("Libération" a écrit :Petits candidats de la nuit
Entre 3 et 4 heures du matin, les chaînes infos assurent les quotas.Par Raphaël GARRIGOS, Isabelle ROBERTS
QUOTIDIEN : jeudi 29 mars 2007
Alors ça se passe à 3 ou 4 heures du matin. Vous rentrez, possiblement alcoolisé, chez vous, d'une soirée. Ou bien vous vous apprêtez à sortir. Ou à aller travailler. Ou alors, vous vous êtes réveillé trempé de sueur, ayant encore rêvé que Nicolas Sarkozy vous poursuivait avec un Taser. Bref.
Il est 3 ou 4 heures du matin et vous êtes devant la télé. Saisi d'un vieil instinct grégaire, vous vous dirigez vers LCI. Ou i-Télé. Mais LCI d'abord. Et là, Besancenot. Oui, Olivier Besancenot, candidat de la LCR, en meeting. Derrière lui, une affiche façon mai 1968, sur une chaise, son blouson de cuir. Rien d'étonnant après tout que LCI, dans un de ses journaux qui tombent toutes les demi-heures, même au coeur de la nuit, passe un sujet sur Besancenot. Sauf que, là, ça dure. Et ce n'est pas à mettre sur le compte de ce demi-sommeil qui rend les heures élastiques : l'horloge à gauche, incrustée dans l'écran sous le logo LCI, égrène les minutes. Ça en fait dix qu'on suit un meeting de Besancenot, et dix minutes en télé, c'est énorme, quand un sujet de JT dure à peu près une minute trente. Il est 2 h 48. Besancenot a la voix fatiguée, comme s'il le faisait vraiment en direct, ce meeting, derrière son pupitre rouge sur lequel est inscrit en lettres jaunes «LCR, 100 % à gauche».
Alors non, ne pas y voir une alliance discrète LCI-LCR. C'est juste la manière qu'ont les chaînes tout-info de respecter l'égalité des temps de parole. Certains candidats allez, au hasard : Sarkozy, Bayrou, Royal sont égaux en prime-time, les petits candidats sont égaux aux petites heures de la nuit. Afin de ne pas fâcher le CSA, toxico du temps de parole, et en attendant le 9 avril où l'égalité devra se jouer à des horaires comparables, les chaînes info nous fourguent du petit candidat en loucedé, sous le manteau : faut faire du chiffre.
Sur LCI, Laguiller a remplacé Besancenot. Ce n'est même plus un meeting, c'est une conférence de presse. Une pauvre table, des gobelets, des journalistes assis autour de Laguiller. La scène n'est pas faite pour être filmée, le son est mauvais, les questions posées hors champ inaudibles,
«...campagne... jouingdouing... ressemblait... jouingdouing... 2002 ?» Réponse :
«L'urgence sociale est plus grande.» Il est 2 h 59.
Même tabac sur i-Télé, une nuit plus tard, à 3 h 39, avec José Bové qui, pendant 20 minutes, tient meeting à Mantes-la-Jolie. Debout devant des draps blancs tendus à la va-vite, Bové vitupère, à la main un micro qui fait de l'écho :
«Juste avant notre génération... tion... Qui avaient été envoyés en Algérie... gérie.» Bové parle des
«copains», ceux de PSA, ceux d'Amérique du Sud. Et puis il y a les
«copains kanaques», et d'ailleurs ils sont là et montent sur scène avec des chemises bleues à fleurs blanches. Ils disent :
«Bonsoir les copains de Mantes, la Kanaquie vous dit bonsoir.» C'est la fin du meeting, Bové lâche un dernier slogan venu de Kanaquie :
«Usine, tribu, même combat.» Une petite fille bondit sur la scène et s'empare du micro :
«Jo-sé président ! Jo-sé président !» Après, c'est les infos de 4 heures du matin.
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