Comment la CFDT fait face à la fronde de ses opposants
LE MONDE | 26.06.03 | 13h18
La centrale syndicale est en proie à des tensions après l'accord conclu entre M. Chérèque et le gouvernement sur la réforme des retraites. Plusieurs structures menacent de faire sécession. La direction confédérale cherche à rassurer les mécontents et à isoler ses opposants traditionnels.
La rébellion est désormais officielle. Six semaines après le ralliement de François Chérèque au projet du gouvernement sur les retraites, la direction de la CFDT affronte une vague de contestations internes qui, dans plusieurs départements, menacent de prendre la forme d'une scission. Mardi 24 juin à Créteil, une centaine de délégués du syndicat "Interco" (fonctionnaires territoriaux) du Val-de-Marne ont choisi de quitter la CFDT, après un vote acquis à 95 % (contre 1,6 % et 3,4 % d'abstentions). Ils ont aussitôt fondé une nouvelle organisation, le Syndicat départemental unitaire du Val-de-Marne (SDU), qui devrait rallier la FSU (jusqu'ici principalement constituée de syndicats de l'éducation nationale). D'autres pourraient suivre.
La direction a compris le danger ; elle a engagé des procédures de mise sous tutelle des syndicats Interco de Paris, du Val-de-Marne, de Seine-Saint-Denis et des Ardennes, pour enlever toute légitimité à leurs dirigeants - et aux décisions qui pourraient découler de congrès de désaffiliation. Les conflits gagnent aussi l'Alsace ou la Savoie, où un huissier a été dépêché pour constater l'invalidité d'un congrès départemental qui avait été convoqué par la majorité confédérale. Malgré l'onde de choc, M. Chérèque et les siens s'emploient à rassurer. Le syndicat revendique plus de nouveaux adhérents que de départs à la fin du mois de juin.
Jacky Bontemps, secrétaire national chargé des questions internes, dit avoir entendu "la rumeur" sur "les intentions de départs collectifs et individuels", mais il assure constater "un écart entre les intentions et les réalités de ces départs".
M. Bontemps rappelle l'attachement à la CFDT du Syndicat général de l'éducation nationale (SGEN), structure pourtant "oppositionnelle", et met en avant "les désaccords entre les oppositionnels sur la stratégie à suivre". Car des divergences existent entre les différentes composantes de cette opposition. Au-delà des sympathies politiques diverses pour la LCR ou l'ex-Gauche socialiste, par exemple, les divergences portent sur l'heure de la scission aussi bien que sur le choix des syndicats d'accueil.
LA CGT "ATTENTIVE"
De l'Union régionale interprofessionnelle (URI) d'Auvergne à la FGTE (fédération des transports de la CFDT), des structures oppositionnelles vont se donner plusieurs semaines pour déterminer quelle sera leur orientation. Dans une motion interne adoptée au conseil fédéral du 20 juin, la FGTE précise les modalités du débat qui doit traverser l'ensemble de ses syndicats. Constatant que "l'orientation de la CFDT, sa direction et son fonctionnement démocratique sont mis en question", la FGTE entend "rendre la parole aux syndicats" et convoque une assemblée générale les 2 et 3 juillet. A la fin de septembre, ceux-ci prendront une décision sur leur avenir.
"Est-ce qu'il est encore possible de défendre nos valeurs au sein de la CFDT ?" questionne Eric Thouzeau, secrétaire général-adjoint des cheminots. Nombre d'organisations vont tenter de répondre à cette interrogation : la FGTE, comme les URI d'Auvergne, de Provence-Alpes-Côte d'Azur, des syndicats de la santé, des banques, des finances... Quelque 35 unions départementales, en désaccord avec la ligne confédérale, se poseront aussi la question d'une désaffiliation.
Secrétaire adjoint de l'URI d'Auvergne, Raymond Vacheron insiste sur la nécessité d'éviter "une nouvelle dispersion du mouvement syndical" et plaide pour le mouvement confédéré. Les regards se tournent alors vers la CGT, syndicat privé et public. D'autres comptent jeter leur dévolu sur la FSU, les SUD ou l'UNSA. Les territoriaux ne cachent pas leur intention de rejoindre la FSU. Les transports pensent plus à la CGT, certains syndicats de la santé lorgnent vers SUD, voire vers l'UNSA. Les autres syndicats scrutent ces débats. La CGT se dit "attentive" et attend "avec bienveillance" d'éventuelles recrues, prête à intégrer les nouvelles équipes "telles qu'elles sont" - ce qui pourrait causer quelques heurts là où existent déjà des syndicats CGT. La FSU, elle, tranchera sur ces "nouveaux secteurs" de syndicalisation à son prochain congrès, en janvier 2004. Mais pendant les débats, les contacts continuent.
Rémi Barroux
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M. Chérèque craint un "émiettement"
Dans une interview à La Croix du jeudi 26 juin, François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, met en garde contre "le risque d'émiettement supplémentaire des organisations syndicales, d'une certaine forme de radicalité dans l'expression et de défiance vis-à-vis des centrales syndicales". Interrogé sur les départs de la CFDT, M. Chérèque indique que "ceux qui partent aujourd'hui sont ceux qui ont compris que la ligne réformiste était désormais parfaitement acceptée par une très grande majorité de militants".