Lyon : "A gauche autrement"

Message par pelon » 24 Déc 2003, 09:05

a écrit :
LES GRANDES GUEULES (74) 

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Entretien avec Gérard Chomarat, galeriste
Pour la galerie
Galeriste engagé, Gérard Chomarat expose et vend des toiles en face de l’Institut Lumière. Farouchement attaché à son 8e arrondissement, qu’il a défendu contre les pelleteuses de Pradel, il s’y est présenté aux dernières municipales comme tête de liste d’À gauche autrement.


Lyon Capitale : Êtes-vous une grande gueule ?
Gérard Chomarat : Le terme est caricatural. Je pense être un homme de conviction et un électron libre.
À 25 ans, vous vous êtes opposé à Pradel qui voulait détruire le bâtiment devenu l’Institut Lumière. Comment cela s’est-il passé ?
De manière physique. Il a renoncé mais il a quand même rasé la maison d’Auguste Lumière pour faire un immeuble épouvantable, qui casse l’unité architecturale de la place.
Quel bilan faites-vous de l’Institut Lumière, l’année de ses 20 ans ?
Il s’est bien ouvert aux VIP Lyonnais. On nous a mis de beaux sièges, à 3 000 francs pièce. Ça fonctionne en circuit fermé. Thierry Frémaux fait un gros boulot, mais il a un outil qui devrait devenir une référence internationale. C’était au départ une fondation, c’est devenu un institut et c’est de plus en plus un musée. Quand est-ce que ça deviendra un vrai lieu de mémoire du cinéma et de dynamique de création ? On pourrait en faire cet outil qu’Aillagon veut à Paris. On pourrait aussi faire un festival du premier film. On joue toujours petits bras, plutôt que de réfléchir à ce que pourrait être Lyon “capitale du cinéma”. Mais l’Institut fait aussi des choses très bien. L’exposition des peintures de Pialat, par exemple.
Vous tenez une galerie d’art contemporain, en face de l’Institut Lumière. Que pensez-vous de la Biennale ?
C’est paradoxal. On se demande si Lyon accepte l’art de son temps. La Biennale française a lieu à Lyon, mais elle n’a pas la “résonance” qu’elle mérite. Je lui reproche son côté ludique, qui manque de fond, de puissance, de prégnance. C’est une resucée de ce qu’on a vu et revu depuis une dizaine d’années. Il n’y a pas d’innovation. Le ludique bouffe le contenu.
Vous employez le terme “résonance”, le nom donné au parcours de galeries en parallèle de la Biennale. N’est-ce pas une démarche intéressante ?
C’est la mairie qui a demandé à la BAC de le faire. Mais après le lancement, on n’en a plus entendu parler. C’est un soufflé qui a fait “pschiiiiiit”… Il y a eu une volonté politique, mais c’est resté administratif, ça n’a pas été porté par la Biennale. C’est d’autant plus dommage que les galeries sont dans une situation très difficile. Rue Auguste-Comte, énormément d’antiquaires et de galeries d’art vendent (leur fonds) à des marchands de fringues. Lyon reste une ville de passage pour les artistes. Ils sont émerveillés. Mais on vit sur notre patrimoine, on le bouffe, on n’en crée pas de nouveau. Lyon a pourtant les atouts pour devenir une capitale européenne de l’art contemporain.
Sentez-vous aussi un certain “mépris” du musée d’Art contemporain vis-à-vis des galeries ?
Avant “Résonances”, on était ignoré depuis dix ans par Raspail et Pratt. En France, on peut très bien passer à côté du Picasso du siècle, parce que dans les biennales, on revoit toujours les mêmes : Buren, Boltanski, Annette Messager, Pierrick Sorin, Bertrand Lavier…
Comment faire de Lyon une ville d’art contemporain ?
On pourrait faire un symposium de sculptures monumentales à chaque biennale, qui serait le cordon ombilical pédestre, le long des berges, entre chacun des sites d’exposition. Comme à Chicago, c’est superbe ! Le bouquet de fleurs à Bellecour est un bon point de départ. Mais en plus de créer, il faut aussi entretenir. Les lieux qu’on réaménage sont laissés à l’abandon. La place Ambroise-Courtois (8e) est une des plus belles de Lyon. Mais le terre-plein où on diffuse des films en plein air est défoncé, on se croirait à Sarajevo. Les planches à roulettes ont tout ravagé. Quand ils remplacent un banc ou un lampadaire, ils mettent du moderne. Les vieilles toilettes sont remplacées par du Decaux. La place perd son cachet. Comme, en plus, elle est coincée entre deux McDo, on est envahi de papiers gras… C’est l’horreur, ça dépasse l’entendement.
Aux dernières municipales, vous étiez tête de liste d’une liste À gauche autrement dans le 8e. Comptez-vous repartir avec eux, s’ils font une liste aux régionales ?
Je l’ai fait pour booster la liste de gauche plurielle qui a pris la mairie. Mais j’ai vite compris la manipulation de la LCR. J’ai eu le sentiment que tout ce qu’on faisait, c’était pour foutre en l’air Jospin. C’est flagrant depuis leur alliance avec Lutte Ouvrière. Il s’agit de confisquer une partie de l’électorat pour arriver à ce qu’on a déjà eu en avril 2002, l’élimination du PS. Je m’intéresse toujours aux altermondialistes. Ils ont une dimension universelle, comme l’art contemporain. Les altermondialistes posent de bonnes questions, mais apportent de mauvaises réponses.

C’est ce qu’avait dit Laurent Fabius à propos du FN…
Je ne ferai pas de comparaison avec le FN. Mais il y a dans le mouvement altermondialiste des effets pervers et des manipulations terribles. L’invitation de Tariq Ramadan au Forum social est symptomatique d’une fermeture de ce mouvement, sous prétexte d’ouverture. Il ne manque pas de penseurs musulmans profondément démocrates qui ne demandent qu’à être invités !
Comment vous définissez-vous politiquement ?
Progressiste, laïc, un libre-penseur qui ne se sent pas bien dans ses baskets. Actuellement, si on n’est pas dans une église quelconque, on est les parents pauvres de la pensée. Sarkozy a dit aux frères musulmans de l’UEJM que ce qui les rejoint, c’est la pensée envers un Dieu unique. Les athées redeviennent des mécréants.
Êtes-vous pour une loi sur le voile ?
C’est terrible, mais oui. Il n’y a pas d’autres solutions que de radicaliser notre propos face à la montée des intégrismes. Je pensais que la République avait les ressources, notamment par son corps enseignant, de réagir par la pédagogie. Il faut remplacer le désengagement des citoyens pour la chose publique par la loi.
Que pensez-vous de Gérard Collomb ?
J’ai de l’estime pour cet homme. Il faut qu’il sorte des pesanteurs administratives. Il a eu un retard à l’allumage en faisant de la sécurité l’ABC de sa politique. On devrait l’entendre sur d’autres sujets, comme les questions sociales, le voile… Il doit revenir aux fondamentaux de son engagement, la justice sociale, et avoir une lisibilité urbanistique de sa ville. Herriot avait une logique avec Tony Garnier. Michel Noir aussi, avec les lumières et les “pocket gardens”. S’il y a une volonté de Collomb dans le domaine, on ne la sent pas. On crève à Lyon de l’immobilier anarchique. Le 8e est devenu spéculatif, sur le moindre terrain pousse des 4 ou 8 étages sans cohérence.
Que vous inspire l’arrivée de Perben ?
Lui et Sarko, c’est la répression tous azimuts, les magistrats au garde à vous. S’il est élu, on aura du mal à le faire repartir. C’est la vieille droite lyonnaise qui revient en force et malheureusement elle est soutenue par Michel Noir. Noir, pour moi, c’est un homme d’ouverture. En soutenant Perben, il perd toute crédibilité.
Que feriez-vous au Confluent ?
Une boutade : y transférer la mairie, pour que l’administration intègre la modernité. Ils ont des bureaux plus petits que ceux de Lyon Cap’ ! Et les dorures, c’est bien à regarder, pas pour y travailler. Quand la République singe la royauté, c’est épouvantable.
Des héros ?
À Lyon ? Une foultitude. Les époux Aubrac. Albert Agostino, cette plume rabelaisienne et pertinente qui nous manque depuis que son clairon est en stand-by. François-Xavier Verschave, qui décrit les magouilles de Chirac sur la Françafrique. Si Jospin avait lu ses livres, peut-être qu’il serait élu !
Des zéros ?
Millon, c’est un peu facile.
Un mot qui vous énerve ?
Consensuel. Souvent plus con que sensuel.
Décrivez en quelques mots les adjoints à la Culture que vous avez connus ?
André Mure (de 1977 à 1989) restera pour son “Octobre des arts”. Jacques Oudot (de 1989 à 1995), c’était Malraux sans la pertinence. Denis Trouxe (de 1995 à 2001), un homme de dialogue et d’ouverture qui aime les peintres et la peinture. Béghain (de 2001 à ?), il faut qu’il ait plus de courage. Il a fait l’erreur de ne pas garder Joëlle Moliera, une femme extra, qui faisait l’interface avec le terrain. Daclin s’est d’ailleurs empressé de la récupérer.
Un dernier coup de gueule ?
La fin du musée Guimet. Il faut garder ce parcours animalier naturalisé, essentiel pour la pédagogie des enfants.

Propos recueillis par Philippe Chaslot et Raphaël Ruffier



pelon
 
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