Un article paru dans l'Huma d'aujourd'hui à propos du rapport Virville préparatoire à l'esclavage capitaliste version 19e siècle...
(Source : http://www.humanite.fr/journal/2004-01-27/2004-01-27-386892 )a écrit :
Le texte de M. de Virville, préparatoire à la loi prétendument de " mobilisation pour l'emploi ", est entièrement fondé sur le concept selon lequel la force de travail n'est qu'une marchandise dont il faut réduire le coût. Il s'agit de se soumettre aux principes maastrichiens de " liberté totale de circulation des capitaux " dans une Europe " zone de libre échange où la concurrence est libre ". Pour M. de Virville, c'est entendu : les salariés, hommes et femmes, " la main-d'ouvre ", dit-il, doit être " formée, flexible et adaptable ". Il s'acharne donc à préconiser des dispositions pour flexibiliser, précariser le travail et diviser les travailleurs, en organisant leur mise en concurrence sauvage.
Avec un cynisme non dissimulé, M. de Virville estime par ailleurs que " les règles qui encadrent le licenciement pour motif personnel ont atteint un certain équilibre et assurent une protection satisfaisante pour les salariés ". Décidément, M. de Virville, nous n'avons pas les mêmes valeurs ! Demandez donc aux salariés licenciés leur motif de satisfaction.
À partir du raisonnement selon lequel " dans un environnement économique mouvant les entreprises s'organisent autour de projets à horizon de quelques mois ou de quelques années, dont elles ne sont pas toujours capables de connaître à l'avance les délais de réalisations ", il est proposé plusieurs dispositions parmi lesquelles : l'alignement de tous les CDD dits " d'usage ", c'est-à-dire qu'un métallurgiste, un maçon, une secrétaire médicale, pourraient être embauchés dans les mêmes conditions qu'un ramasseur de pommes saisonnier.
Mais M. de Virville se surpasse dans sa proposition numéro 21, quand il propose de revoir les frontières entre " le salariat " et " le travail indépendant " en permettant, dit-il sans rire, de " permettre aux usagers du droit du travail de choisir dans quel régime juridique ils souhaitent inscrire leur relation ". On notera au passage cette notion nouvelle " d'usager du droit du travail ", sortie de derrière les fagots ultralibéraux, qui signifie en fait que le travail et la sécurité ne sont plus des droits. On a ainsi " le droit " de ne plus être salarié et de vendre sa force de travail sans être protégé par le droit du travail.
Les grandes entreprises capitalistes pourront donc demain embaucher " des travailleurs indépendants " qui viendront le matin faire la queue devant l'usine, se vendre pour la journée, au prix que décidera l'employeur capitaliste au gré sans doute des fluctuations de la bourse et du dollar, sans savoir s'ils reviendront le lendemain. Dans sa grande générosité, M. de Virville propose aux capitalistes de légaliser la fausse sous-traitance puisqu'il écrit que " la loi pourrait préciser que l'exécution d'un contrat de prestation de service ne constitue pas une opération de prêt de main-d'ouvre ".
La proposition dont on a le plus parlé - la numéro 19 - concerne un " contrat à durée déterminée ". La commission préconise de " compléter l'éventail des contrats spéciaux existants en créant une nouvelle forme de contrat, ouvert à des cadres ou des personnels qualifiés, notamment des experts et permettant à un salarié d'être recruté par une entreprise pour participer à la mise en ouvre d'un projet déterminé ". Ainsi, les chercheurs, les cadres, les techniciens, les journalistes et d'autres encore deviennent tous des intermittents.
Ceci aura pour premier effet d'abaisser les meilleurs salaires et donc de faire pression sur l'ensemble de l'échelle des rémunérations. Il s'agit aussi, dans une période de poursuite des mutations technologiques et informationnelles, de pomper la matière grise, déjà mise en concurrence avec l'importation de médecins, de chercheurs, de techniciens venus d'Inde ou des pays de l'Est.
L'intelligence sera ainsi pressée, puis jetée, comme la main-d'ouvre à Moulinex ou Alsthom, dans la fosse du RMA. Avec un tel programme, c'est la vie en miettes. L'insécurité sociale est érigée en mode de vie. Qui pourra prévoir demain de s'installer dans une région, de construire en utilisant un crédit avec un tel régime ? Ajoutons qu'avec une situation professionnelle aussi précaire il y a peu de candidats aux élections professionnelles et les sections syndicales auront du mal à recruter. Il s'agit d'une agression sans précédent depuis le XIXe siècle contre les droits sociaux. Avec le développement des bas salaires et des travailleurs pauvres, on reviendrait à une sorte de prolétarisation du salariat dans son ensemble.
On comprend mieux à la lecture de ce rapport pourquoi le pouvoir, serviteur des intérêts capitalistes, tient tant à agiter le leurre du voile. Il espère que le peuple regarde le petit doigt qui pointe le voile et ne voit pas les nuages annonciateurs de la bourrasque de l'insécurité de vie qui menace de déferler sur lui. On peut toujours crier à la République en danger pour mieux la défigurer, en une République antisociale, et jeter aux oubliettes le principe constitutionnel selon lequel " le travail est un droit ".
Il y a urgence à se rassembler. Salariés du public comme du privé, syndicalistes, juristes, chômeurs, cadres, femmes et hommes de gauche, pour dresser un barrage contre ce projet. Le mouvement progressiste le fera d'autant mieux qu'il s'appuiera sur des idées, des aspirations qui émergent de la société, notamment celle de la sécurisation des parcours professionnels et des périodes de formation. Il s'agit aussi de gagner de nouveaux pouvoirs démocratiques, une autre utilisation de l'argent, un autre type de gestion de l'entreprise à l'État jusqu'à l'Union européenne.
Ceux qui veulent faire croire qu'il n'y a plus désormais ni classe exploiteuse ni classe exploitée et que la lutte des classes est obsolète, sont les mêmes qui aujourd'hui renforcent et légitiment l'action de la classe capitaliste pour soumettre encore plus l'ensemble du salariat et des chômeurs.
Nous sommes à un moment décisif. Une mobilisation unitaire est urgente.
Fidèle à sa vocation, l'Humanité est disponible pour une grande campagne de mobilisation contre l'insécurité sociale et pour faire avancer un processus de sécurité sociale de l'emploi, jumelé aux droits à la formation tout au long de la vie. Nous proposons de construire ensemble un mouvement national pour l'emploi.
Demain : la sécurité de l'emploi est un droit