CITATION (Le Monde @ 26 juin 2003)
Le départ de Malek Boutih provoque des remous à SOS-Racisme
Une porte "forcée", des coups de fil d'insultes et de "menaces", des fichiers d'adhérents "déménagés"... l'ambiance s'est brusquement détériorée dans certains comités de SOS-Racisme après que des militants ont décidé de claquer la porte et de lancer SOS-Racisme indépendant – contre "canal historique", comme ils disent.
Cette scission, la première depuis la création de l'association en 1984 sous les auspices de François Mitterrand, est provoquée par le départ de son président, Malek Boutih, et sa promotion, le 18 mai, comme secrétaire national du Parti socialiste au congrès de Dijon.
Vendredi 27 juin, M. Boutih devrait officiellement démissionner de ses fonctions et introniser son successeur, Dominique Sopo, lui-même ex-dirigeant du Mouvement des jeunes socialistes (MJS). Avec la nomination au conseil national du PS de Loubna Meliane, porte-parole et vice-présidente de SOS, la coupe, pour certains, est devenue trop pleine. Dans un appel intitulé "Touche pas à SOS-Racisme", des cadres des comités d'Alès, Charleville-Mézières, Marseille, Montpellier, Nice, Nîmes, Reims et Strasbourg s'insurgent contre "le retour de SOS-Racisme à son inféodation au PS".
La "trahison" de M. Boutih est d'autant plus mal vécue qu'il était parvenu à incarner, depuis son accession à la tête de l'association, en 1999, une ligne autonome. Sa sympathie affichée à l'égard de Jacques Chirac n'avait-elle pas donné des idées à la droite, qui avait envisagé, un temps, de lui proposer un secrétariat d'Etat dans le gouvernement Raffarin ? "Le passage de Malek au PS nous a consternés, car il tenait vraiment un discours d'indépendance", déplore Dominique Chathuant, président du comité de Reims. "Beaucoup de militants ont adhéré grâce à sa personnalité et à son énergie passée à préserver l'indépendance de SOS", affirme Najat Mowgli, du comité de Marseille.
CHANGEMENT DE DONNE
Mais au PS, la donne a changé avec le ralliement de Julien Dray à François Hollande. M. Boutih est d'abord un "ami" très proche de l'ancien dirigeant de la Gauche socialiste, qui a lancé SOS et formé ses responsables. En rejoignant la majorité du parti, le député de l'Essonne – aujourd'hui porte-parole du PS – voulait amener dans ses bagages une de ses têtes de pont dans le milieu associatif. Il a d'ailleurs tenté une opération identique avec le mouvement Ni putes ni soumises, mais sa présidente, Fadela Amara, ayant décliné, c'est Mme Meliane qui a été choisie.
A la direction de SOS-Racisme, on minimise l'ampleur des départs. "C'est un individu par ville, soit une dizaine en tout, affirment Mme Meliane et Yasmine Oudjebour, responsable de la communication. Il n'existe pas de comité à Vitrolles ni à Alès, et le responsable de Montpellier n'est parti qu'avec sa famille." Quant au cambriolage des locaux marseillais dénoncé par les rebelles, il est, lui aussi, démenti : "La trésorière avait la clef."
Ces derniers jours, tout le monde a été tenu au courant, par le menu détail, des épisodes de la scission à grand renfort de courriels rageurs. Sauf au PS, où l'on évite scrupuleusement de parler de "ça". "Par pudeur", avance un élu. Par calcul, aussi, bien que d'aucuns manifestent leur agacement contre les "man½uvres de "Juju"". "Je ne me mêle pas de la vie de SOS", dit M. Hollande. "S'il ne s'était agi que de prendre son président, cela n'aurait pas été très original, ironise-t-il, mais la personnalité de Malek dépasse le cadre de SOS." Mardi 24 juin, ce dernier a exposé, devant le bureau national du PS, les contours du projet de loi sur les flux migratoires de Nicolas Sarkozy, unanimement rejeté. "Malek a fait une très bonne intervention", juge un participant. Mais c'est M. Dray qui a lancé le débat sur les quotas.
Isabelle Mandraud et Sylvia Zappi
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