C'est un petit bout de France qu'on accable et pas un mot du Premier ministre ou de son ministre de l'Emploi et de la Solidarité. Pas la moindre compassion de la part d'un chef de l'Etat, pourtant convaincu depuis le 21 avril de la fragilité du pacte social. Le gouvernement est aphone, hors son ministre de la Fonction publique qui n'y est pour rien mais, pour son malheur, est élu du coin.
Ce n'est qu'un petit bout de France victime d'une calamité : 830 emplois supprimés dans un Pas-de-Calais où le taux de chômage atteint 25 %, parfois 50 % dans certains quartiers. Mais c'est pire qu'une simple histoire de licenciements. C'est celle d'une entreprise voyou qui ne respecte ni les hommes, ni les législations. Responsable du saturnisme de 260 enfants, du plus vaste site pollué de France, elle annonce son départ après plus d'un siècle de présence, sans plan social, sans financement pour dépolluer. Mieux, elle laisse les habitants s'entre-déchirer parce que quelques-uns, inquiets pour la santé de leurs gamins, avaient osé lancer une action en justice contre le pollueur. Faut-il sacrifier l'emploi à l'environnement ou l'inverse ? Cette entreprise espère que d'aucuns se laisseront prendre au débat alors qu'il est inepte dans une démocratie moderne où le rôle de l'Etat est bien de veiller aux deux.
Il y a une semaine, Raffarin se félicitait d'être le premier chef de gouvernement à rendre visite au Medef. Il n'est pas sûr que les ouvriers de Metaleurop goûtent aujourd'hui les effets de sa prouesse. Et pas davantage l'ironie qu'il y a à entendre Seillière approuver «la condamnation des voyous des mers» et rester muet sur ses homologues patrons qui flibustent sans vergogne la législation nationale, comme encouragés par un certain silence ministériel. On ne feindra pas de découvrir le capitalisme, ses horreurs économiques et le fait que «l'Etat ne peut pas tout», comme «lapsussait» Jospin. Mais force est de constater que, depuis huit mois, l'équipe Raffarin s'est montrée plus préoccupée de plaire au Medef qu'aux salariés à qui on ne promet que la douleur d'une réforme des retraites. Cela façonne un bilan social du gouvernement étique. Sauf à y comptabiliser un effet Sarkozy, au prétexte que les pauvres sont les premières victimes de l'insécurité...