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A chacun ses traumatismes et ses attentes


AZF - Frappées dans leur chair ou matériellement, toutes les parties civiles gardent des cicatrices...

Etre «victime» d'AZF recoupe diverses réalités. Il y a ceux qui ont perdu un proche, les blessés graves, les sinistrés économiques et les milliers de «sans-fenêtres». Le vide laissé n'est pas le même et chacun attend des choses bien différentes.

• Veuve «Chercher la vérité est un devoir vis-à-vis de ceux qui sont partis.» Et c'est la seule requête de Monique Mauzac, veuve de l'ingénieur responsable du secteur ammonitrates de l'usine AZF. Elle ne demande «rien d'autre» à la justice, une institution dont elle ne connaissait rien. Et qu'elle a continué d'ignorer pendant plusieurs mois après l'explosion, tant la «parenthèse» ouverte par la mort de son mari l'a «coupée de tout». «Puis au mois de janvier 2002, une réunion a été organisée au palais de justice pour la présentation d'un rapport d'étape des experts. Quand j'ai voulu entrer, on m'a demandé si j'étais partie civile. Je n'ai même pas compris ce que cela voulait dire», raconte-t-elle. Elle est restée dehors, puis elle a pris un avocat pour avoir accès au dossier. Un ticket pour la désillusion. Car elle est aussi chimiste et chef de laboratoire au CNRS. La piste de l'accident chimique, elle n'y croit «pas du tout». Le «procès d'experts» annoncé ne lui fait pas peur. C'est au contraire sur lui qu'elle fonde tous ses espoirs.

• Ex-salariée Christine Gottardi travaillait à AZF depuis vingt ans. «Après, ça n'a plus été pareil. Nous avons perdu des collègues, des gens avec qui on travaillait tous les jours. Sans compter ce qu'on a pu lire dans les journaux, où l'on nous traitait d'assassins. C'était nous qui avions fait sauter Toulouse», se souvient, encore émue, cette responsable des expéditions. Lors de l'explosion, elle était enceinte de sept mois. Par chance, elle n'a pas été gravement blessée, mais «cela a effacé toute la fin de ma grossesse», reconnaît-elle. Longtemps, elle a espéré que l'usine redémarrerait. L'annonce de la fermeture définitive a fini de la plonger dans la dépression. Aujourd'hui, elle «va mieux» et a retrouvé du boulot. Elle espère la vérité, et «qu'il sera enfin reconnu que l'on travaillait dans la sécurité, proprement».

• «Sans-fenêtres» Jean-François Grelier avait vue sur AZF. Ce formateur à l'IUFM a eu le mauvais réflexe: celui de s'approcher de sa fenêtre pour voir d'où venait le bruit. Son visage garde à jamais la trace du 21 septembre. Il passera cinq jours à la clinique, pas un de plus, malgré l'avis des médecins. «Il n'était pas question que le combat commence sans moi», souligne ce militant de Lutte ouvrière. Dans le mois qui suit, il créera le Collectif des sans-fenêtres, afin que «l'Etat assure une égalité dans les dédommagements». Il finira par rejoindre l'Association des sinistrés du 21 septembre. Aujourd'hui, il en assure la vice-présidence et attend du procès «que le vrai responsable de la catastrophe, Total, soit condamné, car toutes les décisions venaient de son siège», insiste-t-il, attablé dans son appartement du bâtiment A de la cité du Parc, qu'il n'était pas question de quitter. C'est aussi là que vit Guy Mouysset. A 72 ans, il est le «sans-fenêtres» type. Pour que celle de sa chambre ne s'ouvre pas au vent, il la bloque encore avec son lit et un manche à balai. Cet ancien garçon de café, aujourd'hui veuf, n'a pas changé le verre de la photo de fiançailles tombée au moment de l'explosion. «Quand l'expert est passé, je n'ai pas été assez minutieux», assure-t-il. Le montant des travaux indemnisés chez lui a été de 1885 eur, auquel s'ajoute un forfait de 497 euros pour tous les vases dont il n'avait pas gardé les factures. En plus, il est persuadé que l'explosion a aggravé ses problèmes d'arthrose. Du procès, il attend «une juste indemnisation» des dégâts subis.
Hélène Ménal et Béatrice Colin