CITATION
Tandis que la droite les appelle à «une attitude claire»
Les socialistes veulent croire à l'échec de l'alliance trotskiste
Nicolas Barotte
[04 novembre 2003]
Le PS feint la sérénité. La Ligue communiste révolutionnaire a voté ce week-end en faveur de listes communes avec Lutte ouvrière aux élections régionales. Le parti d'Arlette Laguiller devrait faire de même en décembre. L'extrême gauche unie espère rééditer son score de la présidentielle, près de 10%, en attirant les voix des altermondialistes. Des suffrages qui pourraient manquer aux candidats socialistes en mars prochain.
«Ce n'est pas le PS qui est le plus gêné, affirme pourtant la porte-parole Annick Lepetit. Les premiers à souffrir, ce sont les Français qui désespèrent de la politique du gouvernement.» Les listes LO-LCR pourraient néanmoins permettre à l'UMP de remporter «plus de régions», reconnaît-elle. Mais elle se rassure aussitôt : «Il n'est pas sûr que l'addition LO-LCR fasse le plein des voix des deux partis.»
«Personne n'est propriétaire de ses voix», commente le sénateur de Seine-Maritime Henri Weber. Pour lui, les électeurs de gauche se souviennent encore du 21 avril – l'absence de Lionel Jospin au second tour de la présidentielle en 2002 – et du risque de la dispersion des voix. Au pire, il craint une poussée de l'abstention. Il ne croit pas non plus que ces formations puissent bénéficier du succès des mouvements altermondialistes qui «considèrent les groupes trotskistes comme appartenant à la vieille gauche».
Pour riposter, le PS a choisi d'attaquer le maillon faible du nouveau couple : Lutte ouvrière. Et chacun de rappeler les différences entre les deux formations, que LO a imposé «l'absence de consigne de vote au second tour» à la LCR, qu'Arlette Laguiller n'avait pas appelé à voter Jacques Chirac pour s'opposer au FN... «LO est une secte ouvriériste, pour laquelle la seule activité digne d'un parti révolutionnaire c'est d'implanter des militants dans les entreprises, pense Henri Weber. Tout le reste ne serait que de la dispersion petite-bourgeoise. La LCR, au contraire, accorde de l'importance au mouvement altermondialiste, aux mouvements des sans-papiers, sans-domiciles...» Au sein de la direction du PS, on prolonge l'analyse en estimant que l'objectif de la LCR est de «bouffer LO et de remplacer Arlette par Besancenot».
L'accord a aussi été critiqué par les Verts, qui ont regretté une «base idéologique qui date des années 20», et par Robert Hue (PCF), qui a dénoncé une «opération marketing».
A l'UMP, on souhaite «une attitude claire» du PS refusant «toute alliance» avec «des forces politiques fondamentalement éloignées des valeurs républicaines et démocratiques». Bref, la même fermeté que pour la droite face au FN. Selon le député de Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone, le rapport est plus complexe : «Sur certains sujets, il y a une complicité entre l'électorat d'extrême gauche et l'électorat de gauche traditionnel.» Il souhaite que le PS se batte néanmoins pour le «réformisme».
Face aux critiques, les intéressés ont répliqué hier. «Ce n'est pas Hollande notre adversaire mais Raffarin et le baron Seillière», a déclaré Alain Krivine, hier sur i télévision. Le PS et l'UMP «voudraient interdire à l'extrême gauche de se présenter, a accusé Georges Kaldy, membre de la direction de LO. Qu'ils apprennent la démocratie».[/quote]