CITATION
A gauche, quarante voix pour la radicalité
Ebauche difficile de l'alliance antilibérale.
Par Alain AUFFRAY et Pascal VIROT
vendredi 13 juin 2003
gauche de la gauche, on essaie de se parler. Mardi soir, dans l'arrière-salle de chez Ramulaud, un restaurant-guinguette du faubourg Saint-Antoine, à Paris, une quarantaine de dirigeants se sont discrètement rencontrés. Des trotskistes, des communistes, des écologistes et même un socialiste. Il s'agissait de réunir, pour d'éventuelles initiatives communes, ceux qui cherchent une alternative au social-libéralisme et qui ne veulent plus se satisfaire de la posture protestataire de l'extrême gauche. Initiateurs de ce conclave, les refondateurs communistes et les dirigeants des Verts avaient invité une quarantaine de militants politiques et associatifs : les Alternatifs rouges et verts, le collectif Pour une vraie gauche, la fondation Copernic, la LDH, le Mrap, Sud, la CGT, etc. La direction du PCF était représentée par Olivier Dartignolles, la LCR par Christian Picquet, le socialiste Jean-Luc Mélenchon ne représentant que lui-même.
«Cambouis». «C'est parti d'une conversation avec Gilles Lemaire (secrétaire national des Verts, ndlr) mi-avril. Nous avions, sinon des réponses communes, du moins des préoccupations communes», raconte Roger Martelli, refondateur communiste et directeur de la revue Regards. Les refondateurs du PCF et la direction des Verts ont effectivement en commun d'avoir défendu, chacun dans leur parti, l'idée d'un «pôle de radicalité» à gauche. Outre Martelli, les premiers étaient représentés par l'ancien directeur de l'Humanité Pierre Zarka et le député-maire de Saint-Denis, Patrick Braouezec. Côté Verts, les principaux responsables du courant majoritaire Alain Lipietz, Martine Billard et Yves Contassot étaient «à titre personnel» au rendez-vous. Depuis plusieurs années, Patrick Braouezec ne cache pas son ambition de «construire une alternative» à gauche en ralliant ceux qui, à l'extrême gauche, pourraient se décider à «mettre les mains dans le cambouis». Chez les écologistes, Gilles Lemaire a gagné le dernier congrès des Verts à Nantes en décembre, en prônant le principe d'«autonomie contractuelle» vis-à-vis du PS. C'est un proche de Martine Billard qui a rappelé récemment qu'elle voulait «travailler à la construction d'une force politique située dans le camp de l'altermondialisation».
Yves Salesse, président de la fondation Copernic, s'est vu confier mardi soir le soin de rédiger un «texte fondateur» qui sera soumis aux représentants de la gauche antilibérale à l'occasion d'une nouvelle réunion, le 24 juin. Mais le premier tour de table de mardi a déjà démontré que le consensus reste encore hors de portée.
Front antisocialiste. La préoccupation majeure des refondateurs a été rappelée par Martelli : «Eviter d'être en dépendance absolue vis-à-vis du PS.» Ce front antisocialiste, «cette recherche d'une convergence à la gauche de la gauche» sont jugés compréhensibles par Jean-Luc Mélenchon : «Il faut être lucide : il existe un espace politique à la gauche du PS. C'est une évidence. Mais je ne m'inscris pas dans cette vision. Je ne me résigne pas à la division entre une gauche de gouvernement et une gauche radicale.» Mais, mardi, les refondateurs ont d'emblée posé la question des échéances électorales. Patrick Braouezec l'avait d'ailleurs annoncé dès le mois dernier : il s'agit d'imaginer une alternative «qui pourra trouver une traduction dès les prochaines élections régionales et européennes».
«Mandaté» par la direction de la LCR, Christian Picquet se félicite que, «pour la première fois, des gens assez divers dialoguent librement et c'est un acte politique d'importance». Par sa présence, le dirigeant trotskiste démontrait qu'il n'était pas hostile au projet de création d'un espace «entre réforme et révolution». Mais il est resté prudent, car loin d'être sûr que la LCR soit mûre pour l'alliance d'une gauche antilibérale. De son côté, le représentant de la direction du PCF n'a pas manifesté d'enthousiasme pour un engagement de son parti dans une coalition anti-sociale-démocrate.
«Force politique». Et, paradoxalement, les réticences les plus vives sont venues de Gilles Lemaire et de ses amis. Ils sont alliés au sein de la direction des Verts à un «pôle écolo», qui menace de les mettre en minorité s'ils font alliance avec l'extrême gauche. Le secrétaire national a refusé toute discussion sur les élections de 2004. Il se défend aujourd'hui de vouloir rejoindre un «pôle de radicalité» et préfère parler de «lieux de débats», de «réseaux antilibéraux» qu'il n'est pas question de transformer en «force politique». L'union antilibérale n'est pas pour demain.
© Libération
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