(«la Voix Des Travailleurs» % Haïti n° 172 de décembre 2007 a écrit :
La vie au «Village Démocratie» (Ex Fort Dimanche), témoignage de l'un des premiers occupants:
Sous le règne de Duvalier, Fort-Dimanche était une caserne. C'est là qu'on enfermait les prisonniers politiques, ils étaient torturés et parfois exécutés. Alors, après le retour d'exil d'Aristide en 1994 les gendarmes de Fort-Dimanche ont été chassés et beaucoup de gens qui n'avaient pas d'abri ont occupé l'ancienne caserne. Ceux qui n'avaient pas trouvé une pièce et aussi ceux qui étaient déjà installés ont défriché le terrain qui était rempli de plantes sauvages, d'ossements de morts, de rats, de couleuvres, de détritus de toutes sortes qui dégageaient une odeur nauséabonde. On nous a surnommé des «kokorats» parce qu'on cherchait de quoi manger dans les immondices jetées par les soldats Américains qui étaient en Haïti dans cette période.
Nous avons résisté aux politiciens qui voulaient nous déloger et finalement on a gagné la bataille. On a choisi de donner un autre nom à Fort-dimanche. Après réflexion, on a choisi «Village Démocratie». Parce que, à cette époque les dirigeants parlaient du retour de l'ex président Aristide qui était en exil et disaient qu'on a semé la démocratie, il faut qu'on la récolte. Ainsi, on considérait l'occupation de Fort-Dimanche comme une action démocratique parce qu'on a le droit à un abri en tant qu'humain...
Les conditions de vie à «Village Démocratie» sont pareilles à celles des autres bidonvilles du pays, notamment Cité Soleil. Pendant les périodes d'insécurités beaucoup de gens avaient quitté la zone. Les «chimères» contrôlaient les quartiers et menaçaient ceux qui n'étaient pas de leur côté. Sous leurs menaces les maisons devenaient des caches pour détenir les gens kidnappés. Ainsi ces derniers et aussi le propriétaire de la maisonnette se retrouvaient sous la menace et le contrôle des chimères qui s'installaient aux environs pour assurer la surveillance...
D'autre part, après chaque pluie la zone est inondée parce qu'il y a une ravine qui passe à côté du village, et actuellement bon nombre de maisonnettes sont en train de s'enfoncer dans la boue. Pour pallier cette situation nous sommes obligés de rehausser les murs et de remettre les tôles par dessus...
A côté de cela il y a la vie chère qui de jour en jour devient plus difficile. Pour se nourrir il y a des gens qui mangent des morceaux de terre argileuses qu'on prépare comme un biscuit c'est à dire qu'on y met du sel et on les fait sécher au soleil. Pour certains c'est cette «nourriture» qui les maintient pendant la journée. Moi même je trouve que c'est vraiment grave pour la santé des gens. Donc, je pense que les dirigeants savent très bien quelle misère la population pauvre est en train d'endurer. Parce que lors de la campagne électorale, eux et leurs représentants étaient présents dans tous les quartiers pauvres pour nous demander de voter pour eux. Mais ils font le choix de ne s'occuper que de leurs propres affaires et se fichent de nous.