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Message Publié : 21 Juin 2004, 18:32
par Valiere
DISCOURS DE GEORGES SARRE AU CONSEIL NATIONAL DU MRC (20 JUIN 2004)
La démocratie contre le libéralisme, voilà le clivage !
lundi 21 juin 2004

Georges Sarre

Chers camarades,

Les élections européennes de dimanche dernier sont riches d'enseignement, et à maints égards, porteuses d'espoir. Candidats, tout porte à penser que nous n'aurions eu aucun élu, et que notre campagne aurait été noyée dans la masse silencieuse. Tactiquement, nous aurions dû marquer davantage notre boycott car les partis et les listes en présence le disputaient à l'impudence, l'escroquerie morale - l'Europe sociale -, le mensonge, la vanité. Nous pouvons néanmoins en tirer des leçons.

D'aucuns considèrent que l'abstention globale des 25 pays (55%), et l'abstention en France (57%) sont des signes de faiblesse pour le civisme des citoyens. J'y vois au contraire un désaveu civique de l'Union européenne.

Les citoyens des nations européennes n'ont pas été dupes de l'artifice démocratique proposé. Ils n'ont pas été dupes de cette élection fantoche, précédée d'une non-campagne, pour le renouvellement d'un Parlement qui n'en est pas un, puisqu'il n'y a pas de peuple européen.

Au-delà de l'abstention, les résultats eux-mêmes démontrent l'hostilité grandissante des peuples à l'égard de la construction européenne.

En Suède, un parti eurosceptique né voici à peine trois mois rassemble près de 14% des voix.

En Autriche, c'est un social-démocrate en rupture avec le SPÖ qui réalise 14% sur une thématique hostile à l'actuelle construction européenne.

Au Royaume-Uni, l'UKIP rassemble 17% des voix ; le Sinn Fein fait un score de 11% en Irlande. N'oublions pas que c'est lors d'un référendum sur le traité de Nice que le Sinn Fein est réapparu en se faisant le champion d'un « Non » victorieux !

Et qui observe-t-on à la tête de ces listes ? Des nazillons aux petits pieds ? Des adeptes du nationalisme ethnique ? Non ! La plupart du temps, ce sont des dissidents de la gauche institutionnelle, qui ont fait de la démocratie l'axe central de leur campagne.

Quelles que soient les limites de ces expériences, elles reflètent la volonté des citoyens des pays européens de s'opposer au trompe-l'œil démocratique imposé par la construction européenne. Sachons le méditer !

En France même, il y a un espace pour une formation politique qui ferait une critique radicale de la construction communautaire, qui ferait de la démocratie la colonne vertébrale de son discours politique, et qui inscrirait sa ligne dans l'héritage républicain en restant fidèle à sa source.

La démocratie contre le libéralisme, voilà le clivage !

Or la démocratie, c'est d'abord l'indépendance nationale ! Pour que les Français pèsent sur leur destin collectif, la France doit être vraiment indépendante. C'est là la condition d'une citoyenneté réelle.

Il faut donc une rupture avec les renoncements qui ont caractérisé depuis si longtemps nos élites dirigeantes. Dernier exemple en date de ce « Munich permanent », la décision du Conseil constitutionnel, qui estime désormais que la Constitution Française ne fait plus écran face au droit communautaire, autrement dit que la transposition du droit européen en droit français peut se faire au mépris de ce que contient notre loi fondamentale ! Et voilà que la France est invitée par le Conseil Constitutionnel à s'asseoir sur sa Constitution !

Ayons le courage de dire « halte ! », « halte » à la négation de la démocratie, « halte » à la disparition de la France !

On connaît l'argument favori de nos adversaires : « mais que proposez-vous ? Vous voulez donc revenir à l'Etat-nation ? ». En réponse, nous disons : « Nous proposons que l'Europe cesse d'être une oligarchie et un mythe sapant les fondements sociaux politiques et symboliques de nos démocraties représentatives.

Et nous, nous leur posons la question : « Que voulez-vous que soit l'Europe ? Une nation ? Une démocratie ? ». Et bien, nous prétendons que c'est un mythe. Regardez les effets cumulés du monopole européen d'encadrement des règles politiques et économiques :
une abstention électorale en hausse croissante ;
un fonctionnement démocratique qui revient à sanctionner les occupants du pouvoir officiel, sans pouvoir atteindre les occupants des pouvoirs officieux et financier ;
une montée bientôt de nationalismes sur un terreau de chômage, de peur et de misère ;

Est-ce cela la démocratie qui a triomphé du communisme ? Est-ce cela cette belle idée qui faisait rêver les opposants au communisme dans les pays de l'Est ? Cruelle désillusion…

Que proposons-nous ? Non pas le souverainisme, le cavalier seul, la démolition du marché unique… mais de démanteler le monopole européen des règles de gestion économique, c'est-à-dire les pouvoirs de la commission européenne en matière de concurrence par exemple, le pacte de stabilité et les statuts de la BCE.

Parallèlement, le pouvoir rendu aux états pour opérer plus librement leurs politiques économiques et sociales.

Mais pour y parvenir, il faudra renoncer à toute entreprise mythique d'imposition artificielle d'une démocratie européenne, prétendument calquée sur le modèle des démocraties nationales.

Tels pourraient et devraient être les axes d'un programme, d'un projet cohérent et novateur.

Dès aujourd'hui, après l'accord intervenu le 18 juin 2004 offrant un traité constitutionnel à l'Union Européenne, appelé faussement Constitution, il faut relancer, dynamiser notre action de communication, amplifier l'effort de signature de notre pétition pour exiger un référendum.

Le peuple doit rester et vouloir être souverain.

Il y a 64 ans, c'était l'Appel du 18 juin à Londres.

Que penserait aujourd'hui le général de Gaulle des choix faits par ses héritiers ? Poser la question, c'est y répondre.

La démocratie, la souveraineté populaire, contre le libéralisme : voilà le clivage, vous disais-je. J'ai la conviction que le combat anti-libéral peut avoir un écho puissant dans la population. Remarquons, chers camarades, que pas une ville de plus de 5000 habitants n'est dépourvue de son groupe Attac. Il y a une volonté réelle de s'opposer au néo-libéralisme. Mais il n'y a pas d'offre politique permettant d'y répondre.

Certes, les Français ont utilisé le bulletin de vote PS pour renvoyer Raffarin dans ses cordes. Mais qui peut croire que le Parti socialiste défend aujourd'hui une véritable alternative ? Non, le PS est le parti organique de la gauche et il prépare « son alternance ». Regardez, le PS a fait campagne sur « l'Europe sociale ». Mazette ! On allait voir ce qu'on allait voir !

Mais le PS s'est trouvé fort dépourvu, quand l'élection fut venue ! Ils allèrent crier « Europe sociale » chez leurs camarades du PSE… Mais ceux-ci étaient occupés à se partager les postes avec les partis de droite européens !

Personne en Europe ne parle « d'Europe sociale » à part, en France, le Parti socialiste… et encore, pendant les campagnes électorales !

Le PS est donc face à un choix idéologique clair : changer sur l'Europe, ou abandonner définitivement le qualificatif de « socialiste »… Evidemment, ce serait conforme à la réalité, ce serait demain le parti démocrate à la française.

La contradiction qui préside au discours du PS ne pourra longtemps faire illusion. A condition que nous sachions la pointer du doigt. Et pour ce faire, que nous nous mettions en situation. Ni diaboliser le PS, ni être dupe.

Nous ne pouvons nous permettre un splendide isolement qui ne serait que le prélude de la disparition de nos idées.

Plus de 35 ans d'histoire de notre courant de pensée, de notre courant politique, doivent nous donner conscience que nous sommes aptes à débattre avec les autres, et notamment à gauche ! Nous sommes capables de déjouer les astuces de langages qui tiennent lieu de communication politique et masquent le vide de projet.

Nous sommes, que nous venions du Ceres ou non, des Républicains avancés. C'est l'axe de notre projet. Nous nous adressons à tous les Français, et nous nous attachons à débattre avec les autres partis de gauche. Car ils n'ont pas le monopole de la gauche ! Nous pouvons aussi participer, avec toute la gauche, à des actions défensives ou offensives.

Voilà la stratégie : ni splendide isolement, ni acceptation du diktat du PS, mais le dialogue, le débat, et quand il le faut le débat contradictoire ! Naturellement, parallèlement, il faut lutter contre les libéraux et la droite avec des mots et encore mieux par des actes et participer à des actions communes avec ceux qui s'opposent aux privatisations (en particulier la remise en cause du statut juridique d'EDF).

Ce débat ne doit pas avoir lieu qu'au sommet. C'est aussi au contact des citoyens que nous devons nous situer. Et pour commencer, nous ne pouvons qu'être présents auprès de ceux qui luttent. A chaque fois qu'une usine ferme, nous devrions être présents !

Récemment, les militants du MRC se sont mobilisés sur les manifestations pour sauver la Sécurité sociale ou EDF et Gaz de France. C'est ce qu'il faut généraliser. Et je réaffirme ici que nous soutenons la lutte des électriciens et gaziers ! Les coupures de courant qui choquent l'UMP sont légitimes ! Car EDF est le bien de la nation, et que nous ne saurions accepter qu'il échappe à la nation !

La démocratie contre le libéralisme, voilà l'axe de notre projet. Le débat à gauche avec résolution, tranquillité de l'âme, voilà la démarche stratégique. Il convient également de déculpabiliser ceux qui dans nos rangs et sur nos fanges ont intégré les arguments développés par Lionel Jospin pour dévaloriser sans ménagement Jean-Pierre Chevènement, cadenasser le PS et empêcher le débat à son congrès de Dijon.

Lionel Jospin était assez grand pour perdre tout seul l'élection présidentielle. Il n'a eu besoin d'aucun concours. Qui a dit : « Mon programme n'est pas socialiste » ?

Et n'oublions jamais que la démocratie, c'est le pluralisme.

Le MRC doit être fier de son message, porter haut ses couleurs, et convaincre ! C'est ce qui devra ressortir du congrès de décembre prochain, qui doit être un congrès de rassemblement, sur une ligne claire, un nouveau départ.


Georges Sarre est maire du XIe arrondissement de Paris, président du club Laïcité et porte-parole du MRC.