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François Hollande s'affirme en chef de l'opposition
LE MONDE | 13.06.03 | 12h59
S'agissant du rassemblement de la gauche, à l'exclusion de l'extrême gauche justement, M. Hollande a estimé qu'il n'y avait "pas besoin de parler de structure".
Moi, je. D'emblée, François Hollande, fraîchement reconduit à la tête du PS, a tenu à revendiquer le premier rôle. "Ma légitimité", "ma propre volonté", "mes électeurs" (de Corrèze), a-t-il d'abord égrené sur le plateau de l'émission "100 minutes pour convaincre", jeudi soir 12 juin, sur France 2. "J'incarne la nouvelle France comme la vieille, la France éternelle", a-t-il également affirmé. La figure de gauche, en 2003, à côté de Karl Marx ? "Oui, oui, vous pouvez m'y mettre", a-t-il assuré, avant d'indiquer, en guise de conclusion : "Je suis mandaté par les socialistes pour les mener jusqu'en 2007" - soit jusqu'à l'élection présidentielle, "oubliant" au passage que le candidat du PS sera désigné par un nouveau congrès, en 2006.
Face à Laurent Fabius, numéro deux du parti, qui ne fait guère mystère de ses ambitions, M. Hollande, dans un style plus austère qu'à l'accoutumée, a donc pris soin, lui aussi, de se placer sur la ligne de départ. Devant 2,6 millions de téléspectateurs (13,2 % de part d'audience), une audience médiocre comparée à celles de Dominique Strauss-Kahn (19,4 %) et de Nicolas Sarkozy (25 %) dans la même émission, le chef du premier parti de l'opposition avait un autre message à délivrer. Ou plutôt des mots à effacer des mémoires. Il a ainsi qualifié de "phrase malencontreuse" l'affirmation de Lionel Jospin au début de sa campagne présidentielle : "Mon projet n'est pas socialiste", et s'est donc appliqué à réparer en soulignant "l'identité socialiste".
L'argument a été répété à satiété : "Il faut redonner prise, montrer qu'il y a un choix" entre la droite et la gauche. "L'indifférenciation est une menace pour la démocratie, j'assume ces différences (...) Le pire, c'est quand on pense qu'il n'y en pas", a insisté M. Hollande. "Ce serait terrible, Jacques Barrot, si nous avions la même position", a-t-il lancé au président du groupe UMP de l'Assemblée nationale. Sur les retraites, le chef du PS a revendiqué "un autre projet, une autre proposition, une autre réforme". Tout en se gardant de renouveler la promesse faite à Dijon de retirer le plan Fillon, en cas d'alternance en 2007, M. Hollande s'est engagé à rouvrir des négociations, en réitérant ses critiques contre le manque de discussion et le financement du projet du gouvernement. "Allonger la durée de cotisation, c'est aussi un prélèvement", a-t-il déclaré, estimant cependant qu'une "durée de 40 ans peut être admise" pour certains salariés, selon la pénibilité des métiers.
Pour séparer la droite de la gauche, en accord sur la nécessité d'une réforme, M. Hollande a opéré cette distinction : "Le mot est galvaudé ; la réforme, c'est le progrès. Celle de M. Raffarin n'en est pas une, c'est une remise en cause, une régression." Quant à la caution de la CFDT invoquée par M. Barrot, puis par Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, le premier secrétaire du PS lui a opposé le silence du Medef, "qui n'a plus besoin d'élever la voix car il est au gouvernement".
Sur l'emploi, "tout nous différencie" a-t-il poursuivi, en énumérant les emplois-jeunes "supprimés", les 35 heures "arrêtées", la loi de modernisation sociale "suspendue", l'impôt sur les grandes fortunes "allégé" et les baisses d'impôts "accordées aux plus favorisés". "Il faut montrer aux Français qu'il y a des solutions, que rien n'est fatal", a souligné M. Hollande. Une façon, encore, d'exprimer le remord socialiste lorsque M. Jospin, confronté à une vague de plans sociaux, avait estimé que "l'Etat ne peut pas tout". Cela n'a pas empêché le premier secrétaire du PS d'assumer une part "d'héritage", en défendant la politique économique du précédent gouvernement mais aussi, de façon plus nuancée, les 35 heures : "Quand il y a un acquis social, il faut savoir l'adapter mais il faut savoir aussi le garder." Sur la sécurité ou l'immigration, M. Hollande s'est montré plus prudent, se bornant à dénoncer des "textes pas utiles" contre "les gens du voyage" ou les "prostituées".
La différence, il s'y est attardé, avec l'extrême gauche aussi, après qu'Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte Ouvrière, eut reproché au PS "une culture de transformation sociale dans l'opposition et une culture de responsabilité" au pouvoir. "Ah, dans l'opposition, vous avez des trémolos dans la voix mais, excusez-moi, vous avez laissé les travailleurs dans la merde", lui a lancé la candidate de LO à l'élection présidentielle. "Heureusement qu'il y a une gauche qui accepte de se mettre les mains dans le cambouis, lui a vivement répondu M. Hollande. Avec des révolutionnaires comme vous, les conservateurs peuvent dormir tranquilles !"
S'agissant du rassemblement de la gauche, à l'exclusion de l'extrême gauche justement, M. Hollande a estimé qu'il n'y avait "pas besoin de parler de structure". La différence, avec la défunte gauche plurielle, a-t-il expliqué, se fera sur "un projet" et non sur "des accords électoraux". Sachant, aussi, que le PS "a vocation à occuper un espace très large".
Isabelle Mandraud
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 14.06.03
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