Article dans L'Humanité du 17/01/2003.
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" Eviter le massacre d'un peuple "
Les " 40 " du collectif anti-guerre ont rappelé hier leur exigence de fermeté de la France pour stopper la marche à la guerre.
A deux jours d'une nouvelle manifestation, le collectif qui regroupe la quarantaine d'organisations qui y appellent avait donné, hier, rendez-vous à la presse. Arielle Denis, coprésidente du Mouvement de la paix, avait pour tâche de rappeler la détermination commune à l'ensemble du collectif. " La première raison pour nous de s'opposer à la guerre, ce sont les conséquences humanitaires qu'elle entraînerait sur les populations d'Irak ", rappelle-t-elle. Et de citer les estimations de l'impact d'un tel conflit par les associations humanitaires présentes sur le terrain, qui parlent d'une " menace pour la survie de 18 millions d'Irakiens ". Une appréciation partagée par Mouloud Aounit, du MRAP, pour qui est désormais engagée " une course contre la montre pour éviter le massacre d'un peuple ". Un massacre dont l'onde de choc ne resterait en aucun cas circonscrite au seul territoire irakien. " Il constituerait une véritable affiche de recrutement pour le terrorisme ", prévient Arielle Denis, tandis que Mouloud Aounit fait part de ses craintes quant au possible " regain des tensions entre les relations des différentes populations vivant en France ".
Pour le collectif, le vrai visage de la guerre qui se prépare est perçu de plus en plus nettement par l'opinion. " Plus le temps passe, moins les raisons d'attaquer l'Irak apparaissent crédibles, souligne ainsi Pierre Kalfa, d'ATTAC. Non seulement l'opinion américaine elle-même s'y oppose de plus en plus, mais également l'opinion européenne. " Une appréciation confirmée par Ismail Bozdogan, de la DIDF, une fédération d'association de travailleurs et de jeunes des communautés irakienne et turque de France, qui rapporte " qu'en Turquie aussi existe un mouvement important contre la guerre. Là bas, comme ici, se prépare la manifestation du 15 février, et des arrêts de travail d'une demi-heure se produisent un peu partout dans le pays, dans les usines, les écoles, les hôpitaux, pour tenter de freiner la marche vers le conflit ". " Les opinions publiques ont marqué des points ces derniers temps. Elles ont permis la réintroduction de l'ONU en septembre, observe de son côté Arielle Denis. Nous pensons que le processus diplomatique doit se poursuivre dans la sérénité ".
Or sur ce point, l'inquiétude est sur tous les visages, face au possible alignement de la France sur la position américaine. " S'il est à l'honneur de la France d'avoir fait prévaloir la diplomatie, les propos récents de Jacques Chirac nous inquiètent fortement ", insiste Arielle Denis. " Le gouvernement et le président de la République disent tout et son contraire ", observent Christian Picquet, de la LCR. Pour les participants, l'objectif de la mobilisation est d'obtenir de la France une position de fermeté dans le refus de toute guerre contre l'Irak. " Il existe un moyen simple de sortir de l'ambiguïté, poursuit Christian Picquet. Que la France use de son droit de veto, qu'elle prenne toutes ses responsabilités en tant que présidente du Conseil de sécurité qu'elle demeure jusqu'à la fin de ce mois, et qu'elle refuse de participer en quoi que ce soit à l'effort de guerre. " Une position semblable à celle que prône le PS. Pour Régis Passerieux, l'un de ses secrétaires nationaux, " tant la question de l'usage du droit de veto que la non-participation de la France en cas de guerre doivent être clarifiés ".
Les membres du collectif attendent beaucoup des mobilisations à venir. " Le succès relatif des dernières manifestations doit s'apprécier dans un contexte où l'opposition à la guerre était moins forte qu'aujourd'hui ", observe de son côté Antoine Crestani, secrétaire général de l'ARAC, qui fait part des " échos positifs " recueillis dans la préparation du 18.
Un succès qui, s'il se confirme, sera un encouragement pour la journée du 15 février préparée au plan international.
Sébastien Crépel