
Le trotskisme désigne, d'une part, les théories de Léon Trotski et, d'autre part, le courant politique créé par lui et dont se réclament plusieurs organisations d'extrême gauche, en France et dans le monde. Tout en se référant au marxisme, les théories de Trotski portent la marque des principales expériences de sa carrière politique: la révolution russe de 1905; la participation sous la direction de Lénine au gouvernement soviétique issu de la révolution de 1917, l'opposition à Staline. D'abord appelé «bolchevisme-léninisme», le courant politique qu'il a créé a pris le nom de «trotskisme», surtout après qu'il eut fondé la IVe Internationale en 1938. Affaiblis par la mort de Trotski, la Seconde Guerre mondiale et les poursuites staliniennes, les trotskistes ne retrouvèrent une audience qu'à la fin des années 1960.
La révolution permanente
La thèse de la «révolution permanente» est l'une des thèses centrales du trotskisme. Trotski la formula dès les années 1904-1906, mais la Révolution permanente fut publiée en russe en 1929, et en français en 1931. Pour Trotski, la révolution doit suivre un processus historique précis, défini par plusieurs étapes nécessaires. Il se réfère en cela à l'exemple de la révolution russe qui, outre la répétition générale constituée par 1905, est passée par deux étapes: la révolution bourgeoise (février), la révolution prolétarienne (octobre). Il en donne cette définition: «La révolution démocratique, au cours de son développement, se transforme directement en révolution socialiste et devient ainsi une révolution permanente.» Dans ce processus historique, Trotski assigne — dans le droit fil du marxisme — le rôle dirigeant au prolétariat ouvrier. Les masses paysannes et les intellectuels ne peuvent constituer qu'une force d'appoint. La classe ouvrière doit s'organiser en soviets, organes du pouvoir de classe, mais c'est l'avant-garde consciente du prolétariat, groupée dans le parti communiste, qui prend les décisions et mène l'action.
La révolution mondiale
Comme Lénine, Trotski pensait que le déclenchement de la révolution en Russie (le «maillon le plus faible de la chaîne impérialiste», selon Lénine) serait le point de départ de la révolution mondiale. Des troubles révolutionnaires éclatèrent effectivement en Italie, des tentatives de révolution eurent lieu en Allemagne et en Hongrie, mais ce fut l'échec. Malgré cela, Trotski est resté fidèle à sa conception internationaliste: selon lui, seule l'exportation de la révolution peut sauver le premier pays socialiste de l'encerclement et le préserver de toute dégénérescence bureaucratique et militariste. « La révolution socialiste ne peut être achevée dans les limites nationales. [...] Ainsi la révolution socialiste devient permanente au sens nouveau et le plus large du terme: elle ne s'achève que dans le triomphe définitif de la nouvelle société sur toute notre planète. » Face à Staline qui prônait l'édification du socialisme dans un seul pays, le conflit était inévitable.
La « révolution trahie »
Expulsé d'Union soviétique en 1929, Trotski est amené à analyser l'évolution du régime soviétique depuis la mort de Lénine. Il définit ainsi ce qui va constituer l'essentiel de son action: critique implacable du stalinisme et défense intransigeante des conquêtes d'Octobre. Il accuse Staline de trahir la révolution d'Octobre en établissant sa dictature sur le parti communiste, en renonçant à propager la révolution et en n'appliquant pas les idées de Lénine dans le domaine économique. La prise du pouvoir par Staline est pour Trotski une contre-révolution, l'équivalent de Thermidor pour la Révolution française.
Les causes de cette trahison ne tiennent cependant pas toutes à la personnalité de Staline. Trotski démontre qu'avec lui s'est installée en Union soviétique une puissante bureaucratie qui gouverne le pays selon ses intérêts et n'hésite pas à éliminer physiquement ses adversaires sous prétexte de défendre l'orthodoxie marxiste-léniniste.
La IVe Internationale
Afin de rassembler ses partisans et les adversaires de Staline, Trotski fonde, en 1938, la IVe Internationale et le parti mondial de la révolution socialiste. Il fait adopter le «programme de transition», composé du programme maximal (les exigences socialistes) et du programme minimal (les réformes démocratiques immédiates). Au début de la guerre, dont il démontre le caractère mondial et impérialiste, il affirme la nécessité de défendre malgré tout l'Union soviétique: atteinte de «dégénérescence bureaucratique», elle n'en reste pas moins un «État ouvrier» menacé par la barbarie fasciste. La IVe Internationale rassemble des partisans épars de Trotski: en France, dès 1929, des hommes avaient défendu l'opposition de gauche à Staline; pratiquant l'«entrisme» à la SFIO avant d'en être exclus, divers groupes, animés par Naville, Craipeau, Frank, fusionnent en 1936 pour former le parti ouvrier internationaliste (POI); cette organisation subit l'échec du Front populaire (elle avait pris une part active dans le mouvement des occupations d'usines) et connaît le reflux. Trotski prône alors, pour le POI, section française de la IVe Internationale, l'entrée au parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP) de Marceau Pivert.
La guerre est pour le mouvement trotskiste la cause de graves crises: scission de la section américaine, le Socialist Workers Party, dirigé par Schachtman, qui, indigné par le pacte germano-soviétique, refuse de défendre inconditionnellement l'Union soviétique; assassinat de Trotski; répression nazie dans les pays occupés. En France, plusieurs groupes n'en continuent pas moins une action clandestine de résistance dans les maquis et de propagande dans les usines et les casernes; ils se réunifient en 1943 au sein du parti communiste internationaliste (PCI). Malgré sa forte combativité (notamment lors de la grève chez Renault de 1947), ce parti subit les contrecoups des bouleversements de l'après-guerre: permanence du stalinisme, guerre froide. Des scissions affectent le mouvement trotskiste.
Scissions et renouveau
En 1952, une scission intervient au sein de la IVe Internationale. L'Organisation communiste internationaliste (OCI), dirigée en France par Lambert, et la Socialist Labour League en Grande-Bretagne reprochent à Michel Raptis, dit Pablo, alors dirigeant de l'Internationale, d'abandonner le trotskisme en prônant l'entrée dans les organisations ouvrières. En 1962, le chef de la section argentine, Posadas, se sépare de l'Internationale. Enfin, Pablo est exclu, en 1965, pour ses positions favorables à l'autogestion.
Surtout actives en milieu étudiant, ces diverses tendances, organisées en partis, reçoivent une impulsion des événements de mai 1968, et mènent depuis lors en France des actions qualifiées de «gauchistes». Autant à cause de ses divisions qu'à cause de l'hostilité des autres partis de gauche, le mouvement trotskiste reste partout minoritaire, sauf peut-être à Ceylan, où le gouvernement de Mme Bandaranaike, en 1970, avait compris des ministres trotskistes (exclus d'ailleurs de la IVe Internationale pour positions droitières).
Les organisations trotskistes en France aujourd'hui
La Ligue communiste révolutionnaire, issue de la Ligue communiste dissoute en 1973 se rattache à la IVe Internationale (tendance Frank). Son dirigeant est Alain Krivine, deux fois candidat à la présidence de la République (1969 et 1974).
L'Organisation communiste internationaliste, active en milieu étudiant, a fait campagne pour l'union de toutes les forces de gauche (elle est hostile au gauchisme, à la différence de la LCR).
L'Alliance marxiste révolutionnaire suit les thèses de Pablo sur l'autogestion.
Enfin, Lutte ouvrière est issue d'un courant hostile dès le début à la IVe Internationale. La mieux implantée dans les usines, elle a présenté Arlette Laguiller aux élections présidentielles de 1974 à 1995.
La révolution permanente
La thèse de la «révolution permanente» est l'une des thèses centrales du trotskisme. Trotski la formula dès les années 1904-1906, mais la Révolution permanente fut publiée en russe en 1929, et en français en 1931. Pour Trotski, la révolution doit suivre un processus historique précis, défini par plusieurs étapes nécessaires. Il se réfère en cela à l'exemple de la révolution russe qui, outre la répétition générale constituée par 1905, est passée par deux étapes: la révolution bourgeoise (février), la révolution prolétarienne (octobre). Il en donne cette définition: «La révolution démocratique, au cours de son développement, se transforme directement en révolution socialiste et devient ainsi une révolution permanente.» Dans ce processus historique, Trotski assigne — dans le droit fil du marxisme — le rôle dirigeant au prolétariat ouvrier. Les masses paysannes et les intellectuels ne peuvent constituer qu'une force d'appoint. La classe ouvrière doit s'organiser en soviets, organes du pouvoir de classe, mais c'est l'avant-garde consciente du prolétariat, groupée dans le parti communiste, qui prend les décisions et mène l'action.
La révolution mondiale
Comme Lénine, Trotski pensait que le déclenchement de la révolution en Russie (le «maillon le plus faible de la chaîne impérialiste», selon Lénine) serait le point de départ de la révolution mondiale. Des troubles révolutionnaires éclatèrent effectivement en Italie, des tentatives de révolution eurent lieu en Allemagne et en Hongrie, mais ce fut l'échec. Malgré cela, Trotski est resté fidèle à sa conception internationaliste: selon lui, seule l'exportation de la révolution peut sauver le premier pays socialiste de l'encerclement et le préserver de toute dégénérescence bureaucratique et militariste. « La révolution socialiste ne peut être achevée dans les limites nationales. [...] Ainsi la révolution socialiste devient permanente au sens nouveau et le plus large du terme: elle ne s'achève que dans le triomphe définitif de la nouvelle société sur toute notre planète. » Face à Staline qui prônait l'édification du socialisme dans un seul pays, le conflit était inévitable.
La « révolution trahie »
Expulsé d'Union soviétique en 1929, Trotski est amené à analyser l'évolution du régime soviétique depuis la mort de Lénine. Il définit ainsi ce qui va constituer l'essentiel de son action: critique implacable du stalinisme et défense intransigeante des conquêtes d'Octobre. Il accuse Staline de trahir la révolution d'Octobre en établissant sa dictature sur le parti communiste, en renonçant à propager la révolution et en n'appliquant pas les idées de Lénine dans le domaine économique. La prise du pouvoir par Staline est pour Trotski une contre-révolution, l'équivalent de Thermidor pour la Révolution française.
Les causes de cette trahison ne tiennent cependant pas toutes à la personnalité de Staline. Trotski démontre qu'avec lui s'est installée en Union soviétique une puissante bureaucratie qui gouverne le pays selon ses intérêts et n'hésite pas à éliminer physiquement ses adversaires sous prétexte de défendre l'orthodoxie marxiste-léniniste.
La IVe Internationale
Afin de rassembler ses partisans et les adversaires de Staline, Trotski fonde, en 1938, la IVe Internationale et le parti mondial de la révolution socialiste. Il fait adopter le «programme de transition», composé du programme maximal (les exigences socialistes) et du programme minimal (les réformes démocratiques immédiates). Au début de la guerre, dont il démontre le caractère mondial et impérialiste, il affirme la nécessité de défendre malgré tout l'Union soviétique: atteinte de «dégénérescence bureaucratique», elle n'en reste pas moins un «État ouvrier» menacé par la barbarie fasciste. La IVe Internationale rassemble des partisans épars de Trotski: en France, dès 1929, des hommes avaient défendu l'opposition de gauche à Staline; pratiquant l'«entrisme» à la SFIO avant d'en être exclus, divers groupes, animés par Naville, Craipeau, Frank, fusionnent en 1936 pour former le parti ouvrier internationaliste (POI); cette organisation subit l'échec du Front populaire (elle avait pris une part active dans le mouvement des occupations d'usines) et connaît le reflux. Trotski prône alors, pour le POI, section française de la IVe Internationale, l'entrée au parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP) de Marceau Pivert.
La guerre est pour le mouvement trotskiste la cause de graves crises: scission de la section américaine, le Socialist Workers Party, dirigé par Schachtman, qui, indigné par le pacte germano-soviétique, refuse de défendre inconditionnellement l'Union soviétique; assassinat de Trotski; répression nazie dans les pays occupés. En France, plusieurs groupes n'en continuent pas moins une action clandestine de résistance dans les maquis et de propagande dans les usines et les casernes; ils se réunifient en 1943 au sein du parti communiste internationaliste (PCI). Malgré sa forte combativité (notamment lors de la grève chez Renault de 1947), ce parti subit les contrecoups des bouleversements de l'après-guerre: permanence du stalinisme, guerre froide. Des scissions affectent le mouvement trotskiste.
Scissions et renouveau
En 1952, une scission intervient au sein de la IVe Internationale. L'Organisation communiste internationaliste (OCI), dirigée en France par Lambert, et la Socialist Labour League en Grande-Bretagne reprochent à Michel Raptis, dit Pablo, alors dirigeant de l'Internationale, d'abandonner le trotskisme en prônant l'entrée dans les organisations ouvrières. En 1962, le chef de la section argentine, Posadas, se sépare de l'Internationale. Enfin, Pablo est exclu, en 1965, pour ses positions favorables à l'autogestion.
Surtout actives en milieu étudiant, ces diverses tendances, organisées en partis, reçoivent une impulsion des événements de mai 1968, et mènent depuis lors en France des actions qualifiées de «gauchistes». Autant à cause de ses divisions qu'à cause de l'hostilité des autres partis de gauche, le mouvement trotskiste reste partout minoritaire, sauf peut-être à Ceylan, où le gouvernement de Mme Bandaranaike, en 1970, avait compris des ministres trotskistes (exclus d'ailleurs de la IVe Internationale pour positions droitières).
Les organisations trotskistes en France aujourd'hui
La Ligue communiste révolutionnaire, issue de la Ligue communiste dissoute en 1973 se rattache à la IVe Internationale (tendance Frank). Son dirigeant est Alain Krivine, deux fois candidat à la présidence de la République (1969 et 1974).
L'Organisation communiste internationaliste, active en milieu étudiant, a fait campagne pour l'union de toutes les forces de gauche (elle est hostile au gauchisme, à la différence de la LCR).
L'Alliance marxiste révolutionnaire suit les thèses de Pablo sur l'autogestion.
Enfin, Lutte ouvrière est issue d'un courant hostile dès le début à la IVe Internationale. La mieux implantée dans les usines, elle a présenté Arlette Laguiller aux élections présidentielles de 1974 à 1995.