Fabius, l'homme

[pelon]

Cet homme a du coeur. :hinhin:


CITATION
Laurent Fabius veut se montrer tel qu'il est :
«Pourquoi je cacherais que j'aime Star Ac ?»


Par Renaud DELY et Paul QUINIO
jeudi 06 novembre 2003


'il se défend de sombrer dans «l'exhibitionnisme», Laurent Fabius justifie son effeuillage par la nécessité de retrouver «le contact» avec «le peuple». Mais il admet que les «hommes politiques ne doivent pas être asservis» par la communication. Interview.

Qu'est-ce qui «commence par une balade», votre campagne présidentielle ?

C'est le titre de mon livre, pas celui d'une campagne. Comme beaucoup, le 21 avril 2002 m'a frappé au plexus. Je me suis dit qu'il fallait retourner à la source, c'est-à-dire notre peuple. A raison de deux ou trois fois par mois, je me suis rendu dans de nombreux départements pour écouter, écouter, écouter. La matière de mon livre, ce sont les Français. Leurs inquiétudes, leurs initiatives, leurs énergies. C'est une plongée subjective, «ma» sensation de la France. Je m'exprime, je me dévoile, mais sans exhibitionnisme. J'ai vu des Français déboussolés, parfois malheureux, mais je n'ai pas vu un pays en déclin. J'essaye de le décrire, sous la forme d'un journal qui mêle les petites choses aux grandes.

Des «petites choses» qui illustrent votre besoin d'être aimé des Français ?

Y compris en politique, on n'échappe pas facilement aux clichés. Dans mon cas, le cliché tient sans doute aux fonctions que j'ai exercées très tôt, peut être aussi à mon attitude passée. Je suis ramené à une sorte de portrait-robot, quelqu'un de très compétent mais d'assez distant. J'ai envie de me montrer tel que je suis vraiment : c'est peut-être cela qui est nouveau et qui surprend. Avec le temps, j'ai mûri. On demeure soi-même, mais on change aussi.

Vous adorez donc la moto, les carottes râpées et Star Academy : vous n'en faites pas trop pour montrer que vous avez changé ?

Aurais-je dû préciser : «Attention, clin d'oeil» ? Les carottes râpées toutes préparées ou le court chapitre que je consacre à ce sujet décisif qu'est ma calvitie sont des clins d'oeil. Je ne vois pas pourquoi, non plus, je cacherais que j'aime bien Star Academy. La moitié de mes copains me disent : «Arrête tes balivernes, tu ne peux pas aimer cette émission !» L'autre moitié est embarrassée... La réalité est plus simple : j'apprécie, je crois ne pas être tout à fait le seul, et je le dis. Ce qui ne m'empêche pas de goûter aussi la poésie et la peinture.

Vous allez jusqu'à évoquer votre séparation avec votre épouse. Aujourd'hui, un responsable politique est obligé de lever le voile sur sa vie privée pour essayer d'intéresser ?

Non. Si j'évoque mes enfants dans un court chapitre, je ne m'étends pas sur ma séparation parce que je n'ai pas souhaité le faire, par pudeur et par respect. Je me garderai bien d'ailleurs de donner des conseils sur ce qu'il faut dire ou ne pas dire. Chacun agit comme il le sent... Globalement, le pouvoir isole. C'est le fameux syndrome des palais officiels. Aux politiques d'écouter pour l'éviter. De ses expériences passées, la gauche doit tirer notamment une conclusion: quand elle est aux responsabilités, elle doit adopter une méthode de gouvernement et de contact permanent avec la population et avec ses représentants qui évite cette coupure.

Vous vous ralliez à la proximité chantée par Raffarin pour découvrir la «France d'en bas» ?

Je déteste cette formule de «France d'en bas» : elle est méprisante et signifie qu'on regarde la France d'en haut ! D'autant plus que, dans le cas de Jean-Pierre Raffarin, je crois cette démarche fabriquée. Se servir du thème de l'authenticité pour construire un comportement artificiel : ce n'est que de la communication !

Vous aussi, non ?

Non : je décris des rencontres, des peurs, des espoirs, des projets, une France inquiète, mais qui se bat. Celle que j'ai vue.

Et vous croyez bon de fréquenter les émissions de divertissement ?

Si on publie un livre, c'est plutôt pour qu'il soit lu. Si on vous invite, le fait qu'une émission ait du succès n'est pas un critère totalement suffisant pour refuser d'y participer. Mais cela ne m'empêchera pas de m'exprimer aussi sur France Culture. Dans chaque cas, je dirai ce que je pense, ce que je sens. Les grands moyens de communication existent, les hommes politiques doivent en tenir compte et ne pas être asservis par eux.

Si la mission de l'homme politique ne consiste plus qu'à «écouter le peuple», ne perd-il pas son utilité ?

Si le général de Gaulle avait pu commander un sondage le 17 juin 1940 pour savoir ce que les Français pensaient de la Résistance, croyez-vous que les résultats auraient été encourageants ? Il ne s'agit donc pas de caresser toujours les gens dans le sens du poil, mais, lorsqu'ils s'expriment, d'en tirer les conséquences. Dans un chapitre intitulé le Politique du XXIe siècle, j'analyse d'ailleurs en quoi l'homme ­ et la femme ­ politique doit changer. Construire une vision de long terme. Penser et agir non seulement local mais mondial. Ne plus se contenter d'une approche financière, mais examiner les aspects sociaux, écologiques, etc. Comprendre ce qui se passe ne signifie pas s'aligner systématiquement sur les courants dominants. Un responsable politique doit savoir anticiper et parfois aller contre l'opinion majoritaire.

Pour autant, après le 21 avril, la crise de la politique vous condamne-t-elle à la modestie ?

Oui, même si être individuellement modeste n'empêche pas de proposer une ambition collective. En filigrane, j'aborde des pistes sur l'éducation, l'environnement, l'Europe, l'emploi ou le logement qui, le moment venu, peuvent contribuer à nourrir un projet. Les projets doivent trouver leur humus dans ce que ressentent profondément les gens. Sinon, ils sont artificiels.



© Libération
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Ce que j'aime le mieux, c'est cela : :sygus:

CITATION
Oui, même si être individuellement modeste n'empêche pas de proposer une ambition collective[/quote]

[Louis]

Ce qu'il y a de bien chez nos dirigeants de gauche, c'est qu'ils nous montrent comment rejeter le pire défaut possible pour des électoralistes : la démagogie :hinhin:

[cockney red]

Pour moi le plus beau c'est ça :

CITATION Ne plus se contenter d'une approche financière, mais examiner les aspects sociaux, écologiques, etc. [/quote]

Bel aveu de sa part.

Jusqu'à présent il croyait que les politiques ne devaient avoir qu'une approche financière. C'est brillant pour un "socialiste".

Maintenant il découvre le social. Magnifique !

[pelon]

Reconnaissons qu'il sait enrober de mots son orientation politique.