a écrit :POLOGNE
Rouge n° 2235, 17/01/2008
Une grève exemplaire
Alors que commençait la cinquième semaine de grève à KWK Budryk, la direction de la SA minière de Jastrzebie (JSW) a rompu les négociations, signifiant ainsi qu’elle voulait briser les mineurs grévistes.
Budryk, en Haute-Silésie, est la plus productive des mines polonaises. Chaque mineur y extrait en moyenne 1 400 tonnes de houille par an, contre 700 tonnes par mineur en moyenne nationale. Elle est rentable : au cours des seuls trois premiers trimestres 2007, son profit net a atteint 12,6 millions d’euros. Mais, ouverte en 1994, elle dispose d’une grille de salaires très inférieure à celle des mines plus anciennes. Les mineurs de Budryk exigent que leurs salaires soient alignés sur ceux, plus élevés, des autres mines de JSW. Le nouveau gouvernement polonais, ultralibéral, veut privatiser le secteur minier. Il veut aussi aligner les salaires des mineurs vers le bas et, pour ce faire, briser la résistance des plus combatifs.
Le 13 décembre, deux, puis cinq mineurs commencent une grève de la faim pour exiger l’application du droit du travail : même travail, même salaire. Le 17 décembre, l’assemblée générale vote la grève. Un comité de grève est élu le lendemain. Trois syndicats animent le mouvement : le syndicat libre Août 80, Kadra et l’Unité. Le 21 décembre, les grévistes votent l’occupation. Le 23, en présence de 550 salariés, ils organisent une conférence de presse et y rendent publics les documents témoignant de détournements de fonds par la direction, qui approcheraient les 2,7 millions d’euros – alors que la satisfaction des revendications ne coûterait que 2,23 millions par an.
La veille de Noël, qu’ils passent dans la mine occupée, les grévistes donnent leur sang : 35 litres. Le lendemain, ayant reçu des sucreries de la population solidaire, ils les offrent à deux orphelinats locaux. Le 26, une équipe de grévistes descend au fond de la mine pour garantir la sécurité et débloquer une machine, en danger du fait de l’arrêt de l’exploitation. Le 29, les négociations n’aboutissent pas, cinq des syndicats jusque-là inactifs dans la grève – dont Solidarnosc et le ZZG (ex-syndicat officiel des mineurs) – soutiennent ouvertement la direction de la mine. La majorité des salariés décide de durcir la grève.
Le 4 janvier, 150 mineurs, descendus avec l’accord de la direction pour assurer la sécurité du fond, rejoignent la grève et occupent le niveau - 700 mètres. L’occupation du fond, par plus de 500 mineurs, durera jusqu’à ce que le PDG de JSW, profitant d’un moment d’inattention des grévistes en surface, descende dans la mine, accompagné d’un procureur et d’un policier. Il veut ainsi démontrer que les mineurs sont forcés par « une minorité terroriste ! » Devant l’unanimité, le procureur et le policier quittent la mine : « C’est une grève, je ne suis donc pas concerné », déclare le procureur. Le PDG est retenu par les grévistes, qui lui assurent qu’il disposera ainsi d’un logement… jusqu’à la fin de la grève. Pris de peur, il finit par accepter les négociations et les grévistes quittent le fond, le 9 janvier au petit matin, mais l’occupation continue.
Le 14 janvier, la direction rompt de nouveau la négociation. Le 15 janvier, W. Pawlak, vice-Premier ministre, en charge de l’économie, menace : « Trois syndicalistes très radicaux ne peuvent pas déstabiliser toute l’industrie minière », alors qu’une assemblée de plus de 500 grévistes décide d’entamer une grève de la faim au niveau - 700. La tension monte.
Dès le 29 décembre, le comité de grève a lancé un appel à la solidarité des travailleurs du monde entier. Car les salaires de décembre ont été bloqués par la direction. « La mine Budryk ne fera pas faillite, a déclaré cyniquement à la radio Zet le PDG Bojarski, même si cette grève devait durer des mois, mais ce sont les familles des grévistes qui feront faillite. » La solidarité internationale peut le contredire1.
Jan Malewski
Notes
1. Pour tout soutien financier, envoyez vos chèques à l’ordre de LCR-Pologne, avec mention au dos « Soutien aux mineurs polonais », à LCR, 2, rue Richard-Lenoir, 93100 Montreuil. La LCR transmettra.