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Message Publié : 27 Jan 2004, 19:01
par mael.monnier
Bonjour,

Un article paru dans l'Huma d'aujourd'hui à propos du rapport Virville préparatoire à l'esclavage capitaliste version 19e siècle...

a écrit :
Le texte de M. de Virville, préparatoire à la loi prétendument de " mobilisation pour l'emploi ", est entièrement fondé sur le concept selon lequel la force de travail n'est qu'une marchandise dont il faut réduire le coût. Il s'agit de se soumettre aux principes maastrichiens de " liberté totale de circulation des capitaux " dans une Europe " zone de libre échange où la concurrence est libre ". Pour M. de Virville, c'est entendu : les salariés, hommes et femmes, " la main-d'ouvre ", dit-il, doit être " formée, flexible et adaptable ". Il s'acharne donc à préconiser des dispositions pour flexibiliser, précariser le travail et diviser les travailleurs, en organisant leur mise en concurrence sauvage.

Avec un cynisme non dissimulé, M. de Virville estime par ailleurs que " les règles qui encadrent le licenciement pour motif personnel ont atteint un certain équilibre et assurent une protection satisfaisante pour les salariés ". Décidément, M. de Virville, nous n'avons pas les mêmes valeurs ! Demandez donc aux salariés licenciés leur motif de satisfaction.

À partir du raisonnement selon lequel " dans un environnement économique mouvant les entreprises s'organisent autour de projets à horizon de quelques mois ou de quelques années, dont elles ne sont pas toujours capables de connaître à l'avance les délais de réalisations ", il est proposé plusieurs dispositions parmi lesquelles : l'alignement de tous les CDD dits " d'usage ", c'est-à-dire qu'un métallurgiste, un maçon, une secrétaire médicale, pourraient être embauchés dans les mêmes conditions qu'un ramasseur de pommes saisonnier.

Mais M. de Virville se surpasse dans sa proposition numéro 21, quand il propose de revoir les frontières entre " le salariat " et " le travail indépendant " en permettant, dit-il sans rire, de " permettre aux usagers du droit du travail de choisir dans quel régime juridique ils souhaitent inscrire leur relation ". On notera au passage cette notion nouvelle " d'usager du droit du travail ", sortie de derrière les fagots ultralibéraux, qui signifie en fait que le travail et la sécurité ne sont plus des droits. On a ainsi " le droit " de ne plus être salarié et de vendre sa force de travail sans être protégé par le droit du travail.

Les grandes entreprises capitalistes pourront donc demain embaucher " des travailleurs indépendants " qui viendront le matin faire la queue devant l'usine, se vendre pour la journée, au prix que décidera l'employeur capitaliste au gré sans doute des fluctuations de la bourse et du dollar, sans savoir s'ils reviendront le lendemain. Dans sa grande générosité, M. de Virville propose aux capitalistes de légaliser la fausse sous-traitance puisqu'il écrit que " la loi pourrait préciser que l'exécution d'un contrat de prestation de service ne constitue pas une opération de prêt de main-d'ouvre ".

La proposition dont on a le plus parlé - la numéro 19 - concerne un " contrat à durée déterminée ". La commission préconise de " compléter l'éventail des contrats spéciaux existants en créant une nouvelle forme de contrat, ouvert à des cadres ou des personnels qualifiés, notamment des experts et permettant à un salarié d'être recruté par une entreprise pour participer à la mise en ouvre d'un projet déterminé ". Ainsi, les chercheurs, les cadres, les techniciens, les journalistes et d'autres encore deviennent tous des intermittents.

Ceci aura pour premier effet d'abaisser les meilleurs salaires et donc de faire pression sur l'ensemble de l'échelle des rémunérations. Il s'agit aussi, dans une période de poursuite des mutations technologiques et informationnelles, de pomper la matière grise, déjà mise en concurrence avec l'importation de médecins, de chercheurs, de techniciens venus d'Inde ou des pays de l'Est.

L'intelligence sera ainsi pressée, puis jetée, comme la main-d'ouvre à Moulinex ou Alsthom, dans la fosse du RMA. Avec un tel programme, c'est la vie en miettes. L'insécurité sociale est érigée en mode de vie. Qui pourra prévoir demain de s'installer dans une région, de construire en utilisant un crédit avec un tel régime ? Ajoutons qu'avec une situation professionnelle aussi précaire il y a peu de candidats aux élections professionnelles et les sections syndicales auront du mal à recruter. Il s'agit d'une agression sans précédent depuis le XIXe siècle contre les droits sociaux. Avec le développement des bas salaires et des travailleurs pauvres, on reviendrait à une sorte de prolétarisation du salariat dans son ensemble.

On comprend mieux à la lecture de ce rapport pourquoi le pouvoir, serviteur des intérêts capitalistes, tient tant à agiter le leurre du voile. Il espère que le peuple regarde le petit doigt qui pointe le voile et ne voit pas les nuages annonciateurs de la bourrasque de l'insécurité de vie qui menace de déferler sur lui. On peut toujours crier à la République en danger pour mieux la défigurer, en une République antisociale, et jeter aux oubliettes le principe constitutionnel selon lequel " le travail est un droit ".

Il y a urgence à se rassembler. Salariés du public comme du privé, syndicalistes, juristes, chômeurs, cadres, femmes et hommes de gauche, pour dresser un barrage contre ce projet. Le mouvement progressiste le fera d'autant mieux qu'il s'appuiera sur des idées, des aspirations qui émergent de la société, notamment celle de la sécurisation des parcours professionnels et des périodes de formation. Il s'agit aussi de gagner de nouveaux pouvoirs démocratiques, une autre utilisation de l'argent, un autre type de gestion de l'entreprise à l'État jusqu'à l'Union européenne.

Ceux qui veulent faire croire qu'il n'y a plus désormais ni classe exploiteuse ni classe exploitée et que la lutte des classes est obsolète, sont les mêmes qui aujourd'hui renforcent et légitiment l'action de la classe capitaliste pour soumettre encore plus l'ensemble du salariat et des chômeurs.

Nous sommes à un moment décisif. Une mobilisation unitaire est urgente.

Fidèle à sa vocation, l'Humanité est disponible pour une grande campagne de mobilisation contre l'insécurité sociale et pour faire avancer un processus de sécurité sociale de l'emploi, jumelé aux droits à la formation tout au long de la vie. Nous proposons de construire ensemble un mouvement national pour l'emploi.

Demain : la sécurité de l'emploi est un droit
(Source : http://www.humanite.fr/journal/2004-01-27/2004-01-27-386892 )

Message Publié : 27 Jan 2004, 19:27
par mael.monnier
Hier était paru cet article qui précédait celui-ci :
a écrit :
Le missile Virville Par Patrick Le Hyaric, directeur de l'Humanité

Un missile incendiaire est lancé contre le monde du travail. Il faut l'arrêter vite avant qu'il ne soit trop tard. Il a pour nom de code : Virville. C'est ce monsieur M. Michel Davy de Virville que le ministre des Affaires sociales a choisi pour rédiger un rapport sur le Code du travail. On devrait dire : contre le Code du travail. M. Virville, qui a été successivement membre du cabinet de M. Barrot, lorsque celui-ci était ministre du Travail, puis d'Alain Juppé, est un spécialiste en détricotage du " droit du travail ". Pensez donc ! C'est lui qui, comme directeur des relations humaines de Renault, annonçait froidement la fermeture de l'usine Renault Vilvorde, mettant 3 000 salariés sur le carreau. C'était juste après l'installation du gouvernement Lionel Jospin, en 1997, signifiant ainsi qu'il n'avait cure du vote des électeurs. Il ne s'était pas montré grand défenseur de la loi de modernisation sociale impulsée par Robert Hue et les parlementaires communistes, en juin 2001. Au contraire. Il était plutôt du côté de l'appel des 56 grands patrons publié dans le journal les Échos mettant en demeure Lionel Jospin de ne pas faire cette loi.

Son dernier fait d'arme est très récent. Il se trouve - curieux hasard - que l'arrêt du 21 janvier de la Cour de cassation dément formellement et personnellement le directeur des relations humaines de Renault. La Cour de cassation a en effet ordonné la transformation en contrat à durée indéterminée du contrat de travail de 19 ouvriers intérimaires, employés par la SOVAP, qui n'est autre... qu'une filiale de Renault. Pas étonnant que, dans son rapport, ce monsieur Virville propose de supprimer les poursuites pénales pour les plus graves infractions. Il va même jusqu'à vouloir limiter la portée des décisions de la Cour de cassation.

C'est donc ce monsieur, Michel Davy de Virville, qui a remis le 15 janvier à M. Fillon un rapport intitulé " Pour un Code du travail plus efficace ". Si efficace qu'il propose sa transformation en code de soumission aux forces de l'argent. Nous ne pouvons que conseiller ardemment à tous les salariés, les syndicalistes, les hommes et les femmes de progrès de lire attentivement ce texte, de l'étudier, de le diffuser, d'en débattre et d'en mesurer toutes les conséquences dramatiques pour le droit du travail. Ce rapport donne une idée assez exacte de la philosophie de la future loi de " mobilisation pour l'emploi " que demande le président de la République. L'application des recommandations de ce rapport ne conduirait pas à une sécurisation de l'emploi, mais à une sécurisation du capital. Des pans décisifs du droit du travail et du droit social, hérités de décennies de luttes, seraient vidés de toute substance. Depuis 1841, le droit du travail et le droit social se sont progressivement constitués, sous l'égide du Parlement et dans le cadre de la confrontation entre syndicats et employeurs. Mais, M. Virville se croit autorisé à proposer de légiférer par ordonnances, sous couvert d'une interprétation de la Constitution, qui, selon lui, ne confie au Parlement que le simple soin de définir " les principes fondamentaux du droit du travail ". Or chacun sait que celui-ci a évolué souvent dans un sens positif au fil du temps grâce à la loi, depuis l'élaboration du premier Code du travail à partir de 1910 et aux modifications successives de 1919, 1936, 1950, 1960, 1968, 1982 et de 1997 à 2002. Ce rapport conteste désormais à la représentation nationale la possibilité d'élaborer les règles, parce que, selon lui, " la loi est trop instable ". M. Virville se plaint ouvertement que le droit du travail actuel est " devenu source d'une forte insécurité juridique ". Des salariés ? Pas du tout ! Selon lui, " le droit actuel contribue à mobiliser l'appareil judiciaire autour de l'objectif du renforcement de la protection des salariés ". Tout est dit.

Il en déduit donc que la " stabilité " et la " sécurité " passent par l'édictions de règles nouvelles, décidées sans le Parlement, mais par le mécanisme autoritaire des ordonnances. M. Virville va-t-il inventer le " coup d'État démocratique ". On peut le penser.

Il va jusqu'à proposer de ne plus tenir compte de l'expression démocratique des citoyens. Ainsi des accords resteraient valables pendant deux ans à compter de l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi. Autrement dit, une nouvelle majorité de gauche ne pourrait pas toucher les lois négatives du précédent pouvoir.

Il se dit disponible pour le sale boulot, puisqu'il est prêt à s'autodésigner en demandant aux pouvoirs publics de pérenniser sa commission.

L'objectif de construire un droit rétrograde du travail vise aussi à le conformer à la construction ultracapitaliste de l'Union européenne. Pour quels objectifs ? C'est écrit noir sur blanc dans le texte : les normes du droit communautaire " ont permis l'émergence d'un droit unique, porteur de saines concurrences entre les entreprises européennes ".

À l'échelle de l'entreprise, M. Virville propose que tout recours devienne impossible deux mois après la signature d'un accord. Et à l'intention des délégués syndicaux consciencieux, il prévient que sera " précisé dans la loi qu'en cas de succès d'une négociation d'entreprise l'accord qui en résulte ne fait pas l'objet d'une consultation ".

Tout est verrouillé.

Il propose de supprimer les comités d'entreprise, les délégués du personnel et les délégués syndicaux, pour les fusionner dans une instance unique : un conseil d'entreprise. Et il propose que désormais les directions fournissent des documents simplifiés aux représentants des personnels ! Simplifiés ou expurgés d'informations gênantes ?

Et l'on comprend l'objectif et la cohérence de telles mesures quand M. Virville propose dans les grandes entreprises de supprimer les comités de groupe et de créer des instances unifiées au niveau européen, voire mondial, pour les entreprises multinationales. Il s'agit bien d'éloigner les instances des salariés et d'en affaiblir le rôle. Ainsi doit-on s'inquiéter de quelle législation dépendrait un conseil d'entreprise d'un groupe basé à l'autre bout du monde ? Au droit et à la législation français ou bien à celle du pays de la maison mère, éventuellement basée dans un paradis fiscal ou un pays sans véritable législation sociale ?

D'ailleurs, le rapport Virville propose de permettre aux accords de groupes de déroger aux accords de branches. Le patron est roi.

Le missile Virville c'est : feu sur la démocratie !