Winkler viré :

Message par Louis » 11 Juil 2003, 21:29

Pour qui voudrait comprendre à quoi répondait le long droit de réponse de Les Entreprises du Médicament (nom publicitaire des multinationales pharmaceutiques) de ce matin sur France-Inter (puis le dit droit de réponse ne disait pas à qui, précisément, il répondait !), il peut être intéressant de savoir qu'à la suite d'une chronique où Martin Winkler mettait en cause les dites multinationales, on lui a annoncé d'abord que sa chronique s'arrêtait le 11, ensuite, le 7, par un simple coup de fil d'une assistante, que sa chronique était supprimée.
Quoi qu'on pense des chroniques de Winkler, l'anecdote est significative du pouvoir des multinationales pharmaceutiques.
Ci-après, un courrier de Winkler qui diffuse sa dernière chronique.

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

Chers amis. France Inter, radio de la censure bien pensante. Aujourd'hui lundi 7 juillet, alors que je pensais pouvoir assurer ma chronique jusqu'au 11, on me dit que ma chronique est interrompue définitivement. J'affiche sur le site de Radio France, à la page d'Odyssée, un texte de conclusion (que j'aurais lu à l'antenne si on m'avait laissé le faire) et que je reproduis ci-après. Pendant une partie de la journée, je reçois des lettres d'encouragement. Et puis on me signale qu'il n'est plus possible d'accéder à la chronique. Ils ne l'ont pas fait disparaître, non, mais ils ont effacé le lien qui, sur le site, renvoie sur Odyssée. Par conséquent, les auditeurs qui n'ont pas enregistré l'adresse ne peuvent plus y accéder. Ca s'appelle de la censure, un point c'est tout, et je pensais nécessaire de vous en informer. Qu'ils me virent, soit. Qu'ils empêchent les auditeurs de lire la chronique, c'est insupportable. Pour ça, nous avons le droit de faire du barouf.

Voici, à titre informatif, le texte affiché ce jour, et la liste des chroniques que je devais traiter dans la semaine. Amitiés Martin W.

**************************

Quand on a accès au savoir, que faut-il en faire ?

« Odyssée » c'est fini.

Je pensais assurer ma chronique jusqu'au 11 juillet, mais vendredi dernier on m'a annoncé assez brutalement que la chronique faite le matin même était la dernière, sans que j'aie pu saluer les auditeurs. Je n'ai donc pas pu traiter les sujets annoncés ces derniers jours sur le site.

C'est donc à vous, les internautes, que je confie le soin de diffuser ce message, en particulier à celles et à ceux qui appréciaient Odyssée mais n'ont pas accès au net. Je ne voulais pas vous quitter sans vous dire que pendant ces neuf mois, j'ai pris beaucoup de plaisir à vous retrouver en esprit chaque matin, et que, surtout, j'ai beaucoup appris.

Et puis, ayant pu m'exprimer avec une totale liberté pendant ces trois minutes quotidiennes, et donner dans la mesure du possible la parole à des citoyens qui ne l'avaient pas, je reste convaincu que la liberté de parole dépasse - et de très loin - n'importe quelle fonction hiérarchique. Neuf mois de parole sans entrave, ce n'est pas rien. Et je souris en particulier à la pensée des migraines que j'ai dû provoquer chaque fois que j'étrillais l'industrie pharmaceutique entre deux messages triomphants des entreprises du médicament.

Merci aux maisons d'édition, revues et associations qui m'ont envoyé leurs publications et leurs bulletins d'information. Je suis heureux d'avoir pu contribuer à faire connaître certaines de leurs productions. Merci, évidemment à tous ceux - des archéologues aux praticiens de Linux en passant par les personnes concernées par la surdité, la dyslexie et bien d'autres situations humaines - qui m'ont écrit pour m'envoyer des réflexions, des informations que je n'aurais pas pu trouver seul, ou simplement des encouragements - ils m'ont été d'un grand réconfort et justifient pleinement le travail accompli au cours de l'année écoulée.

Toutes les chroniques (y compris les inédites) seront publiées - avec des compléments d'information - en octobre ou novembre prochain, par les éditions du Cherche-Midi.

Et pour conclure ce voyage, une dernière petite histoire :

Dans un ghetto, il y a longtemps, le rabbin va voir la guérisseuse et lui dit : « J'ai besoin d'une potion pour soulager mes rhumatismes. »

La guérisseuse écrit quelques lignes sur un morceau de papier ; le rabbin la lit, il hoche la tête et dit : « Il y a des ingrédients qui ne sont pas kasher, là-dedans. J'ai besoin d'une potion que je puisse prendre le jour du shabbat. »

La guérisseuse lui répond : « Non, ça je ne peux pas te le donner. C'est interdit. » Le rabbin insiste : « Mais moi, le jour du shabbat, je fais l'office, je m'occupe des malades et des mourants, je ne le ferai pas bien si je souffre. Donne-moi la formule d'une potion que je puisse prendre ce jour-là sans offenser Dieu. »

Et, comme il insiste, la guérisseuse lui dit : « D'accord, mais tu dois me jurer devant Dieu que tu ne la révèleras à personne. » Le rabbin réfléchit une seconde, puis il jure solennellement. Le samedi suivant, il monte sur l'estrade et, à haute voix, lit la formule à tous les fidèles.

Pourquoi ? Parce qu'il pense que c'est un moins grand péché de se parjurer que de garder pour soi un secret pareil.

Quand on a accès à un savoir qui peut soulager ou libérer les autres, on n'a que deux choix possibles : on peut se taire, pour garder le pouvoir. Ou bien on peut décider de le partager.

Au revoir tout le monde, et portez-vous bien.

Martin Winckler

Les chroniques prévues s'intitulaient : Qu'est-ce qu'il ne faut pas oublier quand on part en vacances ?
Qu'est-ce que la vieillesse ?
Qu'est-ce qu'on peut lire cet été ?
Qu'est-ce que le politiquement correct ?


Elles seront publiées au Cherche-Midi à la rentrée. Avec, bien sûr, le récit de ces aventures...
Louis
 
Message(s) : 0
Inscription : 15 Oct 2002, 09:33

Retour vers Presse et communiqués

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 4 invité(s)