Assassinat de l'Etat français et ses sbires ?

Message par pelon » 22 Oct 2003, 07:48

CITATION
La thèse du suicide du juge Bernard Borrel, à Djibouti en 1995, mise à mal.
Une veuve en guerre contre le «mensonge d'Etat»


Par Armelle THORAVAL
mercredi 22 octobre 2003


eurs cheveux châtains font hérisson, redressés par un brin de gel. Les deux garçons ont respectivement 13 et 16 ans, un jean, des baskets, des tee-shirts, l'uniforme des collégiens ; ils affichent une forme de résistance, masquent des larmes en traces dans un regard vert-gris. Ils ressemblent probablement à leur père, et sûrement à leur mère, qui s'exprimait hier à la Maison de l'Amérique latine, à Paris, dans une salle emplie de journalistes, d'amis de Djibouti, de membres de la famille.

Elisabeth Borrel mène un combat acharné. Le plus souvent sans la présence de ses fils. Pour faire admettre que son mari, magistrat, a été assassiné à Djibouti, il y a huit ans. Hier, elle a voulu qu'ils écoutent. «On nous a servi un mensonge d'Etat, on nous a bâti les mobiles du suicide, on a porté atteinte à l'honneur de mon mari et au mien», commence-t-elle à marteler de son ton de magistrate.

Cannabis. Aujourd'hui juge d'instance à Toulouse, Elisabeth Borrel a refusé, fin 1995, la version officielle qui lui avait été servie et qu'elle avait d'abord admise. Son mari, Bernard, ancien procureur de Lisieux, en poste à Djibouti comme conseiller technique du ministère de la Justice, a été retrouvé le 19 octobre 1995 le corps à demi carbonisé au pied d'un ravin, à 80 kilomètres de son domicile, en face de l'île du Diable, un peu de cannabis dans la poche de son short. Avant de disparaître, il avait accompagné Louis-Alexandre, son fils de 8 ans, au catéchisme.

Dépression, suicide, quelques heures après son décès, l'affaire était dite. L'ambassade de France validait cette version par un communiqué, sans autre forme de précautions. Les médecins militaires français approuvaient. Sans enquête. Dépression, suicide, quelques mois à peine après son décès, cette thèse continuait d'être officielle à Toulouse, même si un premier expert ébranlait un peu le raisonnement du juge. A peine 40 ans, de réputation intègre, chargé de conseiller le petit Etat de Djibouti ­ carrefour de marchands et de trafiquants, et ancienne colonie française au bout de la Corne d'Afrique ­, pour y rénover code civil et code pénal, Bernard Borrel aurait vacillé. Pour des affaires de moeurs, de cannabis, des affaires de l'on ne sait quoi. Dépression, suicide, quelques années bien lourdes après son décès, la thèse obstinée de deux magistrats parisiens, Roger Le Loire et Marie-Paule Moracchini­ qui ont hérité du dossier en 1997 avant qu'on ne leur retire le 21 juin 2000 ­ est effondrée.

Invraisemblances. L'avocat d'Elisabeth, Olivier Morice, parlait hier de «l'assassinat du juge Borrel». Dans ses mains, les dernières conclusions d'un collège de trois éminents experts, remises en juillet 2003 à Sophie Clément, cinquième juge d'instruction à travailler ce dossier. Trois professeurs, spécialistes de médecine légale à Lyon, Montpellier et Lausanne ­ Daniel Malicier, Patrice Mangin et Eric Baccino, qui écrivent : «Nous estimons que l'hypothèse de l'intervention d'un ou de plusieurs tiers à l'origine du décès de monsieur Borrel se trouve renforcée.» Déjà, ils avaient, dans un prérapport remis en novembre 2002, pointé les invraisemblances. Cette fois, les experts assurent qu'il s'agit, selon Laurent de Caunes, l'autre avocat de la famille, d'une mort violente «liée à une intervention extérieure».

Auparavant, le scénario privilégié par les juges Le Loire et Moracchini était le suivant : Bernard Borrel aurait acheté un jerrycan dans une station d'essence, avant de se rendre au lieu-dit Le Goubet, au nord de Djibouti. Il se serait aspergé, enflammé, puis son corps aurait dévalé la pente du ravin. Première faille : les experts estiment avoir mis en lumière «des éléments étayant l'hypothèse de la survenue d'un traumatisme crânien, notamment à la suite d'un coup porté par un instrument vulnérant». Ensuite, une fracture de l'un des deux os de l'avant-bras gauche paraît évoquer «une lésion de défense par interposition de l'avant-bras face au danger représenté par le maniement d'un instrument» par l'agresseur.

Un bidon. La faille la plus importante, ensuite : la présence d'un liquide inflammable sur le corps de Borrel, en plus de l'essence supposée contenue dans le jerrycan. Or, lorsque le juge a été retrouvé, il y avait, à côté de sa voiture garée en haut de la falaise, un bidon. Pas deux. Seule la partie supérieure du corps a été brûlée : un autre expert avait déjà considéré que cela rendait improbable toute forme d'immolation. Pour la famille, les preuves de la mise en scène sont là.

Pourquoi la diplomatie française a-t-elle estampillé à toute vitesse la thèse du suicide ? Pourquoi les autorités françaises n'ont-elles pas pris l'initiative d'ouvrir une enquête ? Quel rapport la mort du magistrat a-t-elle avec un dossier alors en cours d'instruction en France, pour lequel il apportait son aide ­ celui de l'attentat du Café de Paris, à Djibouti, en 1990, où l'enfant d'un militaire français avait trouvé la mort ? Les services secrets français voyaient dans cet attentat l'ombre d'Ismaïl Omar Guelleh, chef de cabinet et neveu du chef de l'Etat en 1994, devenu en 1999 président de la République.

Sophie Clément, nouvelle juge d'instruction, a demandé au ministère de la Défense français des documents en relation avec ce décès. Réponse : «douze documents» ont un lien avec la mort de Bernard Borrel. Mais ils sont classés «secret défense». La famille et la juge vont tenter d'en obtenir la déclassification. Un refus ferait de l'affaire Borrel un vrai scandale d'Etat.



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pelon
 
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