Tariq Ramadan,

Message par Louis » 06 Nov 2003, 17:30

, par Thierry Jonquet
LE MONDE | 06.11.03 | 14h20 • MIS A JOUR LE 06.11.03 | 16h07
Ainsi donc, la question est réglée : M. Ramadan et ses amis sont officiellement invités à venir "débattre" lors du Forum social européen. M. Ramadan vient de réussir un joli coup double. D'une part, son article a été soumis à de longues exégèses afin de déterminer si son contenu était, oui ou non, antisémite - ce qui, nonobstant les réponses des uns ou des autres, ne peut que le réjouir puisque, précisément, "on en discute". D'autre part, et surtout, il est parvenu dans la foulée à se faire décerner une sorte de brevet de respectabilité par divers responsables, diverses organisations parties prenantes du Forum, parmi lesquelles les Verts et... la LCR !

Je ne peux m'empêcher de penser à Le Pen parcourant tous les articles consacrés à l'affaire Ramadan. Quelle jubilation doit-il éprouver ! Le terrain, totalement pourri, sur lequel se poursuit ce prétendu débat est en effet le sien !

Reportons-nous quelques années en arrière, du temps de "Durafour crématoire", et mesurons le chemin parcouru. Quand Le Pen osait évoquer le patronyme de certains journalistes, Levaï, Kahn, Sinclair, etc., et se contentait de pointer qu'il y avait de nombreuses personnes "d'origine juive" travaillant dans la presse, de même qu'on pouvait compter de nombreux Corses dans l'administration des douanes (sic), le tollé était général. Personne ne s'y laissait prendre. Aujourd'hui, M. Ramadan épingle en vrac Kouchner, Adler, Finkielkraut, Glucksmann, Bernard-Henri Lévy, embrouille sciemment leurs positions respectives à propos de différents conflits - Israël, Irak, Tchétchénie -, y ajoute une pincée de Taguieff parce qu'il n'a pas bien vérifié et que la consonance du nom lui paraît suspecte. Il les somme, en tant qu'intellectuels juifs, de se démarquer de la politique de l'Etat d'Israël. Non pas en tant qu'intellectuels, mais en tant que juifs. Et cela provoque un "débat" au lieu de la réprobation unanime, immédiate, que l'on pouvait espérer.

M. Ramadan, spécialiste du double discours, surfe sur une vague plus que nauséabonde. Depuis des mois, insidieusement, le conflit israélo-palestinien s'est pour ainsi dire invité en France. Nombre de Beurs de nos cités s'identifient aux Palestiniens et ne demandent qu'à casser du "feuj". Qui peut sérieusement nier qu'une nouvelle forme d'antisémitisme est réapparue en France, antisémitisme qui n'a historiquement rien de commun avec celui de l'extrême droite, mais qui n'aura rien à lui envier en virulence si on le laisse se développer ? Qui peut sérieusement nier que, lors de manifestations organisées par la gauche et l'extrême gauche, on a récemment entendu des slogans plus que bizarres : "Mort aux juifs !", "Djihad ! djihad !"? Qui peut nier les bavures survenues lors de ces manifestations ? Ou que des extrémistes sionistes ou prétendus tels se soient rendus responsables du même type de bavures ? Il est de la responsabilité des démocrates de tout faire pour empêcher la machine infernale de se mettre à tourner à plein régime et de provoquer de sérieux dégâts.

M. Ramadan s'emploie au contraire à souffler sur ces braises qui ne demandent qu'à s'enflammer. Et le problème, c'est qu'il a trouvé des complices. Des compagnons de route, pour appeler à la rescousse un vocabulaire d'un autre temps. Quels que soient les compagnons, la route est toujours la même. Coupables de simple naïveté, peut-on espérer. Soit. Mais qu'ils se reprennent, et vite.

Un des arguments les plus désolants que l'on ait entendus pour justifier la présence de M. Ramadan au FSE, c'est que sa mouvance draine de nombreux jeunes d'origine maghrébine issus des banlieues et qui trouvent dans son discours, ses prêches, un moyen de se politiser peu ou prou, au lieu de rester aux marges... En d'autres termes : peu importe qui les représente, qui parle en leur nom, pourvu que les salles se remplissent. D'autres jeunes, issus de quartiers tout aussi défavorisés, tout aussi paupérisés, mais "Français de souche", se reconnaissent, eux, dans le discours du FN. Doit-on accepter la même démarche bienveillante à leur égard ? Doit-on faire preuve de la même compréhension ? Le Front national d'un côté, la mouvance islamiste de l'autre : la tenaille est en train de se refermer...

Le problème, disais-je, c'est que M. Ramadan a trouvé des complices. Et, parmi eux, la LCR. Qui s'est bien gardée d'aborder franchement le problème dans sa presse. Cette formation, désormais créditée de 10 % des suffrages à la suite de son accord électoral avec LO, est tenue de rendre des comptes dans la triste affaire Ramadan. On sent comme une gène, c'est le moins qu'on puisse dire. Son hebdomadaire, Rouge, s'est contenté de publier une tribune de Dominique Vidal, lequel n'est pas membre de la LCR, mais exonère M. Ramadan de ses débordements antisémites en faisant passer pour une "maladresse insigne la référence à la judéité de ces intellectuels" : un simple problème de formulation, à l'en croire. Rien d'autre, si ce n'est une déclaration orale d'Olivier Besancenot, affirmant une bonne fois pour toutes que les "propos de Ramadan ne relèvent pas de l'antisémitisme" et que sa participation au FSE "n'est pas illégitime".

La LCR n'en est pas, hélas, à sa première expérience de complicité "objective", comme on dit dans le jargon trotskiste, avec la mouvance islamiste. La LCR, j'y ai milité pendant près de vingt ans. De 1972 au début de la guerre du Golfe. Et j'en ai démissionné à cette occasion.

Plus de dix ans se sont écoulés. Les islamistes, qui, à l'époque, nous paraissaient bien lointains, pour ne pas dire exotiques, ont désormais acquis droit de cité... dans nos cités. Salafistes, membres de différentes sectes inspirées par le wahhabisme pour la version hard, prose plus lissée de M. Ramadan pour la version soft, ils n'en finissent plus de distiller leur message antirépublicain, antilaïque. Ils marquent des points. Imposant ici le port du foulard, là des horaires séparés pour les femmes dans les piscines. Ailleurs encore, sous leur injonction, il faut tolérer que les cours en fac marquent la pause à l'heure de la prière, qu'une jeune fille puisse refuser lors d'un examen d'être interrogée par un prof masculin, etc., etc.

Il incombe à chacun de prendre ses responsabilités ou, au contraire, d'enfouir sa tête dans le sable, à l'instar de l'autruche. A mes ex-amis de la LCR, je rappellerai le vieil adage : quand on veut dîner avec le diable, mieux vaut avoir une longue cuiller. J'ajouterai qu'à participer à de telles agapes on finit toujours par constater que la soupe a un goût infect.

Thierry Jonquet est romancier
Louis
 
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Message par pelon » 06 Nov 2003, 17:40

Dis donc, encore un ex-militant d'EG qui a sacrément mal vieilli. Non de dieu, rojo, il faut que je méfie, militer à l'EG a l'air d'accélerer le vieillissement.
-Ah ! seulement si on en sort. Merci Rojo, tu me rassures.
pelon
 
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