites, et certains se trouvent parfois placés dans la même situation que celle créée par l'article du Nouvel Obs.
Bref, c'est compliqué, et il existe toujours une part de risque que nous devons assumer, et réagir éventuellement lorsque c'est nécessaire. Mais surtout il faut une méfiance de principe vis-à-vis de l'image d'Attac reflétée dans la presse, et ne pas lui faire confiance a priori (la presse est détenue par de grands groupes de l'armement ou de la finance).
Finalement cet article du Nouvel Observateur nous sert dans la mesure où il suscite un débat permettant de réaffirmer et de préciser nos positions.



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Valiere
 
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