Débloquer la gauche ?

Message par Barikad » 25 Sep 2003, 16:30

CITATION (L'humanité @ aujourd'hui)
 
Débloquer la gauche ? Par Jean-François Gau, membre du Comité exécutif national du PCF.
Comment, face à la droite au pouvoir et à l'extrême droite en embuscade, ouvrir une perspective politique d'avenir ?


C'est LA question des questions posée à la gauche. Le constater est presque devenu un lieu commun, tant elle est au cour des débats de tout ce qui fait mouvement dans la société.

Or - second lieu commun -, la gauche n'apporte pas une réponse qui la rassemble à cette question. Plusieurs options sont proposées.

Cette situation, qui rompt avec celle qu'on rencontrait dans les périodes antérieures, peut heurter. Elle peut apparaître, alors que la droite frappe si fort, comme une marque d'impuissance ou d'irresponsabilité. Et, de fait, il est vital, pour le combat transformateur, de la surmonter.

Il serait donc suicidaire de s'y résigner. Mais il serait également illusoire de penser qu'on pourrait la contourner en empruntant les chemins tout tracés d'hier qui ne mènent nulle part aujourd'hui.

Car les différentes réponses, de nature stratégique, proposées par les formations de gauche ne naissent pas de rien. Elles sont le fruit de beaucoup de débats, de confrontations, souvent d'affrontements, qui se sont développés en leur sein pendant plusieurs mois. Leurs discordances sont le reflet de contradictions réelles, de conceptions différentes du type de solutions à apporter aux problèmes de la société et du monde.

Notre parti n'a pas fait ses propres choix, lors de son congrès, en fonction de ce qui se décidait ailleurs. Mais pour faire vivre ces choix efficacement, il est utile de ne pas s'en tenir à une vision superficielle de ces autres options.

La première pourrait être formulée ainsi : la cause de l'échec de la gauche, ce qui devrait donc impérativement changer, ce ne serait pas la politique qu'elle a appliquée, mais le manque de cohésion et la trop grande faiblesse de ceux qui avaient pour mission de la soutenir.

C'est sur ce postulat qu'est fondée la construction proposée par le Parti socialiste. À ses yeux, la condition de la réussite d'une alternance future est une gauche homogène, et la place qu'il occupe en son sein lui conférerait la mission de réaliser cette unité. D'où l'idée, lancée dès le lendemain du 21 avril, d'une absorption des autres formations par le PS, appelé à devenir ainsi le " parti commun de la gauche ". Le faible impact de cette proposition, qui, au-delà de quelques soutiens, n'a pas eu l'écho espéré, l'a conduit à la modifier à son congrès de Dijon, mais en en gardant la philosophie : si l'heure n'est pas à l'unité dans une même organisation, elle est, affirment les dirigeants socialistes, à un " grand Parti socialiste " dont l'influence rendra possible une recomposition de la gauche autour de lui. " C'est à nous, a redit François Hollande à l'université d'été du PS, de structurer la gauche, de créer le mouvement, d'avancer à notre rythme pour entraîner l'ensemble. "

Le Parti socialiste ne va évidemment pas renoncer au réflexe du " vote utile " face à la droite. Mais il a l'expérience qu'une victoire acquise essentiellement grâce au mécontentement frappant l'adversaire au pouvoir est la promesse d'une défaite lorsque la situation s'inverse. Pour être durable, considère-t-il, l'alternance devra être assise sur l'adhésion populaire à un projet, qui sera le " contrat " liant les composantes de cette coalition. Il lui a donné un nom : le " réformisme de gauche ". Une " voie originale ", qui ne serait pas la simple reprise du modèle social-démocrate traditionnel considéré comme dépassé, mais une tentative de marier " solidarité " et lois du marché.

Pour l'instant, on sait ce que ce projet n'est pas : la " rupture avec le capitalisme ", qualifiée d'" incantatoire " et de " gauchiste ". Mais ce qu'il est ? Ses contours restent imprécis : on avance des propositions de progrès, mais on reste muet sur les moyens de les rendre possibles. Tout le monde comprend bien qu'il ne s'agit pas là d'un " réglage " encore à venir, mais d'une contradiction profonde qui oppose l'affirmation d'objectifs sociaux au refus de s'attaquer aux marchés financiers et aux règles de l'Europe actuelle.

On mesure, sur ce point, l'importance, pour le Parti socialiste, d'en rester à son analyse du 21 avril, qui nie l'évidence. Les Français, en effet, ont sanctionné la gauche d'hier non pas parce que la politique qu'elle appliquait leur a été mal expliquée, mais parce qu'ils faisaient l'expérience qu'elle ne répondait pas à leurs attentes. Et elle n'y répondait pas parce que, pour y parvenir, il aurait nécessairement fallu prendre des mesures s'opposant aux intérêts capitalistes et aux dogmes de l'Europe libérale, et que la décision a été prise de ne pas le faire. L'admettre, ce serait ouvrir la porte à la recherche d'une autre politique à gauche, fondée sur d'autres règles que celles de ce qu'on appelle maintenant le " social-libéralisme ". Ce que le Parti socialiste ne veut pas.

Telle est donc la construction que ce parti propose comme " débouché politique " aux aspirations au changement qui s'expriment dans la société. Les initiatives qu'il a prises depuis son congrès en sont une mise en ouvre. Il en est ainsi des efforts qu'il déploie en direction des syndicats et des associations pour tenter de les associer à une définition plus précise du " réformisme de gauche ". Il en est de même de la proposition qu'il avait faite aux autres formations de gauche de coorganiser des forums pour travailler, dans sa conception, au contrat qui les lierait dans un futur gouvernement - proposition que nous avons refusée - et qu'il a transformée en forums débattant de questions " territoriales " en vue de la constitution de listes d'union au premier tour des élections régionales.

Le deuxième type d'orientation proposée est symétrique à celle-ci. Elle consiste à absolutiser le social-libéralisme et à construire à partir de son rejet. Dans cette conception, il n'y aurait pas une gauche confrontée à la question de la perspective et à l'existence en son sein de réponses différentes, mais " deux gauches ", l'une sociale-libérale pour l'éternité, l'autre combattant pour la transformation sociale.

L'évolution de la LCR débouche sur une sorte de caricature de cette façon de voir. Ici aussi, on pose le problème en termes de recomposition organisationnelle. Il y eut l'idée d'une force politique de " la gauche de la radicalité ", puis d'un " parti de la grève ". L'absence de résultat en la matière et l'espace que la stratégie du Parti socialiste pourrait leur dégager (car l'extrême gauche deviendrait la seule force extérieure à la coalition autour du PS) conduit maintenant les dirigeants de la LCR à la recherche d'un front électoral de la " gauche révolutionnaire ". D'où l'épisode peu reluisant auquel on assiste actuellement de l'acceptation de conditions humiliantes avancée par Lutte ouvrière accompagnée du rejet des autres forces de gauche, accusées, toutes sans exception, d'accepter " le social-libéralisme et les contraintes de la globalisation capitaliste ".


Enfin, il est une troisième option, qu'illustrent, chacun à leur manière, plusieurs appels citoyens. Leur point commun est de permettre la rencontre de femmes et d'hommes, adhérents ou non à un parti politique, souvent actrices et acteurs de mouvements sociaux, qui se fixent pour objectif de favoriser l'émergence d'une perspective " antilibérale ". Ces tentatives sont critiquées de façon concomitante du côté du Parti socialiste et de la LCR, sans doute au motif qu'elles contrarient la mise en place du paysage politique auquel l'un et l'autre travaillent. Il y a là, pourtant - par-delà tels ou tels errements parfois formulés, comme le rêve de concurrencer les partis aux élections -, des lieux nouveaux de débats et de travail qui ne méritent pas d'être méprisés.

Bien évidemment, ces rencontres ne peuvent pas par elles-mêmes apporter une réponse à la question de la perspective politique. D'une part, parce que rapprocher politique et mouvement social et, plus encore, surmonter le rejet de la politique et de la gauche par des millions d'hommes et de femmes des milieux populaires appellent des initiatives bien plus larges, à l'échelle du pays, que des débats entre militants. D'autre part, parce qu'elles procèdent souvent d'une stratégie " en deux temps " : d'abord, rassembler à gauche du PS - y compris, donc, la gauche du PS -, pour qu'ensuite l'antilibéralisme, devenu majoritaire à gauche, s'impose au Parti socialiste. C'est une version de cette vision de " deux gauches " que, pour notre part, nous ne partageons pas.

Toute cette description, pour mener à quoi ?

À ce constat : par leur nature, les scénarios proposés par le Parti socialiste et l'extrême gauche contribuent à renforcer la division des forces de gauche et interdisent, de fait, l'émergence d'une alternative politique réelle. Ils appellent au rassemblement, mais autour d'un parti dominant ou d'une avant-garde autoproclamée. Ils évoquent le mouvement social, mais se posent, dans un rapport d'extériorité, en " débouché politique " de celui-ci et renforcent de fait la mise hors jeu de la politique des catégories populaires. Ce sont de lourds blocages pour la gauche, de plus en plus ressentis comme tels.

C'est pourquoi, en affirmant lors de la Fête de l'Humanité qu'" il faut débloquer la situation, débloquer la gauche ", Marie-George Buffet a lancé un appel qui porte loin : parce qu'il rencontre le sentiment général.

Cet appel, les choix que nous avons faits à notre congrès nous donnent la crédibilité pour le lancer. Car, nous aussi, nous avons un projet : le projet communiste. Nous ne le concevons pas comme un programme à faire adopter par les autres forces de gauche, mais comme le sens de notre engagement et de notre combat, qui est un combat de rassemblement, de construction pour résister et pour transformer. Ce projet part non pas de tel ou tel préalable, mais de l'examen tels qu'ils sont des problèmes posés à la société et au monde, d'où découle la nécessité de réponses neuves, s'affranchissant de la dictature des marchés financiers. Et il propose non pas l'union autour d'un parti - ni du Parti communiste, ni d'un autre -, mais le développement, à partir des luttes et des débats de notre peuple, d'une dynamique politique permettant un rassemblement à gauche pour battre la droite et transformer réellement.

Or, débloquer la gauche, lui permettre de faire naître une perspective porteuse d'espoir, qu'est-ce que cela peut vouloir dire, sinon travailler à la rassembler autour d'une politique qui réponde à ce qu'attendent celles et ceux qui souffrent et qui luttent, c'est-à-dire qui rompe tout à la fois avec ce que fait la droite et avec ce qui a conduit le 21 avril à son propre échec ?

C'est l'objectif que nous poursuivons. Au travers des actions que nous décidons ou auxquelles nous participons contre les mauvais coups de la droite. Et en prenant une initiative nationale de grande portée : l'engagement du travail concret, au moyen de forums, de réunions publiques, d'ateliers thématiques, pour forger le rassemblement à gauche donnant force politique aux exigences de changement.

Il s'agit de partir de ces exigences telles qu'elles s'expriment et d'imaginer les contenus et les moyens des propositions aptes à y répondre. De s'y mettre tous ensemble, partis politiques, militants syndicaux et associatifs, citoyennes et citoyens désireux de se faire entendre. De construire, par le dialogue, par l'écoute, par la confrontation des propositions des uns des autres - et nous contribuerons, naturellement, à ces débats par nos propres idées. De choisir, en permettant à chacun de se situer en connaissance de cause.

Nous nous sommes donné pour règle de " contribuer, comme le souligne le document adopté par notre congrès, à ce que les citoyens puissent peser et décider tant sur les contenus nécessaires au changement et leur élaboration que sur les conditions politiques de ces changements, y compris les questions d'alliance électorale ". Nous y sommes. Nous ne tenons pas seulement un engagement de congrès en prenant l'initiative de ces forums citoyens de confrontation politique : nous donnons l'impulsion au nouveau dont la gauche a besoin.
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Barikad
 
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Message par Louis » 25 Sep 2003, 17:28

voila une analyse intéressante pour ce qu'elle dit... et ce qu'elle ne dit pas

Effectivement, le pc est coincé entre un PS bien décidé a prendre toute la place (et y compris celle du pc qui semble avoir fini sa mission "historique" et le projet de la LCR qui est pour lui une épine bien douloureuse. On assiste donc a un tête a queue bien dérisoire de la direction du pc qui reprend certaines approche des réno tout en les malaxant puisque in fine leur seul peur c'est de perdre leur appareil...
Louis
 
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