on a pas d'immigrés mais on a la Télé !

Message par sophie » 18 Fév 2004, 12:17

urtout ne pas en parler. Pour ne pas donner de «mauvaises idées» aux électeurs. Voilà deux heures que le président sortant (UMP) de la région Champagne-Ardenne fait son numéro. La salle de l'ancienne école des filles de Saint-Rémy-en-Bouzemont-Saint-Genest-et-Isson, tout au sud du département de la Marne, est presque comble. Soit, pour ce chef-lieu de 600 âmes, une trentaine de personnes. La plupart sont des retraités, sauf la demi-douzaine d'agriculteurs installés au fond de la salle. Jean-Claude Etienne touche les uns, harangue les autres et fait sourire tout le monde. Pensez donc : lui, le professeur de médecine et sénateur, ose dire «vachement». Il évoque les grues cendrées du lac du Der qui «bouffent» les terres ensemencées, philosophe sur «la drogue douce qui pourrait devenir dure» consommée par les jeunes, et sur le chômage, «ce méga problème... auquel nous n'avons pas trouvé de réponses véritables». Mais du Front national, «le professeur» ne pipe mot. «Sinon, ça va le faire monter.» «Le FN va faire très fort», pronostique en catimini le président de Champagne-Ardenne. Et il ajoute, toujours sur le ton de la confidence : «Devant, on va avoir droit à l'extrémisme de droite. Et derrière, il y aura la gauche. Et derrière encore, il y aura nos deux listes.» Sous-entendu : celle qu'il conduit et celle de Charles-Amédée de Courson (UDF), le député de la circonscription.

Incompréhension. Sur ces terres, au milieu des bocages, le FN ne laboure même pas. Le Pen a ensemencé durant la présidentielle. Ses inféodés «champardennais» n'ont plus qu'à se baisser pour récolter. C'est lui qui est arrivé en tête dans la région, le 21 avril 2002. Et, quinze jours plus tard, il a obtenu l'un de ses meilleurs scores nationaux. Dans le canton de Saint-Rémy, il a tutoyé les 30 %. Monsieur le maire de «la-commune-qui-porte-le-plus-grand-nom-de-France» a eu du mal à s'en remettre. «Après le dépouillement, on s'est regardé, on n'a pas compris, s'excuse presque Gérard Girardin, facteur retraité. Un de mes conseillers a même dit : "Je vends tout, la maison, tout. Et je vais voir ailleurs."» Mais où ? A Vitry-le-François, la sous-préfecture toute proche, c'est pareil. Le FN engrange partout. Son leader local, Bruno Subtil, rêve même, le 28 mars, de s'asseoir dans le fauteuil du président de région. «C'est possible en cas d'accident au deuxième tour, analyse Hervé Groud, professeur de sciences politiques à l'université de Reims. Au soir du premier tour, il y a de fortes chances de voir la liste Subtil arriver en tête, suivie du PS et de l'UMP.» Le politologue constate que les idées d'extrême droite sont «ancrées en campagne depuis la présidentielle. Il est fini le temps où seules les cités votaient FN».

Un constat partagé par Bernard Schwengler qui, pour le compte du Centre d'études de la vie politique française, a mené une étude «sur le vote d'extrême droite en zone rurale», s'attachant plus particulièrement à «la France du Nord-Est». Selon lui, le vote rural frontiste est à chercher du côté «de communes de quelques centaines, parfois de quelques dizaines d'habitants qui ne sont confrontées à aucune des caractéristiques généralement associées au vote d'extrême droite : l'immigration, l'insécurité ou le chômage».

«Ici, il n'y a pas d'immigrés, mais les gens ont la télé en couleur», avance Jean-Pierre Bouquet, conseiller général PS de Saint-Rémy, pour expliquer l'enracinement frontiste. Deux mères de famille de Châtillon-sur-Broué, dans le canton de Saint-Rémy, confirment. Epouses d'ouvriers, elles sont «plutôt de gauche». Mais «quand on voit ce qu'on voit... Tous les jours, Claire Chazal nous parle du voile et de faits divers atroces. Ici, il n'y a rien. Mais on n'est à l'abri de rien». Tout proche, à Outines, la dame blonde du virage bine ses parterres et papote avec des copines. Elle non plus ne vote pas pour l'extrême droite. «Mais bon, l'Europe, tout ça [...] Et puis les hommes politiques... Juppé porté aux nues. La gauche, la droite, ça ne change rien.» Surtout lorsque Jean-Claude Etienne, qui ne bénéficie pourtant que d'une majorité relative à la région, n'a jamais vu son budget retoqué par les socialistes. «Les gens sont désespérés, insiste Adeline Hazan, chef de file du PS à Reims. Tant par la situation économique que politique. Nous devrions montrer comment ni la droite ni l'extrême droite ne peuvent leur redonner confiance. Et surtout décrypter le programme du FN, dire ce qu'il ferait de la région s'il la gagnait.»

Tracts. Pascal Erre, la tête de liste FN dans la Marne, n'en dit rien : «On est à l'écoute, c'est tout. On ne fait pas de réunions publiques. Ça ne sert à rien : n'y assistent que les convaincus. On distribue des tracts pour discuter avec les gens. C'est tout. Avec ça, et le programme habituel, on devrait basculer en tête.» Ce qui ne devrait pas être le cas de Bruno Mégret. Le président du Mouvement national républicain avait «demandé l'asile politique» en Champagne-Ardenne début février après avoir été condamné à un an d'inéligibilité et un an de prison avec sursis en Paca. «L'asile» sera de courte durée. Selon nos informations, Mégret recevra ce matin une lettre du préfet de région lui signifiant qu'il ne peut se présenter, faute de pièces prouvant qu'il est soumis au rôle des contributions directes. Comme Le Pen en Paca. Mégret devrait effectuer un recours devant le tribunal administratif.

Mégret ou Le Pen, Claire Duval, 43 ans, agricultrice à Châtelraould-Saint-Louvent, n'aime pas. «De droite, comme beaucoup de paysans», elle est venue écouter Jean-Claude Etienne. Mais ses trois fils, paysans et ingénieur agronome, envisagent de voter pour l'extrême droite. Ça l'effraie. «Si vous votez pour eux, je ne vous veux plus à ma table !»
     
sophie
 
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