
Sébastien, 35 ans, brûlé vif parce que homosexuel
LE MONDE | 03.02.04 | 14h03
Le jeune homme avait été agressé à plusieurs reprises par une bande d'une dizaine de jeunes.
Lens (pas-de-calais) de notre correspondant régional
"Il a ouvert les yeux. Je l'ai câliné, je lui ai parlé. Il a pleuré. Il est visiblement conscient. Et il a peur."Au bord des larmes, exténuée, Jacqueline revient, samedi 31 janvier, de l'hôpital de Charleroi (Belgique), où son fils, Sébastien, gravement brûlé, est brièvement sorti, pour la première fois, du coma artificiel où il est plongé depuis deux semaines. Parce qu'il est homosexuel, des individus l'auraient aspergé d'essence et transformé en torche vivante dans le jardin de sa maison. Le parquet de Béthune (Pas-de-Calais) a ouvert une information judiciaire contre X... pour "tentative d'homicide volontaire"qui, selon l'avocat de Sébastien, Me Jean-Bernard Geoffroy, pourrait bien être requalifiée en "tentative d'assassinat". Selon lui, la préméditation ne fait aucun doute et il s'agit indiscutablement d'une agression à caractère homophobe.
Elle apparaît, en tout cas, comme l'épilogue d'un long calvaire que raconte son ami, Patrice. Issus tous deux de famille modeste, Patrice Jondreville, 38 ans, et Sébastien Nouchet, 35 ans, vivent ensemble depuis quatorze ans. Patrice est ouvrier dans une société de logistique du groupe Carrefour, Sébastien reste à la maison pour s'occuper des animaux : cinq petits chiens, des chats et des oiseaux. Un couple homosexuel heureux né d'un coup de foudre et qui aspirait à mener, au grand jour, une existence paisible.
Ils y sont parvenus sans difficulté durant leurs dix premières années de vie commune, à Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône). Puis Patrice a été muté, ce qui les a obligés à émigrer, début 2001, dans le bassin minier. Ils se sont d'abord installés à Lens, dans une petite maison de la "cité numéro 4", un ancien coron des Houillères. Parfaitement acceptés par leurs voisins, ils appréciaient leur région d'adoption.
Le premier dérapage est survenu le 31 octobre 2001. Alors qu'il promenait ses chiens dans un parc, Sébastien a été agressé par deux jeunes gens qui l'ont roué de coups, lui cassant une côte, pour lui arracher les clés de sa voiture avec laquelle ils se sont enfuis. Le couple a porté plainte, identifié les agresseurs qui ont été condamnés à des peines de prison assorties partiellement de sursis. Ces derniers ne leur ont plus laissé de répit. Sébastien a subi plusieurs agressions - dont un coup de tournevis dans le dos et un coup de cutter au visage.
Le couple a été régulièrement harcelé par une bande d'individus - "parfois jusqu'à une dizaine, dont des filles", selon Patrice - qui proféraient à leur encontre des insultes homophobes, s'installaient sur le perron de leur maison, sont allés jusqu'à en incendier la porte et les fenêtres. Les deux hommes ont déposé plainte sur plainte et les trois agresseurs les plus virulents, deux majeurs et un mineur, ont été déférés devant le tribunal correctionnel, et condamnés, à plusieurs reprises.
HARCÈLEMENT
Le harcèlement n'a pas cessé pour autant. Un déménagement en catimini "dans une maison plus agréable, avec un grand jardin", à Nœux-les-Mines, à une quinzaine de kilomètres de Lens, leur a laissé six mois de répit. Jusqu'à un soir d'août 2003 où, en l'absence de Patrice, des individus encagoulés ont pénétré chez eux et laissé Sébastien sans connaissance après avoir tenté de l'étrangler.
La dernière agression, survenue vendredi 16 janvier, vers 19 h 30, alors que Patrice était encore au travail, n'a pas eu de témoin direct. Les voisins ne sont intervenus qu'en entendant les cris de Sébastien, brûlé au troisième degré sur le tiers supérieur du corps. Quels qu'en soient les auteurs, sa mère et son ami sont décidés à "aller jusqu'au bout", pour dénoncer le plus largement possible ces agressions. Pour Sébastien, mais aussi, souligne Patrice, "parce que, parfois, les homosexuels qui en sont victimes n'osent même pas porter plainte".
Jean-Paul Dufour
LE MONDE | 03.02.04 | 14h03
Le jeune homme avait été agressé à plusieurs reprises par une bande d'une dizaine de jeunes.
Lens (pas-de-calais) de notre correspondant régional
"Il a ouvert les yeux. Je l'ai câliné, je lui ai parlé. Il a pleuré. Il est visiblement conscient. Et il a peur."Au bord des larmes, exténuée, Jacqueline revient, samedi 31 janvier, de l'hôpital de Charleroi (Belgique), où son fils, Sébastien, gravement brûlé, est brièvement sorti, pour la première fois, du coma artificiel où il est plongé depuis deux semaines. Parce qu'il est homosexuel, des individus l'auraient aspergé d'essence et transformé en torche vivante dans le jardin de sa maison. Le parquet de Béthune (Pas-de-Calais) a ouvert une information judiciaire contre X... pour "tentative d'homicide volontaire"qui, selon l'avocat de Sébastien, Me Jean-Bernard Geoffroy, pourrait bien être requalifiée en "tentative d'assassinat". Selon lui, la préméditation ne fait aucun doute et il s'agit indiscutablement d'une agression à caractère homophobe.
Elle apparaît, en tout cas, comme l'épilogue d'un long calvaire que raconte son ami, Patrice. Issus tous deux de famille modeste, Patrice Jondreville, 38 ans, et Sébastien Nouchet, 35 ans, vivent ensemble depuis quatorze ans. Patrice est ouvrier dans une société de logistique du groupe Carrefour, Sébastien reste à la maison pour s'occuper des animaux : cinq petits chiens, des chats et des oiseaux. Un couple homosexuel heureux né d'un coup de foudre et qui aspirait à mener, au grand jour, une existence paisible.
Ils y sont parvenus sans difficulté durant leurs dix premières années de vie commune, à Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône). Puis Patrice a été muté, ce qui les a obligés à émigrer, début 2001, dans le bassin minier. Ils se sont d'abord installés à Lens, dans une petite maison de la "cité numéro 4", un ancien coron des Houillères. Parfaitement acceptés par leurs voisins, ils appréciaient leur région d'adoption.
Le premier dérapage est survenu le 31 octobre 2001. Alors qu'il promenait ses chiens dans un parc, Sébastien a été agressé par deux jeunes gens qui l'ont roué de coups, lui cassant une côte, pour lui arracher les clés de sa voiture avec laquelle ils se sont enfuis. Le couple a porté plainte, identifié les agresseurs qui ont été condamnés à des peines de prison assorties partiellement de sursis. Ces derniers ne leur ont plus laissé de répit. Sébastien a subi plusieurs agressions - dont un coup de tournevis dans le dos et un coup de cutter au visage.
Le couple a été régulièrement harcelé par une bande d'individus - "parfois jusqu'à une dizaine, dont des filles", selon Patrice - qui proféraient à leur encontre des insultes homophobes, s'installaient sur le perron de leur maison, sont allés jusqu'à en incendier la porte et les fenêtres. Les deux hommes ont déposé plainte sur plainte et les trois agresseurs les plus virulents, deux majeurs et un mineur, ont été déférés devant le tribunal correctionnel, et condamnés, à plusieurs reprises.
HARCÈLEMENT
Le harcèlement n'a pas cessé pour autant. Un déménagement en catimini "dans une maison plus agréable, avec un grand jardin", à Nœux-les-Mines, à une quinzaine de kilomètres de Lens, leur a laissé six mois de répit. Jusqu'à un soir d'août 2003 où, en l'absence de Patrice, des individus encagoulés ont pénétré chez eux et laissé Sébastien sans connaissance après avoir tenté de l'étrangler.
La dernière agression, survenue vendredi 16 janvier, vers 19 h 30, alors que Patrice était encore au travail, n'a pas eu de témoin direct. Les voisins ne sont intervenus qu'en entendant les cris de Sébastien, brûlé au troisième degré sur le tiers supérieur du corps. Quels qu'en soient les auteurs, sa mère et son ami sont décidés à "aller jusqu'au bout", pour dénoncer le plus largement possible ces agressions. Pour Sébastien, mais aussi, souligne Patrice, "parce que, parfois, les homosexuels qui en sont victimes n'osent même pas porter plainte".
Jean-Paul Dufour