CITATION
Forum social européen
Le PS, meilleur ennemi des alters
Bousculade, désormais quasi rituelle, à la Villette, lors de la venue du représentant socialiste.
Par Paul QUINIO
vendredi 14 novembre 2003
17 heures précises hier, le service de sécurité et les policiers déplient des barrières en travers du parvis de la Cité des sciences, à Paris-La Villette. 17 heures, c'est l'heure du rendez-vous de «la manifestation contre la présence du Parti socialiste au Forum social européen». «Présence» qui a pour nom Kader Arif, secrétaire national du PS chargé de la mondialisation, invité à participer à la réunion plénière sur «les mouvements sociaux ou citoyens et les partis politiques». Il s'agissait du premier des deux débats du FSE où les formations politiques sont officiellement invitées à s'exprimer. «Nous ne laisserons pas s'organiser cette grossière tentative de récupération. Nous manifesterons pour empêcher sa tenue comme nous l'avons fait à Evian», prévenait l'appel à manifester diffusé sur Internet, en référence aux incidents qui avaient empêché la tenue d'une réunion des socialistes lors du dernier G8. La convocation au rassemblement se terminait ainsi : «Le PS ne doit plus jamais remettre les pieds dans le mouvement social.»
«Fossé». Dix minutes avant le début des débats, prévu à 18 heures, Kader Arif arrive. Il est bien escorté. La salle est pleine. A la tribune, outre le représentant du PS, une dizaine d'orateurs, parmi lesquels l'ex-candidat des Verts à la présidentielle de 2002, Noël Mamère, l'Italien Fausto Bertinotti, leader de Rifondazione communista, un membre du Socialist Workers Party anglais ou une représentante d'Attac-Suède. L'orateur anglais parle du «fossé» qui sépare les mouvements sociaux des formations politiques. Il évoque l'espoir que constitue pour lui, en France, l'accord électoral survenu entre la Ligue communiste révolutionnaire et Lutte ouvrière.
A 18 h 30, bousculade à l'entrée principale de la Cité des sciences. Les esprits s'échauffent pendant deux ou trois minutes. Une bombe lacrymogène est lâchée. Entre vingt et cinquante perturbateurs tentent de forcer le passage. Le calme revient rapidement. Mais la sécurité refuse de rouvrir les portes. Motif officiel : plus de place à l'intérieur. Des militants de Rifondazione se trouvent rejetés dehors. A l'intérieur, le leader italien entame son exposé sur «la crise de la démocratie» qui menace le XXIe siècle. «La démocratie ne s'accorde pas avec le néolibéralisme», explique-t-il, en brocardant «les partis historiquement considérés comme de gauche qui ont abandonné l'idée d'alternative». Il élève «le mouvement des mouvements» au rang de deuxième puissance de la planète, face aux Etats-Unis. «Nous devons tous avoir plus de courage», conclut-il.
Aussitôt, depuis la salle, une militante italienne prend la parole pour dénoncer la situation à l'entrée de la Cité des sciences. La responsable de la sécurité, badge FSU sur la poitrine, s'excuse de la trop faible capacité de la salle et du mauvais accueil réservé aux Italiens. Parle d'une sécurité (officielle) «trop raide». Remue-ménage dans la salle. De nombreux Italiens s'en vont, par solidarité avec leurs camarades privés de débats. Avec l'idée, «démocratique», de leur laisser la place. Flottements. L'oratrice suivante enchaîne en dénonçant «le monopole des partis politiques», dont les mouvements sociaux devraient être «les égaux».
«Démagogie». Arrive le tour de Kader Arif. Le responsable du PS prévient «qu'autocritique ne signifie pas démagogie». Il évoque «les doutes, les failles» d'un monde politique qui «commence lui aussi à chercher des solutions». Son patron, François Hollande, était allé en chercher le matin sur un autre site du FSE, celui d'Ivry-sur-Seine auprès... des jeunes socialistes européens. En toute discrétion. Par crainte d'incidents.
© Libération
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