Continuité de la démagogie et montée des populismes

Message par Rouge95 » 30 Mars 2007, 11:47

Article paru dans le dernier Débat Militant

a écrit :
Continuité de la démagogie et montée des populismes


Mardi 20 mars, devant l'école maternelle rue Rampal dans un quartier populaire de Paris, des parents d'élèves et des enseignants se sont opposés physiquement à l'arrestation d'un sans-papier venu chercher son petit-fils, révoltés par les "rafles quotidiennes". Suite aux violences policières, le mouvement s'est renforcé par des manifestations et des appels à la grève pour protester contre la mise en garde à vue de la directrice de l'école. Le 27 mars à la Gare du Nord, des voyageurs interviennent face à la brutalité de l'interpellation d'un jeune dépourvu de billet. Là aussi, face à la colère suscitée par leurs méthodes, les policiers n'ont pas hésité à utiliser les gaz lacrymogènes au milieu de la foule des voyageurs en heure de pointe.
"Ça devient invivable", déclarait une parente d'élève exprimant toute l'inquiétude devant ce climat de dérives sécuritaires créé par Sarkozy. L'on comprend et partage cette inquiétude que suscite plus généralement le fait que Sarkozy puisse être élu président de la République. Oui, il faut battre Sarkozy et sa politique mais l'évolution de la situation politique depuis 2002 indique bien à quel point les travailleurs, les jeunes, les femmes, les immigrés et les sans-papiers ne peuvent compter sur aucun des partis institutionnels pour s'opposer à cette montée réactionnaire mais que sur eux-mêmes, leurs mobilisations, leur organisation, leurs luttes sur le terrain politique lui-même.

De l'imposture de Chirac au populisme de la droite
En 2002, c'est justement sur ce terrain institutionnel de la "défense de la République" que Chirac a pu se présenter comme un "rempart face à Le Pen", grâce à la complicité de la gauche cherchant à échapper à son discrédit dans les milieux populaires.
En appelant à voter pour lui, les partis de gauche ont donné une légitimité inespérée à Chirac, ce politicien réactionnaire prêt à toutes les démagogies pour satisfaire ses ambitions de pouvoir. Comme en 1986, quand il tenta de supprimer l'automaticité du droit du sol pour les enfants d'immigrés et dut reculer face aux manifestations étudiantes. Comme en 1991, quand il déclarait : " Il est certain que d'avoir des Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d'avoir des musulmans et des Noirs [...] Si vous ajoutez le bruit et l'odeur, hé bien le travailleur français sur le palier devient fou. Et ce n'est pas être raciste que de dire cela... ". Comme en 2002 où il mena sa campagne sur "l'insécurité", faisant du même coup le lit de l'extrême droite.
Cette imposture a conduit au renforcement de cette droite populiste prétendant, au nom de la nation, s'élever au dessus des clivages politiques et sociaux, qui aujourd'hui mène son offensive tout azimut au service des privilégiés, tout en flattant les préjugés nationalistes et xénophobes pour arriver à ses fins. C'est ainsi que, sans surprise, Chirac vient d'apporter son soutien à Sarkozy au moment même où ce dernier lorgne vers l'électorat de Le Pen.

Quand les partis institutionnels font de la surenchère nationaliste

Déstabilisé par Bayrou, Sarkozy s'est tourné vers l'électorat d'extrême droite avec ses déclarations sur le " ministère de l'immigration et de l'identité nationale ". Cynique et fier de son coup, il aurait même expliqué en privé : " j'ai pris six points dans les sondages, et j'ai cassé Bayrou " ! Pour souligner le trait, il déclare même respecter " tous les candidats " en incluant le Front National et en ajoutant " Je respecte tous ceux qui se lancent dans une compétition dont je suis bien placé pour dire qu'elle est bien difficile "…
Profitant de cette situation, Le Pen pavoise : " Les billes que mes principaux concurrents ont pris dans mon sac, je vais les récupérer, je le sais. (…) En volant mes idées, en fait, mes concurrents les valident ". Il ménage Sarkozy en s'attaquant à… Chirac : " Ce n'est pas un soutien très chaleureux. Je ne suis pas sûr qu'un soutien chaleureux de Jacques Chirac aurait apporté quelque chose de plus à M. Sarkozy ". Et lors de son dernier meeting à Toulouse, s'il s'en prend à Royal et Bayrou, il ne cite pas une fois le nom de Sarkozy.
La gauche est impuissante à sortir du cadre imposé et sa candidate vient elle aussi sur ce terrain des idées populistes, prisonnière de sa propre politique libérale cause de la défaite de Jospin en 2002.
Ces derniers jours, elle a repris "l'identité nationale" à son compte en déclarant que celle-ci " n'est pas le monopole de je ne sais quel courant de l'extrême droite ", tout en rappelant au passage que cette fameuse "identité" signifie pour elle " lutter contre l'immigration clandestine ". Lancée elle aussi sur le terrain du populisme, elle fait chanter la Marseillaise dans ses meetings, appelle à sortir les drapeaux tricolores le jour du 14 juillet, elle s'est même trouvé un "modèle"… Jeanne d'Arc !
Dans ce concert de " ceux qui tricolorent " comme le disait Prévert, le président du groupe socialiste à l'Assemblée, Ayrault, parle de " réhabiliter le patriotisme du cœur "… Le même Ayrault qui soutenait l'Etat d'urgence décrété par Villepin lors des émeutes des banlieues !
Quant à Bayrou, devant la surenchère de Sarkozy et de Royal, il s'est même payé le luxe d'expliquer : " C'est comme si les thèmes de Jean-Marie Le Pen étaient en train d'envahir l'esprit de ces deux candidats-là "... Pour y aller lui aussi de son couplet en se déclarant contre l'obtention de la nationalité française par le droit du sol à Mayotte et en Guyanne. " Je suis un antiraciste viscéral, mais je suis aussi en charge d'avoir un équilibre dans la population. Quand on est un humaniste, on doit être, dans ces affaires, ferme " !
Chacun à leur manière, de droite, du centre ou de gauche, tous s'engagent sur ce terrain du populisme et du nationalisme. Les mêmes qui dénonçaient les partisans du non au referendum en les accusant de faire le jeu de l'extrême droite et du chauvinisme, se retrouvent aujourd'hui entièrement sur ce terrain.
Flattant les préjugés nationalistes, Sarkozy parle au nom de "la France du non", tout comme Royal qui réduit le vote lors du TCE à " une question existentielle sur le point de savoir si la France allait se diluer dans l'Europe "… Et Le Pen l'a bien compris, en tentant de récupérer le non au referendum à son profit, sur le terrain xénophobe et par la dénonciation de " l'hydre bruxelloise ".

Face à la montée du populisme et du nationalisme, porter le " non " internationaliste
Pour tenter d'obtenir les suffrages populaires, les trois prétendus "grands candidats" se croient obligés de flatter les préjugés réactionnaires. Incapables de répondre aux besoins des classes populaires tant sociaux que démocratiques, la démagogie les dirige et les enferme dans le même cadre d'idées réactionnaires auxquelles chacun essaye de donner les couleurs de son propre camp politique. Mais ils sont dans le même camp social, celui des classes possédantes, des privilégiés.
Face à eux, il nous faut affirmer dans cette campagne comme lors du referendum, les idées du camp des travailleurs, internationalistes, la solidarité entre travailleurs par-delà les frontières, contre les actionnaires et la politique menée par les différents Etats à leur service.
Le nationalisme est un piège destiné à lier le monde du travail à sa propre bourgeoisie nationale. Pour dévoyer la colère face aux licenciements et à la mondialisation, des politiciens de droite mais aussi de gauche en ont déjà appelé au "patriotisme économique". Aujourd'hui, soucieux de l'ordre établi et respectant le pouvoir des actionnaires, des syndicats flattent également ce terrain dangereux de la défense de "l'industrie nationale", comme dans le scandale Airbus.
Mais dans les manifestations, dans les réactions de révolte des salariés d'Airbus ou d'Alcatel-Lucent, la nécessité de se battre tous ensemble contre les actionnaires fait son chemin. Face à cette Europe de la "concurrence libre et non faussée", il nous faut affirmer la solidarité internationale des travailleurs et de leurs luttes.
Pour reprendre confiance en lui-même et en ses luttes, le monde du travail a besoin d'affirmer sur le terrain politique son indépendance de classe et la solidarité de son propre camp.

Denis Seillat
Rouge95
 
Message(s) : 0
Inscription : 11 Fév 2007, 00:30

Retour vers Presse et communiqués

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 5 invité(s)

cron