CITATION Emploi : la révolution culturelle reste à faire
PAR SERGE DASSAULT
[26 août 2003]
La situation du chômage continue à se dégrader en France pour de multiples raisons et chacun s'interroge. Pourquoi? Il faut prendre conscience que les principales mesures pour réduire le chômage prises par la gauche depuis cinq ans ont eu l'effet inverse de celui recherché. Elles ne l'ont pas réduit mais vont l'augmenter.
Il est ainsi d'autant plus désolant de voir cette même «gauche» accuser le gouvernement d'avoir pris une «grave responsabilité» en «supprimant un à un tous les instruments d'une politique volontaire de lutte contre le chômage», ce que d'ailleurs il n'a pas fait.
L'irresponsabilité, la méconnaissance totale des problèmes du fonctionnement des entreprises et de la concurrence internationale par la «gauche» ont abouti à ces prétendus instruments que sont les 35 heures, les emplois-jeunes, et la loi de modernisation sociale, dont les conséquences catastrophiques se mesurent aujourd'hui. On ne dirige pas un pays avec des mesures qui font plaisir aux électeurs mais avec celles qui sont nécessaires en en mesurant le coût. Or, jamais le coût de l'application des emplois-jeunes et des 35 heures n'a été prévu et encore moins budgétisé. C'est de l'irresponsabilité totale.
On peut toujours espérer «retrouver la croissance»: mais que signifie la croissance et comment l'obtenir? Et la réalité n'a rien à voir avec l'espérance.
La croissance dépend essentiellement de l'augmentation des ventes en France et à l'étranger des produits fabriqués en France. Mais pour augmenter nos ventes, encore faut-il «satisfaire nos clients» par des produits de qualité et des prix compétitifs.
Or, là est le noeud du problème; comment obtenir des prix compétitifs:
- en travaillant moins que les autres (35 heures)?
- avec des charges sur salaires plus élevées qu'ailleurs et qui augmentent nos coûts de production?
- avec un euro trop faible par rapport au dollar?
- avec une Allemagne aussi mal en point que nous?
- avec un élargissement européen qui va orienter la manne de l'Europe, dont nous payons une quote-part importante, vers des pays dont les coûts de production seront 3 à 4 fois plus faibles que les nôtres?
- avec les États-Unis dont la technologie s'améliore sans cesse, poussée par des crédits de recherche considérables, et que nous n'avons pas?
- avec une impossibilité pour nos entreprises d'adapter leur personnel à leur charge de travail, ce qui les conduit à ne plus embaucher?
- avec cette idée totalement fausse mais largement répandue, que la «défense de l'emploi» doit passer par l'impossibilité pour une entreprise de réduire son personnel, alors qu'au contraire, plus une entreprise aura des difficultés syndicales ou financières pour réduire son personnel, moins elle embauchera en France et plus elle délocalisera à l'étranger ses productions, ce qui augmentera le chômage?
- Avec des impôts qui pénalisent la réussite (ISF) et qui poussent les jeunes à aller travailler à l'étranger et démotivent nos entrepreneurs qui s'expatrient?
Le résultat de ces mesures de prétendue protection sociale aura l'effet inverse de celui recherché car elles sont totalement inadaptées à la réalité économique et sociale.
Réduction du temps de travail (35 heures), emplois-jeunes payés par l'État, licenciements rendus plus difficiles (loi de modernisation sociale): tout cela n'a d'autre effet que d'aggraver le chômage, de rendre plus difficile le fonctionnement de nos administrations et de nos hôpitaux, et d'augmenter notre déficit budgétaire, car c'est l'État qui paye les 35 heures et les emplois-jeunes (plus de 10 milliards d'euros par an). Créer des emplois payés par l'État relève du collectivisme. On ne résout rien en voulant «aider l'emploi», en faisant payer l'État au lieu des entreprises. Il vaudrait mieux «aider les entreprises» à investir, à développer de nouvelles technologies et des produits nouveaux.
Retrouver la croissance nécessite la prise de conscience qu'il faut non pas entraver les entreprises, mais les libérer:
- en les laissant travailler le temps nécessaire à leur besoin,
- en adaptant leur personnel à leur charge de travail en plus ou en moins, avec les protections nécessaires,
- en réduisant les charges sur salaires (la Sécurité sociale et les allocations familiales) et en les reportant sur un paramètre lié au chiffre d'affaires,
- en développant la gestion participative qui associe les salariés, et non les syndicats, à la gestion et au résultat de leur entreprise, en motivant les hommes.
«La bonne politique n'est ni de gauche ni de droite, a dit Tony Blair, c'est celle qui réussit», et il a raison. Mais pour réussir, il faut abandonner toute idéologie, tout électoralisme et toute envie de ne pas mécontenter les électeurs. Il faut adopter des mesures indispensables qui ne pourront pas plaire à tout le monde mais qui sont indispensables à notre survie. C'est ce qu'a fait Mme Thatcher en Angleterre et c'est ce qui l'a sauvée!
Car si on continue à ne pas appliquer rapidement les réformes nécessaires, on verra le chômage continuer à augmenter, nos entreprises à délocaliser, nos entrepreneurs à s'expatrier avec nos jeunes diplômés et la France va continuer à s'appauvrir, à s'endetter et deviendra le pays des fonctionnaires et des chômeurs!
Il est temps de réagir et de prendre des mesures indispensables, même si elles ne font pas plaisir à tout le monde. Mais il faut surtout opérer une véritable révolution culturelle et arrêter de croire que les «inégalités» doivent être combattues dans tous les domaines. C'est la porte ouverte à l'assistance, à la perte de la volonté de l'effort, au déclin généralisé.
On ne peut pas tous travailler le même nombre d'heures, gagner le même salaire, partir à la retraite au même âge. Il faut laisser ceux qui réussissent s'enrichir, et supprimer l'ISF, arrêter de croire que le salut viendra en faisant payer les riches, car il n'y a pas assez de riches et ceux qui restent vont partir, et surtout, il faut remettre la France au travail anesthésiée par 22 ans de socialisme.
Il faut que nos responsables politiques, quels qu'ils soient, comprennent que la richesse ne se partage pas mais qu'elle se crée, et plus on veut la partager, moins elle se créera.
Henri IV disait déjà: «Il faut laisser les Français s'enrichir.» Rien de nouveau sous le soleil.
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