Krivine : plumons la volaille !

[ianovka]

CITATION
Nouvel Observateur - Semaine du jeudi 6 novembre 2003 - n°2035

Les dessous de l’alliance LCR-LO

Krivine : plumons la volaille!

Est-ce une alliance anticapitaliste... ou antisocialiste? En organisant le pacs Laguiller-Besancenot, le chef historique de la Ligue communiste rêve de détruire le PS pour construire son grand parti de la radicalité. Vieille et dangereuse tactique...


«Arlette et le postier». Voilà un titre de sitcom qui pourrait tourner au film d’horreur politique. Son scénariste s’appelle Alain Krivine, le toujours chef de la Ligue communiste révolutionnaire, qui résumait ainsi l’accord électoral entre sa formation et Lutte ouvrière. Arlette et Besancenot, le couple qui dit non! Une si belle image: la radicalité expliquée aux enfants de la télé! Quand les vétérans de la révolution délaissent l’argumentaire pour jouer aux spin doctors, on peut sourire. Ce que fait Arlette justement: la camarade Laguiller a gagné sur l’essentiel. Elle a récupéré ses cousins du trotskisme, elle les a éloignés de leurs divagations altermondialistes pour les ramener à la réalité des urnes et du bolchevisme. Alors elle peut les laisser jouer aux marionnettes: «A Lutte ouvrière, on veut donner aux classes populaires la possibilité de défendre leurs idées. "Arlette et le postier", ce n’est pas notre vocabulaire. Mais la Ligue a sa manière de s’exprimer. Vous savez bien qu’on est différents!»
On le sait bien, en effet. Les observateurs, la presse, les politiques, les liguards eux-mêmes l’ont suffisamment expliqué. LO, groupe bolchevique pur et dur, arc-bouté sur ses cellules d’entreprise, ses membres formés comme autant de moines-soldats. La LCR, ses militants syndicaux, associatifs, culturels, ouverts sur la société, dans les salles de profs, à la Gay Pride, au Larzac, soutiers de l’altermondialisme, à la pointe du combat contre le fascisme... Il y a trois ans, quand la LCR tendait sa sébile au PS pour obtenir des parrainages à la candidature Besancenot, elle expliquait qu’il serait judicieux de faire grimper le gentil facteur pour affaiblir la méchante Arlette. «Nous, on ne confondra pas la droite et la gauche.» Les socialistes ont marché. Erreur! Ils ont aidé à l’accouchement d’un monstre: Besancenot, charmant et contemporain, est convaincu qu’il faut abattre le PS pour que vive la vraie gauche! Et ce combat est si important qu’il efface toutes les différences entre la douce LCR et la rude LO!


Arlette et le postier? C’est la version «plan com» du vieux combat des bolcheviques contre la social-démocratie, cette engeance traîtresse par nature, et heureusement affaiblie. La ligne politique de la Ligue, exprimée à son congrès, est limpide: casser le PS. Le frapper là où les coups porteront. En refusant de se désister pour les socialistes, les trotskistes peuvent parachever le 21 avril. Faire perdre à la gauche le Nord-Pas-de-Calais ou le Midi-Pyrénées. Démoraliser pour le compte des socialistes déjà fragiles. Et installer une fracture pérenne entre les deux gauches. Krivine a beau jeu de rappeler aux socialistes qu’ils sont les premiers auteurs de leur tragédie: «C’est au PS de mériter ses voix!» Et il est convaincu, bien sûr, qu’il ne les méritera pas! Les liguards parient sur un rejet profond des socialistes dans le peuple de gauche. «On sent à quel point le PS va mal, ses réunions de sections sont mornes, dit le dirigeant de la Ligue François Sabado. Et la mise sur orbite de Fabius nous aide, puisqu’elle les installe dans le social-libéralisme.»
Sabado est un homme-clé de la période, coauteur du dernier livre de Besancenot, «Révolution» (Flammarion), et inspirateur de la stratégie de la LCR. Un trotskiste classique, peu porté au vent vivifiant de l’altermondialisation, de ses rites et de ses naïvetés. «Quand les révolutionnaires indochinois voulaient convertir au marxisme les tribus Hmong, ils adoptaient leurs coutumes et allaient jusqu’à se limer les dents, comme eux, pour être acceptés, raconte-t-il. Alors, aller camper dans des villages alternatifs et autogérés, pourquoi pas?»
Sabado a de l’humour et revendique une vision globale et cohérente. Au Brésil, les trotskistes embringués dans le Parti des Travailleurs se retrouvent associés aux compromis de Lula, à sa réforme des retraites. En Italie, ils n’ont pas réussi à conquérir le parti d’extrême-gauche Rifondazione. Décidément, les alliances avec les réformistes ne paient pas. En France? Tout part à vau-l’eau. Désintérêt pour la politique, reprise du chômage, échec de Raffarin, politiques libérales dures, mécontentements convergents. Le vieux système est moribond? Achevons-le! «Face à Le Pen, pour reconquérir son électorat ouvrier, on ne peut pas laisser croire que nous sommes partie prenante du système, que nous sommes comme les autres, résume Krivine. Se désister, voler au secours de la gauche plurielle, c’est compromettre notre crédibilité.» Donc jouer avec Arlette, l’icône du refus. Ne pas céder au «chantage du moindre mal», laisser mourir les socialistes. Taper sur la fausse gauche, comme Le Pen tapait sur la fausse droite. L’installation du FN dans le paysage politique est devenu un modèle pour les révolutionnaires.
Julien Dray, porte-parole du PS, jadis militant de la Ligue, est outré. Ses ex-camarades, explique-t-il, reproduisent le crime politique des années 1930: «Au temps de la montée du nazisme, les communistes allemands, sur ordre de Staline, concentraient leurs coups sur la seule social-démocratie!» La comparaison est outrancière? Bien sûr. La charge révèle aussi le malaise de Dray face à la passivité de son propre parti. Mais la formule a fait mouche. Christophe Aguiton, militant de la Ligue et animateur incontournable des réseaux altermondialistes, a adjuré ses amis de résister au sectarisme. Le journaliste Christian Picquet, chef de l’opposition interne, a mis en garde contre la rupture avec la tradition française de l’union des gauches. Picquet, lui, prétend combattre le social-libéralisme à l’intérieur de la gauche. Dans son livre «la République dans la tourmente» (Syllepse), il se réclame de l’idéologie républicaine et sociale. Mais les républicains sociaux n’ont pas gagné. A son congrès, la LCR est entrée en populisme électoral. Après? On verra. Le congrès a lancé un appel à la constitution d’un nouveau parti «anticapitaliste», traduction politique de l’altermondialisation. Précisément ce dont Lutte ouvrière ne veut pas. Dans quelques jours – le temps du Forum social européen de Saint-Denis, que LO boudera –, l’hebdomadaire «Rouge» deviendra un quotidien. Mais qu’importe la cohérence?
La Ligue prétend mener deux politiques à la fois. Rester ouverte mais faire masse électoralement avec LO. S’appuyer sur les élections pour s’imposer aux altermondialistes. Mais retourner vers les «alters» quand on n’aura plus besoin de Lutte ouvrière. Etre double. Duplice. Bolcheviques avec Arlette, mouvementistes au Larzac. Monter des coups, manœuvrer tout le monde sans même s’en cacher. Après tout, Arlette méprise tant l’altermondialisation qu’elle ne reprochera pas à Krivine de s’y promener. Et les altermondialistes détestent tant la politique, cette chose sale, qu’ils ne tiendront pas rigueur à Besancenot de cette passade obligée avec LO. Du pur jeu tacticien!
Le paradoxe est réjouissant. C’est au moment où la Ligue se dresse contre le «système» qu’elle en adopte les mœurs. Le week-end dernier, elle s’est offert un congrès comme elle n’en avait jamais eu. Débats publics. Couverture médiatique grisante, la une du «Monde», celle de «Libération»! Sondages prometteurs – 31% de Français éventuellement tentés par l’extrême-gauche selon l’Ifop et le «Journal du dimanche»! La Ligue a joué dans la cour des grands. Elle leur a même emprunté quelques mauvaises habitudes. Ses dirigeants s’interpellent dans les journaux par-dessus la tête des militants. Ils étouffent les clivages profonds de l’organisation: ainsi le débat sur l’islamisme et la laïcité, qui déchire l’organisation (voir encadré), a été occulté dans un congrès consacré à la cuisine électorale. Ils offrent à un système médiatique complaisant quelques réformes cosmétiques – l’abandon de la référence à une «dictature du prolétariat» – et des slogans sans contenu qui confondent habileté et cynisme.
Lutte ouvrière n’est pas dupe, qui s’apprête à verrouiller un peu plus l’accord électoral. «Le principe, c’est qu’on se maintient là où on fait 10%, dit Arlette Laguiller, et qu’on appelle à voter à gauche seulement si le FN risque d’emporter une région. Maintenant, imaginez qu’en Paca la gauche plurielle, la droite et Le Pen soient au coude à coude au second tour. On ne va pas être les seuls à s’effacer, tout de même!» Dans le couple Arlette et le facteur, la doyenne a le mérite de la cohérence. Son parti n’a jamais varié dans son refus de faire le tri entre la droite et l’extrême-droite. Et elle, au moins, a pris l’habitude de la célébrité, quand les partenaires de la Ligue ont des vertiges de nouveaux riches.
Camarade Krivine saisi par la débauche? Il s’en défendra. Il brandira toute une vie de militant. Mais cet écart grandissant entre l’imbrication dans le système et la radicalité du discours, cette distorsion entre les petits arrangements avec soi-même, l’espace d’un congrès, l’évitement des sujets qui dérangent, l’obsession manœuvrière – et l’affirmation péremptoire de sa pureté... Tout ceci, ailleurs, jadis, portait un nom: le mollettisme. Mais évidemment, camarades, il n’y a aucun rapport.

Claude Askolovitch[/quote]

[emman]

Finalement c'est pas une mauvaise idee cet accord, pendant que les anciens amis de la LCR deverseront leur bile sur elle, nous on aura peut-etre un peu de repos... :hinhin:

En tout cas la presse socialiste se dechaine... En effet, c'est peut-etre bon signe... :dry:

[Barikad]

CITATION (emman @ jeudi 6 novembre 2003, 18:50)Finalement c'est pas une mauvaise idee cet accord, pendant que les anciens amis de la LCR deverseront leur bile sur elle, nous on aura peut-etre un peu de repos... :hinhin:

En tout cas la presse socialiste se dechaine... En effet, c'est peut-etre bon signe... :dry: [/quote]
pour tous ceux qui pensaient qu'on "soufflait" leurs articles à certains journaleux ....

[zejarda]

CITATION pour tous ceux qui pensaient qu'on "soufflait" leurs articles à certains journaleux ....[/quote]
Ouai, mais ça c'était avant. Avant de peut être s'allier avec les "méchant" de LO.
Bienvenue au club

D'aiileur, il ne reste plus qu'aux directions de LO-LCR de finaliser l'accord, et il ne reste plus qu'aux militants de LO de dire oui a l'accord. Ce qu'oublie un peu vite les journalistes.

[emman]

CITATION (Barikad @ jeudi 6 novembre 2003, 21:56)CITATION (emman @ jeudi  6 novembre 2003, 18:50)Finalement c'est pas une mauvaise idee cet accord, pendant que les anciens amis de la LCR deverseront leur bile sur elle, nous on aura peut-etre un peu de repos... :hinhin:

En tout cas la presse socialiste se dechaine... En effet, c'est peut-etre bon signe... :dry: [/quote]
pour tous ceux qui pensaient qu'on "soufflait" leurs articles à certains journaleux ....[/quote]
Ben quand meme, y aurait pas quelques militants de la LCR pour leur servir de caution quand ils parlent de LO, ils seraient bien embetes les journalistes. Tu remarqueras qu'ils agrementent rarement leurs articles sur la LCR de citation de dirigeants de LO allant dans leur sens, l'inverse est beaucoup moins vrai.

Dans cet article :
«A Lutte ouvrière, on veut donner aux classes populaires la possibilité de défendre leurs idées. "Arlette et le postier", ce n’est pas notre vocabulaire. Mais la Ligue a sa manière de s’exprimer. Vous savez bien qu’on est différents!»

[Louis]

CITATION Tu remarqueras qu'ils agrementent rarement leurs articles sur la LCR de citation de dirigeants de LO allant dans leur sens, l'inverse est beaucoup moins vrai.[/quote]

Ca doit etre pour ça que le congrés de lo se déroulera en huis clo : pour empécher les fuites, toujours possibles !

CITATION Ouai, mais ça c'était avant. Avant de peut être s'allier avec les "méchant" de LO.
Bienvenue au club  [/quote]

C'est pas tellement ca que vraiment embéter le ps et les réformistes, et krivine l'a toujours dit : quand on troublera sérieusement le ron ron, on se fera sérieusement étriper Mais c'est pas sur que ça marche...


CITATION il ne reste plus qu'aux militants de LO de dire oui a l'accord. Ce qu'oublie un peu vite les journalistes. [/quote]

Ben pas nous Personnelement, je pense que l'accord est loin d'etre signé !

[ianovka]

CITATION (LouisChristianRené @ vendredi 7 novembre 2003, 16:35)Personnelement, je pense que l'accord est loin d'etre signé ![/quote]
Concernant LO c'est pas l'impression que j'ai *. Mais bon, ce n'est pour l'instant qu'une impression. On verra ça dans un mois.

* faut dire aussi que je ne fréquente pas Rojo, sinon je ne dirais peut-être pas ça. :hinhin:

[com_71]

CITATION (LouisChristianRené @ vendredi 7 novembre 2003, 16:35)
Ca doit etre pour ça que le congrés de lo se déroulera à huis-clos : pour empêcher les fuites, toujours possibles !

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Le congrès de la LCR comprenait une partie à huis-clos en plus de son université d'hiver (la partie publique).

LO n'étant pas très chaud pour les universités d'hiver comme d'été devra se contenter d'un congrès.

[Louis]

CITATION (ianovka @ vendredi 7 novembre 2003, 16:38)CITATION (LouisChristianRené @ vendredi 7 novembre 2003, 16:35)Personnelement, je pense que l'accord est loin d'etre signé ![/quote]
Concernant LO c'est pas l'impression que j'ai *. Mais bon, ce n'est pour l'instant qu'une impression. On verra ça dans un mois.

* faut dire aussi que je ne fréquente pas Rojo, sinon je ne dirais peut-être pas ça.