Guantanamo : Bush désavoué.

Message par pelon » 29 Juin 2004, 15:19

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Guantanamo : la Cour suprême donne tort à l'administration Bush
LE MONDE | 29.06.04 | 14h37
Dans deux arrêts rendus lundi 28 juin, la haute juridiction met fin aux zones de non-droit organisées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Les prisonniers considérés comme "combattants ennemis" ou "irréguliers" pourront saisir les tribunaux américains et contester leur détention.

New Yyork de notre correspondant

La Cour suprême des Etats-Unis a rendu, lundi 28 juin, les deux arrêts les plus importants sur les libertés civiles et les pouvoirs du gouvernement en matière de justice et de terrorisme depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New York et Washington.

Les décisions portent sur les droits des prisonniers, américains et étrangers, et constituent un revers pour l'administration Bush. Elles ne remettent pas en cause les pouvoirs de guerre du président, mais elles leur imposent des limites. Les statuts de "combattant ennemi" et de "combattant irrégulier" ne sont plus synonymes de non-droit. Dorénavant, les prisonniers considérés comme des terroristes ou des talibans pourront saisir la justice civile américaine, qu'ils soient américains ou étrangers, détenus aux Etats-Unis ou sur la base militaire de Guantanamo Bay, à Cuba.

Dans la première affaire, les neuf juges ont reconnu, à la majorité de huit contre un, que le Congrès a bien accordé au président le pouvoir de placer en détention Yasser Hamdi, citoyen américain capturé en Afghanistan, sans mise en accusation et sans jugement, avec le statut de "combattant ennemi". En revanche, ils lui ont reconnu le droit de contester son statut et sa détention devant un tribunal, ce que lui refusait le gouvernement américain.

La Cour suprême a également estimé, cette fois à six voix contre trois, dans l'affaire "Shafik Rasul contre George Bush", que les détenus de Guantanamo Bay, capturés en Afghanistan et qualifiés, par l'administration américaine, de "combattants irréguliers", peuvent eux aussi contester leur emprisonnement devant un magistrat américain. Dans une troisième affaire, celle de José Padilla, combattant ennemi américain arrêté sur le sol des Etats-Unis et détenu dans une base navale américaine, la Cour a refusé de se prononcer pour vices de forme. Elle laisse la possibilité aux avocats de M. Padilla de reformuler leur requête et de s'adresser à une juridiction inférieure. Yasser Hamdi, qui combattait aux côtés des talibans, et José Padilla, intercepté à l'aéroport de Chicago et soupçonné d'avoir préparé un attentat, ont été maintenus à l'isolement, au cours des deux dernières années, sur la base navale de Charleston, en Caroline du Sud.

L'administration Bush a toujours refusé aux détenus, américains ou étrangers, capturés dans le cadre de la "guerre contre le terrorisme" la possibilité de saisir un tribunal civil, estimant que cela portait atteinte à l'efficacité de cette bataille. Le gouvernement a refusé de leur accorder le statut de prisonnier de guerre, tel qu'il est établi - et protégé - par la troisième convention de Genève, ni la protection offerte par la Constitution dans les affaires criminelles.

La Cour suprême ne l'a pas suivi. "La procédure juste demande qu'un citoyen détenu aux Etats-Unis comme combattant ennemi obtienne la possibilité de contester les faits ayant conduit à sa détention devant une autorité neutre", déclare-t-elle. Pour la juge Sandra Day O'Connor, qui a rédigé les attendus de la décision sur l'appel de Yasser Hamdi, "l'état de guerre n'est pas un chèque en blanc au président quand il s'agit des droits des citoyens américains". L'avocat de M. Hamdi avait affirmé, à l'occasion des plaidoiries, le 28 avril, que la loi patriotique (Patriot Act), adoptée par le Congrès le 25 octobre 2001, "donne au président des pouvoirs supplémentaires pour poursuivre et arrêter les terroristes, mais pas celui de détenir indéfiniment et sans jugement un citoyen américain".

La Cour suprême lui a donné raison et considère que Yasser Hamdi a "indiscutablement le droit d'avoir recours à un avocat". "Nous n'avons aucune raison de douter que les tribunaux, face à ces sujets sensibles, accordent l'attention nécessaire aux questions de sécurité nationale qui peuvent exister dans certains cas individuels et aux droits constitutionnels protégeant les libertés essentielles qui restent en vigueur même dans les périodes de risques", écrit Sandra Day O'Connor. Elle ajoute que l'objet de la détention des combattants ennemis est seulement de "les empêcher de retourner sur le champ de bataille et de prendre les armes à nouveau".

La décision est tout aussi explicite sur le droit des détenus étrangers de Guantanamo Bay de saisir une juridiction civile. "Les étrangers sont habilités, comme les citoyens américains, a invoquer l'autorité d'une cour fédérale", écrit le juge John Paul Stevens. "Les tribunaux des Etats-Unis sont traditionnellement ouverts aux non-résidents. Ils ont la possibilité d'examiner la légalité de la détention de détenus étrangers capturés à l'étranger en relation avec des hostilités et incarcérés à la base de Guantanamo." Cet arrêt pourrait se traduire, dans les prochains mois, par des centaines de recours. Jusque-là, les juges américains avaient toujours considéré que les prisonniers de Guantanamo Bay se trouvaient hors de leur juridiction, dans une situation qualifiée de non-droit par de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme et des gouvernements étrangers.

Le gouvernement américain demandait à la Cour suprême de rejeter le recours formé par 16 plaignants britanniques, australiens et koweïtiens de la prison de Guantanamo Bay, au motif que la base militaire américaine de Cuba se trouve en dehors du territoire et de la souveraineté des Etats-Unis. La Cour suprême a écarté cet argument, en relevant que cette base est placée sous "le contrôle et la juridiction complète" des Etats-Unis depuis plus de cent ans. La complexe argumentation de la juridiction ne permet pas d'exclure, d'ailleurs, que des prisonniers étrangers détenus par des forces américaines ailleurs qu'à la base de Guantanamo Bay soient, eux aussi, en droit de saisir les tribunaux américains au regard de cet arrêt.

En revanche, la plus haute autorité judiciaire américaine ne se prononce pas sur les questions de droits de l'homme relatives à la détention des prisonniers de Guantanamo Bay. Elle ne leur garantit pas non plus formellement l'accès à un avocat. Elle leur donne seulement la possibilité de faire appel à un juge fédéral. La mise en place d'une procédure pour les prisonniers de Guantanamo Bay s'annonce difficile.

Eric Leser

"Combattants ennemis" et "combattants irréguliers"

Combattants ennemis. Ce terme désigne des citoyens américains arrêtés dans le cadre de la "guerre contre le terrorisme" et désignés comme tels par décret présidentiel. Puisqu'ils sont américains, José Padilla, arrêté aux Etats-Unis, et Yasser Hamdi, arrêté à l'étranger, sont détenus aux Etats-Unis, dans des prisons militaires, mais ce statut les a privés du recours au système judiciaire américain. Pour répondre aux critiques et pour préparer le terrain avant l'arrêt de la Cour suprême, le Pentagone a accepté, en décembre 2003, que Yasser Hamdi, placé au secret, reçoive la visite d'un avocat.

Hamdi et Padilla. Une cour d'appel fédérale, celle de New York, avait ordonné la remise en liberté de José Padilla, en se fondant sur une loi qui interdit la détention de citoyens américains en dehors des procédures judiciaires habituelles, sans autorisation expresse du Congrès. Le gouvernement avait saisi la Cour suprême de ce jugement. Yasser Hamdi s'étant vu refuser par une autre cour d'appel, celle de Richmond, ce que celle de New York avait accordé à José Padilla, s'est lui aussi pourvu devant la Cour suprême.

Combattants irréguliers. Ce terme désigne les détenus non-américains capturés, pour la plupart, par les forces des Etats-Unis lors des opérations en Afghanistan après les attentats du 11 septembre 2001, et dont beaucoup ont été emprisonnés dans le camp aménagé à Guantanamo Bay, réservé aux étrangers. Le terme englobe les talibans et les membres d'Al-Qaida.

Guantanamo Bay. L'exécutif américain avait choisi de placer les combattants irréguliers dans la base navale de Guantanamo Bay, louée par les Etats-Unis au gouvernement cubain, précisément parce qu'il pensait qu'ils échapperaient, à cet endroit situé hors de la souveraineté américaine, à tout contrôle judiciaire.

Le statut. L'administration ne reconnaît pas aux combattants irréguliers le statut de prisonniers de guerre, défini et organisé par la 3e convention de Genève. Ce statut implique, entre autres, que l'on ne peut soumettre à des interrogatoires les combattants qui en bénéficient et que l'on ne peut les juger que pour des crimes de guerre. Ce point a fait l'objet d'un vif débat dans le gouvernement de George Bush au début de 2002. Appuyé par John Ashcroft, le ministre de la justice, le président américain avait refusé l'application des conventions de Genève à ces détenus : aux membres d'Al-Qaida parce qu'ils étaient un acteur non étatique et donc, par définition, non signataire des conventions ; aux talibans parce qu'ils n'appartenaient pas à une armée régulière. Colin Powell avait contesté cette décision, craignant que des soldats américains faits prisonniers n'en subissent les répercussions. Finalement, George Bush avait annoncé que les "principes" des conventions de Genève seraient appliqués aux talibans, mais pas le statut de prisonniers de guerre. Quant aux membres d'Al-Qaida, ils seraient traités "humainement".
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 30.06.04
pelon
 
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