a écrit :A gauche, les «antiloi» se divisent
Cécilia Gabizon
[09 janvier 2004]
Ils se disaient antiloi. On les a parfois crus favorables au voile à l'école. En réalité, dans le camp de ceux qui s'opposaient à un texte législatif, leaders associatifs ou syndicaux, beaucoup avaient tenté de défendre devant la commission Stasi une équation complexe : contre la loi, contre les signes religieux à l'école. Aujourd'hui, alors que des filles voilées, des associations musulmanes dont certaines fondamentalistes, préparent une manifestation nationale le 17 janvier, le camp antiloi laisse apparaître ses clivages. Le Mrap, qui s'élève résolument contre l'exclusion des jeunes filles voilées, n'entend pas participer au rassemblement. «Nous n'avons rien à faire au milieu des intégristes et des religieux. Nous sommes des athées. Nous sommes contre le port du voile.»
Même posture à la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), dont le porte-parole, Alain Krivine, se démarque fermement d'un des promoteurs de la manifestation, le «Parti des musulmans de France (PMF), une organisation intégriste, au passé antisémite». Devant ce qu'il perçoit comme une véritable «montée de l'intégrisme (chez les juifs, comme chez les musulmans)», Alain Krivine s'insurge contre le port du voile, l'«un des aspects de l'oppression des femmes dans les banlieues, qu'elles en soient conscientes ou pas». Pour autant, Alain Krivine refuse la loi sur la laïcité, qui «évite de poser les vrais problèmes d'intégration, du racisme, des ghettos et entraîne une radicalisation des musulmans».
Pour Michel Tubiana, de la Ligue des droits de l'homme (LDH), comme pour Pierre Tournemire, secrétaire général adjoint de la Ligue de l'enseignement, «la loi renforcera les dérives communautaires». D'autant que les écoles privées sous contrat ne sont pas concernées par la loi, ce qui «pourrait favoriser le développement d'écoles confessionnelles».
Les Verts d'Ile-de-France prennent également leurs distances avec les organisateurs des protestations et ont décidé d'exclure de leurs rangs Ginette Skandrani, très liée à l'éditeur révisionniste Monder Sfar, qui, le 21 décembre dernier, agitait le drapeau du parti écolo au milieu des jeunes filles voilées. Déjà suspendue, elle devrait être exclue mardi pour antisémitisme.
Mal à l'aise devant une manifestation de religieux, les partis de gauche ainsi que des associations et syndicats (Mrap, FSU, FCPE, etc.) ont tenté au cours d'une réunion, mercredi soir, d'organiser leur propre contestation. Mais les conditions n'étaient pas réunies pour une «mobilisation massive». «Le débat divise les gens de gauche, il ne fait pas l'unanimité, y compris au sein du Mrap», estime Mouloud Alounit, du Mrap.
A la FSU (principale fédération syndicale dans l'éducation), les positions, un temps floues, semblent se clarifier : «Nous sommes opposés aux signes religieux à l'école. Mais nous estimons toujours que la loi ne résoudra rien.»
Pour manifester son opposition, le syndicat, qui sera consulté le 15 janvier lors de la réunion du Conseil supérieur de l'éducation, devrait refuser de voter en faveur de la loi. Les autres syndicats enseignants se réunissent en début de semaine prochaine pour arrêter leur position et pourraient également choisir l'abstention ou le refus de vote.
Pendant ce temps, les associations de musulmans pratiquants mobilisent, indifférentes aux appels du Conseil français du culte musulman (CFCM) qui déconseille les manifestations. Un avis d'autant moins suivi que le CFCM semble au bord de l'implosion. D'un côté, son président, Dalil Boubakeur, appelle à l'apaisement, tandis que Fouad Alaoui, secrétaire général de l'UOIF, encourage au contraire à protester publiquement. Dans une réunion, dimanche 4 janvier à la porte de la chapelle, le conseil régional du culte musulman d'Ile-de-France a réuni une soixantaine d'associations qui ont unanimement dénoncé le projet de loi contre la laïcité.
Selon le site musulman Saphirnet, le vice-président du CFCM, Fouad Alaoui, aurait encouragé les musulmans à frapper à la porte des parlementaires en déclarant : «Vous avez votre avenir politique entre vos mains, cela dépend du vote que vous allez faire. Votez en faveur de la loi et vous n'aurez pas ma voix électorale.» Avant de conclure : «L'avenir des musulmans de France dépendra de notre force de mobilisation.»