
La position de la Fraction de LO est assez proche de la position du courant DR de la LCR:
a écrit :Pour battre Sarkozy et sa politique,
le 1er mai, exerçons notre pression
le plus à gauche possible
Le deuxième tour se prépare dans la même confusion que celle dans laquelle s'est conclu le premier, "la petite cuisine"… A défaut de pouvoir se différencier sur le fond, les deux derniers protagonistes continuent le petit jeu qui consiste à reprendre à son compte tout ou partie du discours de ses principaux rivaux pour tenter de séduire leur électorat. Le ballet croisé entre Royal, Sarkozy, Bayrou et Le Pen continue en dépit des grandes déclarations contre les manœuvres politiciennes, le débauchage et le souhait d'un débat d'idées projet contre projet. Ainsi, Sarkozy et Royal convergent vers le centre… Royal semble prendre l'avantage en proposant à Bayrou un débat public et…des ministres alors que les proches de Sarkozy multiplient les appels du pied vers les centristes… En réponse, Bayrou a comparé Sarkozy à Berlusconi. Ce dernier tient meeting avec à ses côtés Besson, le transfuge qui se dit homme de gauche votant pour un homme de droite mais qui cherche surtout à assouvir de solides et médiocres rancoeurs dont Sarkozy fait son pain blanc, comme avec les ralliés de l'UDF… Débat d'idées certes mais qui semble surtout flatter les ambitions personnelles et les appétits de pouvoir. Il n'est pas dit qu'à ce jeu Sarkozy soit gagnant malgré l'avantage qu'il a réussi à obtenir à l'issue du premier tour. Le grand rassemblement qu'il propose inclurait un pôle de gauche dont Besson serait le représentant, un pôle centriste autour des ralliés de l'UDF, le tout autour d'axes politiques repris à l'extrême droite… Peut-être en fait-il trop ! Le Pen, qui avait fondé sa campagne sur le calcul qu'au final, ce serait lui qui récolterait le bénéfice électoral de la montée des idées réactionnaires sous sa pression, en est pour ses frais et n'a qu'une volonté, se venger de Sarkozy. L'original déteste la copie… Au point que Gollnisch a laissé entendre que Royal serait moins pire que Sarkozy…
2007 tourne la page de la période Chirac dans un climat délétère de crises des partis institutionnels à travers lequel se façonnent un nouveau paysage politique, de nouveaux rapports de force sur un fond de politisation, d'irruption de la jeunesse sur le terrain politique. Et dominant la scène, la crise sociale à laquelle ni Sarkozy ni Royal n'ont de réponse, eux qui se plient aux exigences de la mondialisation capitaliste.
Le premier tour de la présidentielle semble avoir effacé le succès du 29 mai 2005, le Non à la constitution européenne. Mais il y a là une erreur d'optique. Confronté à la question du pouvoir dans le cadre des institutions, des élections, le profond sentiment populaire de refus de l'Europe de la concurrence libre et non faussée qui avait désavoué les partis du Oui, tous les grands partis et d'abord l'UMP et le PS, s'est trouvé désarmé, pris au piège du vote utile, ne voyant pas les moyens d'y échapper.
S'exprime là la contradiction essentielle de la période : le mécontentement, la révolte du monde du travail qui s'étaient largement exprimés le 29 mai ou à travers la solidarité avec la lutte des jeunes contre le CPE, restent encore prisonniers des institutions et du système social lui-même que pourtant ils rejettent.
Cette contradiction s'exprime dans le large écho rencontré par nos idées, par la campagne d'Olivier Besancenot et la faiblesse relative des résultats des anticapitalistes, y compris de l'ensemble de la gauche de la gauche.
Cette contradiction, c'est la contradiction entre la politique des partis institutionnels soumis aux intérêts du Medef et les aspirations des classes populaires qui n'ont pas l'instrument politique leur permettant de pousser jusqu'au bout leur contestation de " l'ordre injuste ".
La période qui s'ouvre sera dominée par le développement de cette contradiction qui s'exprimera par l'aggravation de la crise politique, la montée et l'exacerbation de la révolte sociale et pose le problème de la nécessité d'un nouveau parti des travailleurs complètement indépendant des institutions et donc du PS et de ses satellites.
Cette question d'un nouveau parti est posée à une échelle de masse.
La logique de la crise de la démocratie minée par la dictature des gros actionnaires et de l'économie du profit est un déplacement à droite de tous les partis qui se plient à cet ordre social. L'axe de la vie politique parlementaire se déplace nécessairement vers le populisme de la droite extrême ou de l'extrême droite. C'est ce qu'a compris Sarkozy, poussé par son ambition et son besoin de rompre avec la période Chirac. Chirac a été le personnage clé de cette période de cohabitation droite-gauche d'abord parce qu'il fut le Premier ministre de Mitterrand en 93 ensuite parce qu'il fut le président de la République du Premier ministre Jospin.
Le 5 mai 2002 signe la fin de cette période dans la mascarade du deuxième tour Chirac-Le Pen qui vit quasiment tout le pays voter à droite !
2007 ouvre une nouvelle période avec un axe de la politique parlementaire qui se déplace à droite, très à droite, même si ce déplacement annonce le déclin sinon la fin probable du FN de Le Pen. Le grand rassemblement de droite que projette Sarkozy ouvrira largement ses portes aux électeurs et militants du FN dont il reprend les idées et préjugés.
Face à ce déploiement du populisme de droite, le PS est désarmé, impuissant, paralysé parce qu'il est incapable de rompre avec le système. Il reste prisonnier, dominé par les idées de celui qu'il prétend combattre. Royal n'a résisté que parce qu'elle-même en tant que femme, de par sa personnalité, elle représentait une rupture, ou plutôt elle symbolisait une rupture que son programme trahissait !
Elle symbolise une résistance à l'arrogance de Sarkozy mais une résistance désarmée.
Bien sûr, nous sommes solidaires de la grande majorité des travailleurs et de la jeunesse des cités, de tous ceux qui veulent battre Sarkozy en votant Royal. Nous sommes solidaires et comme eux nous souhaitons la défaite de Sarkozy et les révolutionnaires ne veulent en rien faire obstacle à la victoire au second tour de Ségolène Royal.
Mais c'est bien à elle de convaincre qu'elle est à même de s'opposer à Sarkozy et à sa politique. C'est à elle de démontrer qu'elle a entendu la volonté et les exigences de ceux qui ont voté pour Olivier Besancenot ou plus largement pour les candidats de la gauche du PS.
Si voter Royal, c'est voter pour un gouvernement avec Bayrou, ça ne peut être un vote contre Sarkozy !
Que demain le PS gouverne avec les centristes pour mener une politique de droite ne fera qu'amplifier le déplacement à droite de toutes les forces politiques parlementaires. Les déceptions, les rancoeurs qui en résulteraient ne pourraient que renforcer Sarkozy en créant un terrain favorable aux idées de Le Pen.
Le 5 mai 2002, il fallait voter Chirac pour faire barrage à Le Pen et aujourd'hui il faut faire barrage à Sarkozy qui reprend les idées de Le Pen… Royal n'a quant au fond pas d'autre argument que le " Tout sauf Sarkozy ". C'est court. De reculade en reculade, la gauche est affaiblie, demain elle pourrait être explosée.
En mai 2005, nous avons dit non au référendum sur le TCE, non à la concurrence libre et non faussée dont Royal et le PS sont d'ardents défenseurs. Au printemps dernier, la jeunesse a imposé à Villepin-Sarkozy le retrait du CPE, un recul qui était un pas en avant considérable. Aujourd'hui, Royal nous propose si elle est élue un CPC frère jumeau du CPE. Si elle réussit à canaliser l'hostilité à Sarkozy en sa faveur dans le même temps qu'elle négocie avec Bayrou, demain, au pouvoir, elle défendra les intérêts des grands patrons, des riches, des classes dominantes.
Alors bien sûr, encore une fois, nous ne ferons aucun obstacle à l'élection de Royal mais nous devons lui faire savoir que non seulement nous ne nous rallions pas à elle et à son programme libéral mais que nous entendons le combattre.
Oui, si nous utilisons notre bulletin de vote pour battre Sarkozy, l'essentiel est que, dans la rue, le 1er mai, et après, nous nous donnions les moyens de peser le plus fortement possible sur le plan social et politique pour défendre les mesures d'urgence sociale et démocratique du monde du travail, pour donner vie à la nécessaire alternative anticapitaliste, démocratique et révolutionnaire pour mettre fin aux ravages de la mondialisation.
Le premier tour de la présidentielle souligne à quel point les travailleurs, la jeunesse, tous les opprimés ont besoin de se donner une expression politique qui les représente réellement, d'avoir leur propre parti pour aider à l'organisation, à la généralisation des luttes tant sociales que politiques, un parti qui conteste le pouvoir des patrons pour lui opposer celui des travailleurs. Pendant des décennies, le Parti Communiste a assumé, à sa façon, cette fonction malgré sa longue complicité avec les mensonges, les trahisons, les crimes du stalinisme. Il l'a assumée sans lui donner de perspective autre que le vain espoir de changer la vie en allant au gouvernement avec le PS. Le résultat est là, le PC est effondré, le bluff de ses dirigeants ne peut masquer leur faillite et leurs reniements.
Dès aujourd'hui, il nous faut préparer la suite. Quel que soit le vainqueur du deuxième tour, la lutte pour l'urgence sociale et démocratique dans la perspective d'une transformation révolutionnaire de la société sera à l'ordre du jour. Et c'est bien là pour les salariés, les femmes, les jeunes, les chômeurs et les exclus, les sans papiers, tous les opprimés, la question essentielle, comment s'y préparer.
La campagne d'Olivier Besancenot a posé les problèmes, ouvert des perspectives, il s'agit de poursuivre la discussion sur les lieux de travail, dans les quartiers, les facs et les lycées sur les moyens de construire ce nouveau parti expression sur le terrain politique des intérêts des travailleurs et des classes populaires, qui affirme une perspective en rupture avec le capitalisme, un projet révolutionnaire, et puisse ainsi être en mesure d'exprimer en permanence les intérêts des salariés en toute indépendance des institutions et de la gauche gouvernementale.
La tâche est immense, mais à partir du moment où elle devient une préoccupation pour des milliers de jeunes, de travailleuses, de travailleurs, tout peut changer.
La campagne des législatives sera l'occasion de renforcer les liens nouveaux qui sont nés de la présidentielle, de les développer, d'approfondir les discussions juste ébauchées, de susciter les initiatives, de les encourager.
La campagne et le score d'Olivier Besancenot sont un solide point d'appui pour prendre l'offensive, donner confiance, montrer que c'est possible à condition d'oser opposer en toute clarté, en toute indépendance, les exigences des classes populaire à celles des classes dominantes .
C'est ce que nous dirons dans la rue le 1er mai, journée internationale des travailleurs, ensemble, dans l'unité avec tous les anticapitalistes.
Yvan Lemaitre