a écrit :Saint-Denis le 22 février 2010
Des états généraux de l’enfance étriqués…
qui en appellent d’autres, plus conformes
aux droits de l’enfant
DEI-France salue les propos, en ouverture des Etats généraux de l’enfance le 16 février 2010, du président d’UNICEF-France qui s’est fait le porte-parole de toutes les associations et acteurs qui oeuvrent – depuis de très nombreuses années pour certaines - à la promotion et au respect, en France, de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant .
Rappelant la nécessité d’inscrire ces Etats Généraux dans la continuité des observations adressées à la France par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies en juin 2009,
Rappelant son attachement à la loi de réforme de la protection de l’enfance du 5 mars 2007, et demandant à ce que soit préservés l’esprit de ce texte et ses intentions initiales,
Rappelant la responsabilité des adultes et des autorités envers tous les enfants vivant en France et notamment les plus vulnérables : enfants maltraités bien sûr mais aussi tous les enfants en danger, les enfants pauvres ou mal logés, français ou étrangers, les Mineurs Isolés Etrangers [1],
Appelant enfin à la définition d’une stratégie globale, un projet ambitieux en faveur de tous les enfants en France,
UNICEF-France rejoint ainsi largement ce qu’écrivait DEI-France dans son communiqué du 27 novembre à l’annonce par le président de la République de ces Etats généraux [2].
Malheureusement, le président d’UNICEF n’a pu que constater tout aussitôt – à mots couverts - dans son allocution que les conditions des Etats Généraux qui s’ouvraient ce même jour ne répondaient pas à nos attentes communes d’où, sans plus attendre, son appel à un autre travail, plus conforme à la Convention internationale sur les droits de l’enfant [3].
Parce que manifestement, l’énoncé de l’objectif et les thèmes des ateliers de ces Etats généraux [4] sont – à part peut-être celui sur la pauvreté - étriqués voire dangereux, comme DEI le pressentait déjà dans sa réaction de novembre :
· Etriqué, même s’il a déjà été élargi par rapport à l’annonce de novembre qui ne parlait que d’enfance maltraitée, l’objectif de « renforcer la protection de l’enfance fragilisée » : comme si progresser pour un meilleur bien-être des enfants pouvait se réduire à la seule protection de l’enfance fragile
· Etriqué l’énoncé du premier atelier « améliorer la transmission de l’information préoccupante prévue par la loi du 5 mars 2007 ” alors que la loi attend surtout pour sa mise en oeuvre la création du fonds de financement (on se souviendra que le Conseil d’Etat a, dans un arrêt du 30 décembre dernier, rappelé le gouvernement à son obligation de mettre en place ce fonds alors qu’il prévoyait de s’y soustraire [5]) ;
· et dangereux dans l’énoncé qui suit « d’éviter que le nomadisme de certaines familles ne leur permette d’échapper au contrôle et à la surveillance des services sociaux » qui marque bien l’état d’esprit qui prévaut : renforcer le contrôle social des familles qui seraient seules responsables des échecs de la protection de l’enfance ;
· Comment alors interpréter la volonté de “valoriser le travail des travailleurs sociaux et de leur permettre d’accomplir au mieux les difficiles missions qui sont les leurs” ? Difficiles car on leur demanderaient de mener à la fois une mission d’accompagnement des familles et en même temps une mission de contrôle voire de signalement aux autorités susceptibles de sanctionner les familles?
· Inquiétude encore par rapport à un risque de dépistage et de fichage précoce à l’énoncé de l’atelier suivant : “accroître la prévention de la maltraitance par un soutien plus actif à la parentalité dans les premiers mois de l’enfant” ;
· Etriqué enfin le fait d’aborder la prévention des problématiques de mal-être et de suicide par le petit bout de la lorgnette des « jeux dangereux ».
· Dangereux ces énoncés en ce qu’ils laissent entrevoir une volonté d’utilisation du travail social dans un but de contrôle accru des familles et de normalisation des comportements qui a conduit certaines organisations de professionnels à refuser de participer aux Etats généraux et d’autres comme ATD Quart monde à réserver leur réponse.
· Etriqué l’ensemble du projet par les oublis de trop nombreuses problématiques qui compromettent les conditions dans lesquelles la jeunesse se construit dans notre pays : difficultés de la coéducation, de l’accès à la santé et de sa promotion, violence de la société, des médias et parfois des institutions, absence d’éducation au droit, traitement des infractions pénales pour certains, longueur du regroupement (ou éclatement) familial pour d’autres, impossibilité de se projeter dans un avenir serein dans le pays etc.
Cette vision étriquée et dangereuse doit être rapprochée de la loi LOPSSI II récemment votée par le parlement dans la plus grande indifférence et dont on relèvera les mesures attentatoires au droit des jeunes – autant qu’inapplicables - comme l’instauration d’un couvre feu ciblé pour les mineurs de 13 ans concernés par une mesure d’assistance éducative.
DEI-France s’interroge sur la volonté des associations qui accompagnent les familles mais aussi des Départements [6], en charge de la protection de l’enfance et donc acteurs incontournables du débat, à s’investir véritablement dans des Etats généraux lancés sous de si mauvais augures.
DEI-France appelle dès maintenant à réunir les conditions d’Etats généraux dignes de ce nom, se fondant sur les engagements de la France au titre de la Convention internationale des droits de l’enfant, guidés par l’intérêt supérieur de tous les enfants de ce pays, dans un climat de confiance réciproque, démarche à laquelle seraient associés tous les acteurs, au premier rang desquels les jeunes eux-mêmes et leurs familles.