CITATION La grève générale n'aura pas lieu
La CGT veut garder son capital sympathie auprès de l'opinion publique.
Par Hervé NATHAN
vendredi 06 juin 2003
Quoi qu'en disent les militants syndicaux, qui, pour compenser la baisse du nombre de grévistes, se démultiplient pour occuper le maximum de terrain, la grève générale n'aura pas lieu. Le gouvernement n'aura pas à affronter cette épreuve ultime, la paralysie du pays par l'arrêt total des services publics dont rêvait une partie de l'extrême gauche (lire page 4). Car la CGT, qui domine l'arc syndical opposé à la réforme Fillon (CGT, FO, FSU, Unsa, et G10-Solidaires), se refuse à lancer un tel mot d'ordre. Par tradition d'abord : pour la CGT, «la grève générale ne se décrète pas, elle existe ou pas.» En mai 1968, Georges Séguy, alors secrétaire général, n'avait pas lancé un tel mot d'ordre, pas plus que Louis Viannet en décembre 1995.
Nouveau cours. Depuis des mois, la direction de la CGT s'est préparée pour le présent conflit. Il devait être la marque du nouveau cours, mêlant réalisme et contestation, que Bernard Thibault veut impulser dans sa centrale. Ayant fait, en début d'année, l'unité de tous les syndicats autour d'elle, elle pensait amener la CFDT le plus loin possible, pour imposer un accord qu'elle aurait pu signer. C'est pour cela qu'au lendemain de la grande journée du 13 mai, la CGT avait fait reprendre le travail à la RATP en expliquant que le moment n'était pas venu. La signature expresse d'un accord, le 15 mai au soir, par François Chérèque a pris au dépourvu la direction de la CGT, reconnaît-on Porte de Montreuil. De même que la fermeté affichée depuis par le gouvernement.
Dès lors, le combat change de nature. «Raffarin fait du dossier des retraites le symbole de sa capacité à gouverner», analyse Thibault. La CGT entre donc contre son gré dans un bras de fer à caractère politique. Pire, le syndicat a le sentiment que le gouvernement est pris d'une «tentation thatchérienne sous des dehors tout en rondeurs». Son but, analyse la CGT, serait d'infliger une défaite majeure au mouvement syndical contestataire, à l'image de ce que le Premier ministre britannique avait fait subir aux mineurs en 1986. «C'est pour cela que nous refusons la notion de combat ultime» prônée par l'extrême gauche, confie un proche de Thibault. La CGT sait que les syndicats opposés à la réforme disposent toujours d'un capital majoritaire de sympathie dans l'opinion publique. Elle fait tout pour le conserver.
Affrontements à venir. C'est ainsi que, pour permettre aux Français de circuler pendant le week-end pascal, les cheminots sont invités à ne se mobiliser que le mardi 10 juin, jour de l'ouverture du débat sur les retraites à l'Assemblée. Pour la CGT, les grèves et manifestations spectaculaires sont donc désormais moins le dernier feu du combat contre le plan Fillon que la préparation d'affrontements à venir. Ce qu'un responsable syndical résume par : «Nous savons qu'il y aura d'autres combats, sur la sécurité sociale, et aussi sur les retraites, où nous nous retrouverons face au gouvernement, à nouveau pour négocier.» Avec, espère-t-il, des forces intactes.
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