Réunis à l'initiative d'Attac, les "états généraux de la santé" cherchent une stratégie
LE MONDE 26.04.04
Comment mobiliser contre la "contre-réforme néolibérale de l'assurance-maladie"quand la CGT freine des quatre fers ? Cette question de stratégie, restée sans réponse, aura dominé la première journée des états généraux de la santé et de l'assurance-maladie, qui a rassemblé, samedi 24 avril à Paris, quelque 500 personnes à l'initiative de l'association altermondialiste Attac.
L'idée d'une journée nationale de manifestations avant la fin mai, ou celle d'un "rassemblement", a été évoquée sans emporter l'adhésion. "Il y a urgence", avaient pourtant prévenu plusieurs syndicalistes.
Pour cette journée de débats, censée lancer un vaste "processus" de mobilisation contre les projets gouvernementaux, le rendez-vous avait été fixé dans les locaux un peu austères de l'association immobilière de l'Ecole militaire (Asiem), à quelques encablures du ministère de la santé.
Militants associatifs (Attac, comités de défense de la Sécurité sociale, Act Up, retraités), syndicaux (G10-Solidaires, FSU, CGT, Confédération paysanne, Unef) et politiques (Verts, socialistes de Nouveau Monde, chevénementistes du MRC, PCF, LCR, PT, etc.) y ont débattu, neuf heures durant, en séance plénière et en ateliers, du financement de la Sécurité sociale, du médicament ou encore des inégalités du système de santé.
Ils étaient à la recherche de propositions susceptibles de jeter les bases d'une plate-forme commune afin de réunir dans une même offensive "mouvement syndical et mouvement social", selon le mot de Bernard Teper, coordonnateur national d'Attac chargé de la santé et de la Sécurité sociale.
En attendant d'atteindre cet hypothétique objectif - "après tout, ce n'est qu'une question de rapport de forces", ironisait, dans les travées, Gérard Gourguechon (G10-Solidaires) -, les débats ont été vifs, à défaut d'être toujours argumentés.
Entre ceux qui croyaient au déficit, et ceux qui n'y croyaient pas, comme entre ceux qui défendaient l'élargissement de la contribution sociale généralisée (CSG) et ceux qui préféraient une belle et bonne augmentation des cotisations patronales.
"Il n'y a pas de raison que le déficit nous fasse peur ; il n'existe pas", a asséné une jeune soignante, adhérente d'un comité local de défense de la Sécurité sociale - cette conquête des travailleurs "de la ville et des champs"...
"DÉFICIT FABRIQUÉ"
Un quinquagénaire, blanchi sous le harnais du Parti des travailleurs (PT), s'est enflammé pour "la Sécu de 1945", "ce patrimoine du mouvement ouvrier et, je dirais même plus, du monde entier". "Le déficit a été fabriqué", a-t-il ajouté, évoquant les 21,6 milliards d'exonérations patronales de cotisations non compensés par l'Etat entre 1992 et 2002.
"L'exonération de cotisations patronales, qui sont du salaire différé, c'est du vol", a-t-il conclu, mieux accueilli par l'assistance qu'une jeune femme, militante des Verts, préoccupée par "la progression inéluctable des dépenses de santé". "Il ne faudrait pas que nous finissions par dire qu'il n'y a pas de déficit. Il existe, mais il est rendu plus important par des bidouillages comptables",a cherché à nuancer le chercheur Pierre Volovitch (Attac) dans une tentative, avortée, de synthèse.
Les états généraux devant durer ce que durera la réforme gouvernementale, les occasions de rouvrir ce débat ne manqueront pas. Attac a décidé de faire circuler un "appel" du 24 avril 2004, qui dit "non à la contre-réforme néolibérale, à l'insécurité sociale, à l'exclusion des soins utiles et nécessaires" et revendique "l'égalité entre tous les assurés sociaux français et étrangers".
Mais, faute d'avoir convaincu la représentante de la CGT, Nadine Prigent, de "passer à l'offensive", l'assistance s'est donné rendez-vous dans la rue, le 1er mai.
Claire Guélaud